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SLAVES DISSIDENTES (EGLISES)

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d’extraordiuaiie sans son avis. » Le rétablissement du patriarcat d’Ipek, ayant sous sa juridiction tous les Serbes orthodoxes du royaume yougoslave, a donc été décidé, et c’était chose faite, dès la un de 1920. Un décret royal, portant la date du 2^ décembre de cette année, a promulgué les statuts de la nouvelle Eglise serbe uniliée. Le gouvernement yougoslave a tenu à faire reconnaître la nouvelle organisation par le patriarche œcuménique. Après des pourparlers assez longs, le patriarche Mélétios IV Métaxakis a délivré le tomos d’autocéphalie demandé, le 9 mars 192a.

Les statuts du nouveau patriarcat, dont le siège est nominalement Ipek et, dans la réalité, Belgrade, dénotent un progrès sensible sur d’autres règlements organiques antérieurs, par le fait que l’ingérence de l’élément laïque dans la haute administration de l’Eglise est à peu près supprimée. Il n’y a que trois autorités : le patriarche, dont le mode de nomination n’est pas encore déterminé ; le concile des évêques, qui doit se réunir régulièrement une fois par an ; un saint-synode permanent, composéde six évêques choisis par le concile, dont deux sont dits membres suppléants. Le patriarche est le présidentné des deux assemblées, et c’est là à peu près tout son rôle, car il ne peut prendre aucune initiative personnelle sans l’assentiment de ses collègues. On peut l’assimiler à un monarque constitutionnel. Le concile annuel des évêques détient le pouvoir législatif, et le synode a le pouvoir exécutif. Ce sont donc les évêques et les évêques seuls qui gouvernent l’Eglise. Mais si l’élément laïque est exclu du concile et du synode, cela ne signifie point que l’Eglise serbe échappe au contrôle césaro-papiste de l’Etat. Celui-ci, au contraire, est très étroit. Remarquons tout d’abord que c’est l’Etat, et non l’Eglise, qui a promulgué la nouvelle constitution. Puis, à côté des évêques, siège toujours, et avec voix délibérative, un grand fonctionnaire du gouvernement, un laïque, avec le titre de chancelier du patriarcat serbe. Il est le chef de tout le personnel administratif du patriarcat, du concile, du synode et du Conseil administratif suprême, dirige les travaux de comptabilité au concile et au synode, et c’est sous sa surveillance que le secrétaire dresse les procès-verbaux des séances de ces assemblées. Bien que choisi par le concile des évêques, il est nommé par décret royal, sur la proposition du ministre des cultes. Il ne peut être privé de sa charge que dans des cas tout à fait exceptionnels. Il a le rang, le traitement et les autres prérogatives des membres du Conseil d’Etat. Un règlement spécial donne, du reste, des précisions sur ses fonctions et ses droits. Bref, il joue à peu près le rôle de Y Ober-procouror de l’ancien synode russe : il est l’œil du ministre des cultes dans toutes les affaires ecclésiastiques, et son vote indique évidemment aux prélats quelle est, sur les diverses questions traitées au concile ou au synode, l’opinion du gouvernement.

L’Eglise tombe par un autre endroit sous la tutelle du pouvoir civil Dans l’article 10 des statuts, il est dit que « les décisions du concile des évêques se rapportant au for externe ne sont exécutoires qu’après l’approbation du conseil des ministres et sur la proposition du ministre des cultes. » Ainsi on enlève à l’Eglise l’indépendance pour le for externe. Et qu’est-ce que le for exteræ dans le cas ? C’est tout ce qui ne concerne pas directement la foi, les fonctions du culte, l’administration intérieure de l’Eglise. C’est, par exemple, la législation de l’Etat « concernant le sacerdoce et les Eglises, et les organisations relatives au gouvernement extérieur de l’Eglise ». A cette législation, sans doute, le concile des évêques

est invité à coopérer ; mais il n’opère pas tout seul. On l’invite simplement à titre de conseiller. Et s’il veut communiquer officiellement avec le dehors, même avec les autres Eglises " orthodoxes », il sera obligé de passer par le ministre des cultes, et finalement par le ministre des affaires étrangères. Il n’a même pas le pouvoir de légiférer en dernier ressort sur le mode d’élection du patriarche. On lui permet seulement de proposer le mode à suivre.

L’Eglise serbe est actuellement divisée en 26 éparchies ou diocèses, dont l’administration intérieure a encore besoin d’être uniformisée. Le nombre des fidèles se monte à près de 6 millions, soit la moitié environ de la population du royaume yougoslave. C’est une plainte générale que la religion est en décadence parmi le peuple, et que les oflices sont peu fréquentés, même aux jours de fêtes. La moralité n’est pas favorisée par le » nombreuses causes de divorce qui sont admises officiellement, comme dans les autres autocéphalies. La conduite du clergé séculier n’est pas étrangère à cette diminution du sentiment religieux. Il a la réputation d’être frondeur à l’égard de l’autorité épiscopale, ami des discussions politiques et sans grande influence morale sur les fidèles. Parmi les clergés des diverses autocéphalies, il est l’un des plus ardents à réclamer des réformes liturgiques et canoniques, et notamment la faculté de convoler en secondes noces, en cas de veuvage. Certains curés ont, du reste, déjà devancé sur ce dernier point la décision du futur concile œcuménique, qu’on attend toujours, et se sont remariés avec la bénédiction de complaisants confrères. Jusqu’en iyo5, on avait pris l’habitude, dans l’Eglise de l’ancien royaume serbe, de ne prêcher qu’à Noël et à Pâques.

Le monachisme serbe végète misérablement. Ce ne sont pas les monastères, mais les moines, qui manquent, et leur nombre va sans cesse en décroissant. En igo3, on comptait, en Serbie, 53 monastères et 1 1 3 moines. En 1900, le patriarcat de Carlovitz possédait 27 monastères avec 636 habitants. Les monastères du Monténégro étaient vides. Aujourd’hui, on trouve dans l’Eglise serbe unifiée environ 400 moines, répartis en une centaine de monastères. Il n’existe pas de cauvents de religieuses. Faisonsremarquer qu’une des raisons qui font encore naître quelques vocations monastiques est l’appât des hantes charges ecclésiastiques, pour lesquelles le célibat est exigé.

Pour la doctrine théologique, les divers groupes ecclésiastiques serbes ont été tributaires jusqu’ici de la science russe. On a traduit les ouvrages russes, et les quelques manuels originaux publiés par des Serbes reproduisent en général la doctrine de la grande autocéphalie slave. La Dalmntie cependant a eu un canoniste remarquable en la personne de Nicodim Milasoh, évêque de Zara. Cf. M. Jcgib, Theologia dogmalica Christianoram orientalium ab Ecclesia catkolica dissidenlium, t. I, p. 635-037. Un rapport de 1925 sur l’état actuel de l’Eglise serbe signale une tendance- marquée vers l’anglicanisme, depuis la récente guerre. La communicatio in sacris entre les deux confessions a déjà été permise. Cette influence de l’anglicanisme est contrebalancée dans une certaine mesure par celle des ecclésiastiques russes disperses, dont le synode est établi à Carlovitz. Cf. Acte priait conventus pro studiis < 1 irritalibus an. 1925 in urbe Liubliana celebrati, p, 146-158 : Rapport de R. Rogochttch intitulé : l’Eglise serbe. Certaines sectes protestantes, en particulier les Méthodistes, les Adventistes et les Nazaréens, font des prosélytes dans une population restée ignorante. Il se dessine aussi un mouvement religieux suspect, celui des