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SLAVES DISSIDENTES (ÉGLISES)

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rius III la couronne loyale, que lui avait d’abord refusée Innocent III, en 1199, pour ne pas froisser le roi de Hongrie.

L’union avec Rome dura, tant qu’elle servit les intérêts des rois de Serbie, c’est-à-dire jusqu'à la chute de l’empire latin de Constanlinople. Bien que marié à une princesse catholique, le roi Ouroch I er (124^-1276) fait élever ses deux (ils dans le schisme. Sous ses successeurs de la Un du xni" siècle et du commencement du xiv, la rupture avec le SaintSiège est un fait accompli, et nous voyons plusieurs papes : Nicolas IV en 1288, Benoit XI en 1303, Clément V en 1308, essayer vainement de rétablir l’union rompue. Ouroch III (1321-1333?) esquissa un mouvement de retour, pour des motifs purement politiques. Son successeur, Douchan le Grand (+1355), porta le royaume serbe à son apogée. Il battit successivement les Grecs et les Hongrois, et agrandit considérablement ses Etats à leurs dépens. A ce favori de la victoire le simple titre de roi, de Kral, ne pouvait suffire ; il lui fallait celui d’empereur, de tsar. Et comme un tsar doit être sacré par un patriarche, il lit consacrer patriarche d’Ipek le métropolite serbe Joannice par le patriarche bulgare de Tirnovo et l’archevêque gréco-bulgare d’Ochrida. Joannice sacra ensuite Douchan empereur (13'|6). Ce coup d’audace ne pouvaitplaire au patriarche byzantin. En 135a, Calliste I er excommunia solennellement Douchan, son patriarche et toute la nation serbe. L’anathème ne fut levé qu’en 1370. Il semble que la colère du pape de Constanlinople eût dû tourner le souverain serbe vers le pape de Rome. Il n’en fut rien. Malgré ses pourparlers hypocrites avec la cour romaine, Douchan se montra très hostile à l'égard du catholicisme. D’après l’article 6 de son fameux code, tout sujet serbe imbu de Vhérési& latine, et qui ne veut pas se convertir, doit être puni de mort, « comme cela est écrit dans les ouvrages des saints Pères ». L’article 8 menace de la même peine les ecclésiastiques latins qui chercheraient à faire de la propagande.

L’empire de Douchan ne lui survécut pas longtemps. En 138y, il succombait sous les coups des Turcs, à la bataille de Kossovo. Les sultans n’imposèrent d’abord aux princes serbes qu’un tribut annuel, et laissèrent subsister le patriarcat d’Ipek. Ce ne fut qu’après la prise de Siuérédovo (Semendria, l’i-^j), que Mahomet II réduisit la Serbie en province ottomane et supprima le patriarcat d’Ipek, qui fut rattaché au patriarcat gréco-bulgare d’Ochrida. Lorsque, en 1 458, la veuve de Georges Brancovitch, Hélène Paléologue, voulut offrir la Serbie en fief au pape Calliste III, pour la sauv » r du joug des infidèles, les seigneurs serbes, plutôt que de devoir leur indépendance au Saint-Siège, allèrent faire leur soumission au grand vizir Mahmoud-Pacha.

L’Eglise serbe resta sous la juridiction d’Ochrida de i^ôg à 155^. A cette dernière date, le patriarcat d’Ipek fut rétabli, grâce à l’intervention du grand vizir Mehmed Sokolovitch, renégat serbe, dont le frère, Macaire, fut nommé patriarche. Cette situation se maintint jusqu’en 1766, époque où lesïurcs, poussés par le Phanar, supprimèrent de nouveau le patriarcat d’Ipek au profit de la Grande Eglise. Durant ces deux siècles, l’Eglise serbe eut cruellement à souffrir des guerres entre les Turcs et les Impériaux. En 1690, près de 40. 000 familles passèrent In Save et le Danube pour échapper aux représailles de Keuprulu, et allèrent fonder la métropole serbe de Hongrie, dont le siège, après un nouvel exode de chrétiens (1737), fut fixé à Carlovitz, en 1 7 '1 . Cette métropole constitua une autocéphalie

