Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/693

Cette page n’a pas encore été corrigée

1373

SLAVES DISSIDENTES (ÉGLISES)

1374

arrêtée au synode constanlinopolitain de i/(8.’i, on ne les reconflrinait pas non plus, s’ils l’avaient été auparavant par leurs évéques. Cette pratique est restée en usage Jusqu’à nos jours. Les deux Kgtises russe et grecque ne pouvaient se contredire plus ouvertement. Plusieurs théologiens russes ont affecté de ne voir là qu’une divergence rituelle. Puilarète île Moscou en jugeait autrement, et avec raison. Faisant allusion au cas de l’Anglican William Palmer, qui nourrissait le dessein d’entrer dans « l’Orthodoxie », mais qui refusa de faire le pas décisif, précisément à cause de ce désaccord entre Grecs et Russes sur la validité du baptême par infusion, il écrivait à A. N. Mouraviev : « La lettre de l’excellent diacre Palmer m’a rempli de tristesse. Les jugements des Orientaux sur le baptême contiennent des germes de schisme… L’Eglise grecque accuse l’Eglise russe de recevoir comme v ilidement baptisés ceux qu’elle-même ne reconnaît pas comme tels. En d’autres termes, l’Eglise grecque admet la faillibilité de l’Eglise russe dans une question de la plus haute importance. Par conséquent, il n’y a pas d’unité ecclésiastique entre elles. Que l’une ne se croie pas obligée de tenir compte de ce que fait l’autre, voilà qui n’est pas de l’unité, mais de Péloignement. » Pisrna Philareta ke A. ff. M. (Lettres de Philarète à A. 2V. Mouraviev), Kiev, 1869, p. 368. Quant à Palmer, on sait qu’il linit par se faire catholique. Il disait plaisamment, à cette occasion, qu’un voyage à Pétersbourg tenait lieu de baptême à Conslantinople, et se moquait d’une Eglise qui « parlait comme un ventriloque, sans voir grand mal à tourmenter les particuliers par ses deux voix discordantes ». Cf. S. Tyszkikvvicz. Un épisode du mouvement d Oxford : La mission de William Palmer, dans les Etudes du 20 juillet 1913, t. CXXXVI, p. 300 sq.

Eu ce même xvm* siècle, pendant qu’ils raisonnaient si bien sur la validité du baptême et de la coniirmalion des Latins, les théologiens russes, avec l’approbation du Saint Synode, professaient les thèses luthériennes : 1° sur l’Ecriture, source unique de la Révélation et seule règle de foi ; a° sur la noninspiration des livres deutérocanomiques de l’Ancien Testament ; 3" sur la justilication par la foi seule ; 4* sur la négation du caractère sacramentel, de la peine temporelle due au péché pardonné, et d’un état intermédiaire entre le ciel et l’enfer. Comme nous l’avons dit, cet enseignement officiel persista jusqu’en 1836. Quelle fut l’attitude de l’Eglise grecque devantees audacieuses innovations, condamnées comme des hérésies au xvn* siècle par plusieurs conciles, et notamment par la Confession de Dosithée, promulguée au concile de Jérusalem de 1672 ? Les connut-elle seulement ? Toujours est-il qu’elle garda le silence le plus complet, et plusieurs des erreurs signalées se sont glissées, sous l’influence de la théologie russe, dans les ouvrages des théologiens grecs de la fin du xixe siècle et du commencement du xx".

