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SLAVES DISSIDENTES.ÉGLISES)

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de rite latin. Il paraît certain aussi qu’il y eut envoi réciproque d’ambassadeurs entre lui et le Saint-Siège pendant les années 989-909, sans qu’on puisse préciser le but et le résultat de ces pourparlers. Les chroniques russes parlent de trois ambassades du pape et d’une ambassade de Vladimir entre les années « )gi et 1000. Il faut se rappeler que sur cette tin du x’siècle, il est à peu près sur qu’une rupture s était produite entre Rome et Byzance, tenant surtout à des motifs politiques. Cf. M. Juqie, Tlieologia Orientalium. t. I, 264-266. Rien d’étonnant à ce que les papes soient intervenus pour détournerVladimir du schisme. L’union était, du reste, rétablie avant 1009. Il ressort de ce qui précède que Vladimir fut catholique, tout comme son aïeule Olga.

Il faut en dire autant de son successeur, Iaroslav le Grand (io16-io54), qui, par ses alliances de famille, fut apparenté avec les catholiques de Pologne, de Hongrie, d’Allemagne, de Norvège et de France. Par contre, ses relations avec le patriarche de Constantinople paraissent avoir été plutôt froides et tendues. Il les rompit même en 1081, en faisant nommer à la métropole de Kiev le prêtre russe Hilarion, sans en référer à Constantinople. Déjà le métropolite précédent, Théopempte, était venu non directement de Byzance mais de Novgorod, où il était évêque dès io36. L’affirmation de l’Allemand Fris d’après laquelle Iaroslav aurait demandé un évêque au Pape Benoît VIII, qui lui aurait envoyé l’évêque bulgare Alexis, en 1021, n’a rien d’invraisemblable, et mérite considération. Cf. Markovitch, op. cit., t. I, p. 217-218. Elle cadre bien avec le silence de la première chronique de Kiev sur les métropolites de Kiev antérieurs à Théopempte. Comme il est établi que le schisme entre Rome et Byzance existait plusieurs années avant le coup d’éclat de Michel Cérulaire.en io53 (sûrement depuis io43, et probablement depuis 102^), le geste de Iaroslav faisant nommer un Russe à Kiev, en io51, sans demander l’investiture du patriarche byzantin, parait significatif. Ajoutons qu’on attribue au métropolite Hilarion une profession de foi dans laquelle on ne trouve nulle trace de l’hérésie pliotienne sur la procession du Saint-Esprit. Hilarion dit : Le Saint Esprit procède du Père, et se manifeste dans le Fils, Cf. M. Jugib, op. cit., p. 550-551.

Mais c’est assez parler des origines de l’Eglise russe. Indiquons rapidement les grandes divisions de son histoire et les faits les plus saillants qui ont marqué chacune d’elles. Les Russes distinguent habituellement cinq périodes :

Première période, dite prémongolique (989-1237).

— Nous l’avons déjà conduite jusqu’à io51. En cette année, le moine Antoine arrive de l’Athos à Kiev, et fonde le fameux monastère des cryptes, lavra Petcherskaia. Son plus illustre disciple est saint Théodose Petcherskii (f lOy.’i). Le peuple russe est chrétien dans son ensemble ; mais il reste bien des vestiges des superstitions païennes. Pour son malheur, l’Eglise russe tombe, à partir de io54, sous la totale domination religieuse des Grecs.

