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SLAVES DISSIDENTES (ÉGLISES

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Contre tous ces sectaires, l’orthodoxie officielle avait fort à faire. Pour les réduire, l’Eglise et l’Etat ont tour à tour employé la manière forte et la manière douce, mais surtout la manière forte. Sur la un du xviii" siècle, on arriva à un compromis avec les popevtsy. On leur permit de garder les vieux livres et les rites, à condition qu’ils reconnaîtraient l’autorité du Saint-Synode. L’Eglise russe eut ainsi ses l’uiutes, appelés Edinoviertsr (unis dans la foi). Mais, considérée et traitée en fait comme une orthodoxie de seconde zone, l’édinoviérié n’a pas prospéré, et le nombre de ses adhérents est resté insigniliant. Une bonne partie de l’activité de ce que les Russes appelaient la mission intérieure s’est dépensée à ramener lesrascolniks au giron de l’Eglise officielle. Malgré ces efforts, le nombre des sectaires restait considérable. On l’évaluait à quinze ou vingt millions, en 1914. La mission intérieure s’occupait également de convertir les Uniates catholiques, les Protestants, les Juifs, les Musulmans et les autres populations infidèles de l’empire. Nous dirons plus loin un mot du résultat de cet apostolat. Quant aux missions hors des possessions russes, elles se réduisaient à peu de chose. Une mission de Chine, fondée en 1^15, comptait 63a prosélytes indigènes, en 1906. Elle en avait, paralt-il, 3. 812, en 1912. Une mission en Corée, datant de 1897, n’avait pas encore fourni de statistique. Seule, la mission du Japon, fondée en 1858, donnait des résultats relativement consolants, puisqu’on arrivait à un total de 33.ooo fidèles en 191 2. Quant à la mission de l’Alaska, du Canada et des Etats-Unis, dont les origines remontent à la lia du xvme siècle, elle comptait plus de 200.000 fidèles en 1911, répartis entre les trois diocèses d’Alaska, d’Aléoutet de Brooklyn. Mais ce chiffre ne doit pas faire illusion. La majorité des fidèles étaient des émigrants : Russes, Galiciens, Hongrois, Serbes, Bukoviniens, Grecs, Syriens, Albanais. La population indigène convertie n’atteignait pas 10.000 âmes.

Au début du xvnie siècle, deux tentatives d’union furent amorcées, l’une avec la secte anglicane des Non-Jureurs (1716-1723), l’autre avec les théologiens parisiens de la Sor bonne (171 7- 1 747)- Elles n’aboutirent ni l’une ni l’autre. Cf. L. Petit, Entre Anglicans et Orthodoxes, au début du XVI lh siècle, dans les Echos d’Orient, t. VIII (1905), p. 321-328 ; Pibrung, La Sorbonne et la Russie ( 1 7 1 7-1 7^7). Paris, 1882. Des pourparlers unionistes intermittents ont eu lieu depuis 1 863, et jusqu’à la veille de la grande guerre, avec les Episcopaliens d’Angleterre, sans résultat appréciable. Plus suivis et plus sérieux ont été les échanges de vues avec les Vieux-Catholiques de Suisse et d’Allemagne, à partir de 1 874-1 875, ei surtout depuis 1893, date à laquelle fut instituée une Commission spéciale de l’union auprès du Saint-Synode. Les théologiens russes avaient commencé à capituler sur la question de la procession du Saint-Esprit, qui était rangée parmi les théologoumènes, c’est-à-dire parmi les opinions théologiques librement débattues.

Un puissant mouvement de réforme éclata, en 190Ï, au sein de l’Eglise russe, lorsqu’un semblant de liberté fut accordé par le tsar. La presse ecclésiastique réclama la convocation d’un grand concile national et le rétablissement du patriarcat. Le régime synodal, établi par Pierre-le-Grand, fut l’objet des critiques les plus acerbes. La Russie religieuse fit sa confession publique, et la fil avec beaucoup de franchise. Malheureusement, ce bel élan fut bientôt durement comprimé, et l’on retomba sous la férule du césaropapisme. Voir les documents pour la préparalion du concile projeté, analysés par A. Palmieri, dans son ouvrage : La Chiesa misa, le sue odierne

condiiionie il suo r.formismo doltrinale, Florence,

I yi’8.