Veut-on un exemple typique de la désinvolture avec laquelle l’Eglise russe a traité la foi grecque ? En "723, les patriarches orientaux envoyèrent au Synode russe la Confession de foi de Dosithée, et la lui recommandèrent comme l’expression de l’orthodoxie, Wi’.-ni Tr, i.i ?9’Az-iy.i à laquelle il fallait s’en tenir dans les négociations unionistes avec la secte anglicane des Non-jureurs. Depuis ce temps, la Confessionde Dosithéeaété connue en Russie sous le nom de Lettre des Patriarches. Mais qu’en fit-on, alors ? On la remisa ponr un siècle, car elle contredisait ouvertement les thèses protestantes de Procopovitch. Ce ne fut qu’en 1838 que, conformément à la réfor me dogmatique inauguré ::par l’Oher-procouror Protasov, on en publia à Pétersbourg une traduction russe, à l’usage des étudiants des séminaires et des académies ecclésiastiques. Mais ce n’était pas impunément qu’on avait feuilleté pendant près d’un siècle les manuels de théologie luthérienne. Malgré l’ordre de Protasov de reprendre l’orthodoxie du xvne siècle, Philarète de Moscou, chargé d’éditer l’œuvre de Dosithée, y trouva des enseignements inconciliables avec l’orthodoxie et la pratique, russes de l’époque, et il fit hardiment des coupures. Au chapitre xiv, il supprima comme inutile une explication sur les effets du péché originel. Au chapitre xvi, Dosithée affirmait que le baptême imprime un caractère inetfaçable, tout comme le sacerdoce. Philarète sauta les mots : tout comme le sacerdoce. C’était nier, par le fait même, le caractère indélébile du sacrement de l’ordre ; car on avait pris l’habitude en Russie de réduire à l’état laïque les prêtres dégradés, ou ceux qui demandaient à retourner dans la vie séculière, et on les considérait comme étant réellement dépouillés du sacerdoce. Au chapitre xvii, le terme d’accident, en parlant des espèces eucharistiques, était remplacé par celui d’apparence, de forme extérieure. Au chapitre xviii, on lisait dans Dosithée : « Les fruits de pénitence consistent à répandre des larmes, à faire de longues prières accompagnées de génuflexions, à s’affliger par des veilles, à soulager les pauvres, etc… et c’est à bon droit que l’Eglise catholique a, dès les premiers siècles, donné à ces exercices le nom de satisfaction, <i. xai

IxeBSlXotiwiV xaXBi h xocSoMxr, Exxj.rijioc. ôat’à.pyfiç, ùvc’/iULït ».

Les Russes avaient appris chez les Luthériens qu’il n’existe qu’une satisfaction : celle de Jésus-Christ. Philarète changea la phrase de Dosithée en celleci : Ce que, dès l’origine, l’Eglise catholique reconnaît être agréable à Dieu. Dans le même chapitre, le théologien grec affirmait que les âmes de ceux qui meurent après s’être repentis, mais sans avoir pu satisfaire pour leurs péchés, ont conscience qu’elles seront délivrées un jour de l’enfer, et que cette délivrance s’opère par la miséricorde de Dieu et les prières de l’Eglise. Au lieu de délivrance, Philarète, dans sa traduction, parle seulement de soulagement, obleghtchénié. A la première demande : Si tous les chrétiens indistinctement doivent lire l’Ecriture sainte, Dosithée répond catégoriquement : Non. Philarète supprime ce non et une autre phrase capitale, ne retenant queeequi lui plaît. La troisième demande et la réponse, où Dosithée enseigne clairement l’inspiration des deutérocanoniques de l’Ancien Testament, conformément à la tradition de l’Eglise catholique, sont omises entièrement par le théologien russe. On sait, en effet, que l’Eglise russe rejette olficiellement, depuis le xvnr 3 siècle, l’inspiration de ces livres. Le Saint-Synode ne se contenta pas de prendre à son compte et de publier la traduction de Philarète. En 1840, il Ut éditer le texte grec original avec les mêmes suppressions’. Ainsi on rendait aux Grecs la pareille : Au xvue siècle, ceuxci avaient corrigé un catéchisme russe par la plume deMélèce Syrigos ; au xix", les Russes corrigeaient une profession de foi grecque par la main de Philarète.

Il y aurait à relever plusieurs autres divergences

1. Au chapitre xviii, les mots : v.xu.i Ixavonotr^iv, etc., sont supprimés purement et simplement, et ne sont pas remplacés par l’interpolation qui se lit dans la traduction russe. De même, les termes ccnctXXayrl, VvjOipoîaBxi, sont maintenus, tandis que dans la traduction il y a aoulagrment, soulager. A la réponse sur la lecture de l’Ecriture sainte, la négation où n’est pas supprimée.