Sur les 21 métropolites authentiques qui ont occupé le siège de Kiev durant cette période, iô sont de race grecque, et plusieurs ignorent totalement la langue de leurs ouailles. Ils infusent aux Russes la haine des Latins, en les initiant à la polémique de Cérulaire et de ses disciples. Ils font ce qu’ils peuvent, sans toujours y réussir, pour détourner les princes russes des alliances matrimoniales avec les cours catholiques de l’Occident. Si l’on peut élever des doutes sur l’authenticité de l’opuscule intitulé : Lispute avec un Latin, attribué au métropolite Œorges (1065-1079), où l’on retrouve presque tous

les griefs signalés dans le fameux Traité contre les Francs, la réponse du métropolite Jean II (10801089) à l’antipape Clément III et ses Réponses canoniques au moine Jacques ne souffrent pas la discussion. Or, dans ces écrits, sont relevés les principaux griefs des Byzantins contre l’Eglise romaine, et les Latins y sont traités de schismatiques et d’hérétiques, avec lesquels il est défendu de communiquer in sacris, et même in civilibus. Le métropolite Nicéphore (iio4-1124) écrit deux lettres contre eux, et interdit avec eux toute société. Théodose le Grec (u45-u65) va jusqu’à prescrire de purilier la vaisselle qui a servi à un Latin hébergé par charité en cas de nécessité. Aussi, dès le xne siècle, le schisme est bien enraciné en Russie, et c’est en vain que pour contester ce fait, certains auteurs invoquent le recours à Rome de quelques princes russes — on a compté 293 princes russes entre io54 et 1237, et 64 principautés indépendantes —, ou bien l’adoption de la fête de la translation des reliques de saint Nicolas de Myre à Bari, le 9 mai. Les princes se tournent vers le pape, quand ils ont besoin de son aide pour sauvegarder leurs intérêts, suivant la tactique bien connue des souverains orientaux, depuis la séparation des Eglises. Quant aux emprunts liturgiques, ils se sont toujours produits entre Eglises séparées, sans que cela ait tiré à conséquence.

Deuxième période (1237-1461). — Durant cette période, les Tatars étendent leur domination sur la Russie, sans presque rien changer à la situation intérieure du pays, ni à ses institutions. L’Eglise russe n’a, en général, qu’à se féliciter de la large tolérance de ces inûdèles, qui ont embrassé le mahométisme vers 1272, sans en prendre le fanatisme religieux. Ils défendent même les prélats russes contre les abus de pouvoir des Kniazes indigènes. Les monastères se multiplient, prospèrent et s’enrichissent ; mais l’état intellectuel et moral du clergé est déplorable. Au témoignage du métropolite Isidore, qui assista au concile de Florence, certains évêques avaient tout juste reçu une instruction primaire. Cependant le calendrier russe recueille dans cette période plusieurs saints et quelques martyrs. L’influence de l’Eglise byzantine se maintient. C’est le patriarche œcuménique qui choisit le métropolite de Kiev, soit parmi les Grecs, soit parmi les Slaves méridionaux. Il est rare que les candidats des Kniazes soient acceptés. Le schisme s’affermit par la traduction en slavon de plusieurs ouvrages polémiques des grands théologiens byzantins. En 1280, lors de la rédaction de la Kormlchaïa Kniga (= le Corpus Juris de l’Eglise russe), la première lettre de Michel Cérulaire à Pierre d’Antiocke, dirigée contre les Latins, et le Traité contre les Francs sont insérés dans la collection. Dans la seconde moitié du xive siècle, apparaît la secte des Strigolniki, apparentée aux Cathares et aux Albigeois de l’Occident. Au début du xv* siècle, commence la controverse sur le double et le triple Alléluia de la messe. Les Russes se montrent les dignes élèves des Byzantins dans les disputes rituelles, et les dépassent même sur ce chapitre. La controverse de l’Alleluia n’est pas encore éteinte de nos jours, et alimente toujours la polémique entre les Vieux- Croyants ou Starovières et l’Orthodoxie niconienne. Cependant, un fait grave se produit dans la première moitié du xiv siècle. Les Lithuaniens, qui devaient bientôt s’unir aux Polonais en un seul royaume (1386), s’annexent les provinces occidentales et méridionales de la Russie. Kiev elle-même tombe en leur pouvoir vers 1320, et échappe à la domination des souverains russes jusqu’en 1686. Le siège de la métropole tend, dès lors, à se déplacer ou, plutôt, à se dédoubler. Ce dédou-