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SLAVES DISSIDENTES ÉGLISES)

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par consentement mutuel accompagné de quelques formalités. Pavlov, Cours de droit canonique, Serghief Possad, njoy, p. 383-384 ; Souvorov, op. cit., p. 3N}. A partir de Pierre le Grand, ces abus furent généralement supprimés, et le nombre de causes de divorce considérablement réduit. On en acceptait trois principales avant la guerre, en dehors du recours, toujours possible, à la suprême autorité du tsar : i° l’adultère de l’un des conjoints, juridiquement prouvé ; i° une absence sans nouvelles se prolongeant pendant cinq ans (Loi du 14 janvier 180, 5) ; 3° l’exil en Sibérie, dont on distinguait trois espèces. La cause la plus ordinairement invoquée était l’absence sans nouvelles. Chaque semaine, les Tserkovnyia Viédomosti, organe du Saint Synode, publiaient une trentaine d’instances appuyées sur ce motif.

La confession et ! a communion fréquentes, telles qu’on les pratique dans l’Eglise catholique, ont toujours été inconnues en Russie. Une grave atteinte au secret de la confession a été sanctionnée par le Supplément au Règlement ecclésiastique, promulgué le 17 mai 1732 : Tout prêtre russe, au moment de son ordination, s’engageait par serment à révéler le secret : i° en cas de complot contre la vie du tsar ou des membres de sa famille, ou contre la sûreté de l’Etat ; 2°en cas d’invention de faux miracles ou de fausses reliques. La révélation était prescrite — et sous peine de mort —, lorsque celui qui confessaitlun des péchés indiqués n’en manifestait aucune contrition, mais persistait dans son mauvais dessein.

La prédication est un des grands moyens de sanctification qui a été fort peu utilisé dans l’Eglise russe, à toutes les époques, de son histoire. « Dans l’ancienne Russie, dit Souvorov, op. cit., p. 3aa-3a3, la prédication n’était pas répandue. Elle nous vint par Kiev de l’Occident. Pierre le Grand et Catherine II la réglementèrent et essayèrent de la rendre plus fréquente. Jusqu’à nos jours, clans les églises paroissiales, et spécialementdans les paroisses rurales, elle a présenté un caractère occasionnel, si on la compare à la prédication ecclésiastique en Occident. » Ce qui a gêné beaucoup la prédication en Russie, pendant la période synodale, c’est la censure préalable, à laquelle les sermons étaient soumis. Cf. A. Palmieri, La chiesa russa, p. 354-363. L’ignorance du bas clergé et les dures conditions de son existence matérielle ne pouvaient la favoriser.

Contrairement à l’esprit de l’Eglise et de son ancienne discipline, y compris la législation du concile in Tiullo, le mariage des prêtres n’est pas seulement toléré dans l’Eglise ru^se, mais il y est devenu obligatoire, par la force de la coutume et des institutions. De nos jours, le clergé russe, comme le clergé des autres Eglises aulocéphales, réclame le droit uux secondes noces. Cf. Palmieri, op. cit., p. 370-386. Il y a là certainement un écart sérieux de l’idéal sacerdotal.

Tout ce que nous venons de dire marque des déficits incontestables de l’Eglise russe, sous le rapport de la sainieté des moyens et des institutions. L’énumération de ces déficits est loin d’être complète. Il y aurait à mettre en parallèle la floraison sans cesse renouvelée des grandes dévotions catholiques, avec le conservatisme rigide et la fixité des formes primitives dans l’Eglise russe ; à relever chez celle-ci la prédominance du culte extérieur, au détriment de la vie intérieure ; à mettre en relief la supériorité écrasante, sous tous les rapports, du raonacliisme catholique sur le mnnachisme russe. Là où l’Eglise russe pourrait reprendre l’avantage, c’est sur le chapitre de la mortification corporelle.