A la veille de la guerre de 1914, l’Eglise officielle de l’empire russe était divisée en G3 éparchies ou diocèses, sans compter l’exarchat de Géorgie. Au point de vue de la juridiction, tous les évoques étaient égaux, et le titre de métropolite, donné aux titulaires de Kiev, de Moscou et de Pétersbourg, ainsi que le titre d’archevêque, décerné à certains autres, étaient purement honorifiques. On comptait 45.ooo prêtres, 2.400 archiprêtres, 15.ooo diacres, 44.ooo psaltes ou chantres, pour 60.000 églises ou chapelles et une population d’environ go millions de fidèles. Il y avait 58 séminaires avec ao.500 élèves (se rappeler que tous les séminaristes ne se destinaient pas au sacerdoce). Les quatre académies ecclésiastiques réunissaient un total de 860 étudiants.

Avec la chute du tsarisme et l’avènement des Soviets, a commencé pour l’Eglise russe une nouvelle période de son histoire. Nous en parlerons dans le dernier paragraphe de cet article. Du peu que nous venons de dire, il ressort que le christianisme russe est marqué d’une double tare, qui souligne son infériorité au regard du christianisme intégral incarné dans l’Eglise catholique, à savoir le nationalisme et le formalisme rituel. L’Eglise russe a toujours été étroitement assujettie à l’Etat, et n’a jamais joui d’une véritable indépendance. Le césaropapisme n’a pas commencé seulement avec Pierre le Grand. Celuici n’a fait que le pousser à ses dernières limites. Sous les anciens kniazes et les premiers tsars, l’Eglise n’était guère plus libre. Le pouvoir du souverain, disent les canonistes russes, s’étendait généralement à toutes les manifestations de la vie ecclésiastique : création des diocèses, changement des sièges épiscopaux, institution de fêtes nouvelles et canonisation des saints, réforme du clergé et des monastères, nomination des métropolites à partir de 1 461, convocation des synodes nationaux et réglementation de leurs délibérations, promulgation de leurs décrets ; rien n’échappait à leur autorité et à leur contrôle. L’institution du patriarcat, faite par la volonté du tsar, ne modifia pas essentiellement les rapports entre les deux pouvoirs, et lorsque Nicon voulut proclamer la supériorité du sacerdoce sur l’empire, il ne tarda pas à être brisé par l’autocrate. Cette sujétion à l’Etat a fait de l’Eglise russe une institution strictement nationale, et lui a enlevé ce que nos théologiens appellent la catholicité de droit, c’est-à-dire l’aptitude à l’universalité, fondement de la catholicité de fait. Les Byzantins, ses éducateurs, lui ont imprimé un autre caractère : celui d’un attachement excessif et puéril aux formes accessoires, variables et en elles-mêmes indifférentes du culte et du cérémonial liturgique. « L’Eglise, dit Lbroy-Bbaulibu, est captive de la tradition, prisonnière de l’antiquité. La discipline, les rites, les observances sont, chez elle, presque aussi immuables que le dogme. Ayant mis dans l’immobilité sa force et son orgueil, il lui est malaisé d’abandonner officiellement ce qu’elle a enjoint durant des siècles. La simplicité des plus pieux de ses enfants s’en trouverait offensée. » La Religion en Russie, dans la Revue des Deux-Mondes. 15 août 1887, p. 8618C2. Le rascol est né de cet état d’esprit. Veut-on savoir les graves causes de dissension entre les Starovières et l’Eglise officielle, causes qui alimentent une polémique sans fin entre les deux partis depuis le xvne siècle, et ont donné naissance à une infinité d’ouvrages, de dissertations, de manuels de controverse ? Les voici : Contre les Niconiens, les Vieux-Croyants soutiennent :