indépendante avec une organisation spéciale. Le métropolite reçut le titre de patriarche en 18^8. Les Serbes du Monténégro réussirent à maintenir leur indépendance contre les Turcs, et ils formèrent, eux aussi, une petite autocéphalie. En 1873, les deux diocèses serbes de Dalmatie, qui se trouvaient dans l’Autriche proprement dite, étaient soustraits à la juridiction de Carlovitz et incorporés au groupe slavo-roumain de Tchernovitz. Après l’occupation de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche, les diocèses serbes de la région échappèrent à peu près complètement à la juridiction du patriarcat œcuménique, et conflituèrent un groupe autonome, avec un concordât entre le gouvernement autrichien et le Phanar (1880).

Les Serbes restés en Serbie n’eurent guère à se louer des évêques que leur envoya le patriarche œcuménique, de 1766 à 1830. Ceux-ci furent surtout occupés à rançonner leurs ouailles, et pen* dant les deux guerres del’indépendance (1804-1829), ils firent tout ce qu’ils purent pour contrecarrer les plans de Kara-Georges et de Miloch. Après le traité d’Andrinople (1829), les Serbes obtinrent d’avoir des évêques de leur race ; mais on leur refusa la pleine autonomie religieuse. Une convention établie en 1832 régla les rapports de la hiérarchie serbe avec le patriarcat œcuménique jusqu’en 1879, date à laquelle le patriarche Joachim 1Il délivra enfin à l’Eglise de Serbie sa charte ou tomos d’autoeéphalie. Aux termes de ce document, l’Eglise orthodoxe de la principauté serbe était déclarée « canoniquement autocéphale, indépendante, s’administrant elle-même sous l’autorité et présidence de l’archevêque de Belgrade, métropolitain de Serbie, assisté, conformément aux saints canons, d’un synode composé des métropolites de sa circonscription… Afin de conserver vivante et dans toute sa force l’unité qui existe entre la grande Eglise du Christ et les autres Eglises autocéphales, le métropolitain de Serbie doit commémorer les très saints patriarches dans les diptyques sacrés, recevoir le saint chrême de la grande Eglise-mère de Constantinople, envoyer des lettres synodales aux autres Eglises autocéphales, quand il s’agit d’affaires ecclésiastiques d’une portée générale ». Mansi-Pbtit, op. cit., t. XLV, col. 623-626.

Nous n’entrerons pas dans les détails de l’organisation intérieure des cinq autonomies ecclésiastiques serbes, telles qu’elles existaient avant 1918. Le trait commun des règlements organiques, que ces Eglises avaient reçus du pouvoir civil, était la subordination étroite à l’Etat. Dans le patriarcat de Carlovitz, on remarquait, en plus, la prépondérance de l'élément laïque dans l’administration de l’Eglise.

II. Situation actuelle de 1 Eglise serbe. — La constitution du royaume yougoslave parle traité de Versailles, a eu pour effet de réunir en un seul Etat la presque totalité des territoires où se trouvaient les cinq autocéphalies serbes. Aussitôt la paix signée, le gouvernement de Belgrade s’est préoccupe de fondre en une seule Eglise serbe orthodoxe autocéphale, les cinq groupes autonomes, afin qu'à l’unité politique répondît l’unité ecclésiastique. L’unification ne s’est pas faite sans quelques tiraillements ; mais l’Etat a eu raison des tendances particularistes, et il a pu s’appuyer, pour réaliser la réforme, sur le principe de l’autocéphalisme nationaliste, dontnous avons parlé plus haut, à propos de l’Eglise bulgare ; principe que les canonistes « orthodoxes » trouvent formulé dans le 34' canon des Apôtres : « Les évêques de chaque nation doivent reconnaître le premier d’entre eux comme leur chef, et ne rien faire