Elle impose à ses fidèles quatre longs jeûnes par an. Mais l’ascèse corporelle n’est pas tout dans la vie chrétienne. C’est un moyen, et non une fin. Elle ne vaut que par l’esprit qui l’anime, la discrétion qui l’accompagne, les vertus qui lui font cortège. On n’a que trop d’exemples, en Orient et en Russie, de gens qui se feraient un scrupule de rompre la loi de l’abstinence, et qui violent les règles les plus élémentaires de l’honnêteté naturelle. D’ailleurs, il ne sullit pas que les jeûnes soient inscrits au calendrier : il faut encore les observer. Le P. Rozaven, qui connaissait la Russie pour y avoir longtemps vécu, écrivait à ce propos : « Il est vrai que chez les Russes les carêmes sont plus multipliés et plus rigoureux que les nôtres. Mais il est vrai aussi qu’on se dispense fort facilement de les observer, et qu’on ne s’y croit pas même obligé. Si quelques dévols ou quelques dévotes se font un devoir de n’y pas manquer, il y a un très grand nombre de personnes, même parmi celles qui passent pour vertueuses, qui se contentent d’observer tout au plus la première et la dernière semaine du carême, croyant ne faire aucun mal en omettant tout le reste ; et nous ne voyons pas que les confesseurs y trouvent à redire. » /.’Eglise russe et l’Eglise catholique. Lettres du P. Rozaven. Nouvelle édition par le P. Gagarin, Paris, 1876, p. io4.

Ajoutons une dernière remarque. Pour mettre en valeur les moyens de sanctification qu’elle a reçus de Jésus-Christ et utiliser le pouvoir qu’elle possède d’en établir d’autres, l’Eglise a besoin d’avoir sa liberté d’action. Or, nous l’avons vu, l’Eglise russe a constamment été sous la domination de l’Etat. En fait de réformes, elle n’a pu se permettre que ce que lui en a permis l’Etat, et elle a dû subir celles qu’il lui a imposées.

B. Sainteté des effets. — L’Eglise russe possédant en fait la plupart des moyens de sanctification établis par J< r sus-Christ et l’Eglise des premiers siècles, il n’est pas surprenant que ces moyens surnaturels produisent certains effets de même nature chez les fidèles de cette Eglise qui la prennent de bonne foi pour la véritable société fondée par Jésus-Christ. L’apologiste catholique n’a pas à nier à priori l’existence de ces effets, car Dieu est condescendant pour la bonne foi, et il se montre bon et miséricordieux envers quiconque s’adresse à lui d’un cœur droit. Ce que Jésus-Christ doit à la véritable Eglise, ce n’es ! pas d’arracher aux Eglises fausses toute parcelle des biens divins de la Rédemption, mais de faire afflues en son Epouse ces mêmes biens, de manière à ce que les âmes droites et réfléchies puissent facilement reconnaître sa divine origine. Le concile du Vatican n’en réclame pas davantage : « L’Eglise catholique, dit-il, est, par elle-même, un grand, un perpétuel motif de crédibilité, un témoignage irréfragable de sa propre mission divine… à cause de son éminenti sainteté et de son inépuisable fécondité en toutes sortes de bonnes œuvres ». Il ne nie pas qu’on puisse trouver ailleurs une certaine sainieté et quelques bonnes œuvres. D’ailleurs, à y regarder de près, tout bien surnaturel arrive aux âmes par la véritable Eglise, soit immédiatement, soit par le ministère extérieur des Eglises fausses, dont Dieu se sert à cet effet comme d’instruments de sa miséricorde, tout comme il peut se servir du ministère d’un infidèle pour faire parvenir à quelqu’un la grâce du baptême. Cela se comprend d’autant mieux que le cli rélien attaché de bonne foi à une Eglise fausse appartient par le désira l’Eglise véritable, et qu’il a droit, des lors, à recevoir de celle-ci les moyens d’assurer son salut. On ne peut pas en effet, se sauver en dehors d’elle.