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SLAVES DISSIDENTES (ÉGLISES)

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écrivains se croient parfaitement sûrs d’avoir entre les mains des oracles, dont les hautes et pures doctrines attestaient par elles-mêmes leur origine surnaturelle. Ainsi s’explique l’assurance, avec laquelle ils opposent aux païens des citations qui sont à leurs yeux des arguments si péremptoires.

Toutefois l’enthousiasme pour les oracles sibyllins n’est pas égal chez tous les écrivains de l’Eglise ancienne. Des hommes considérables comme Irénée, Cyprien, Tatien, Minucius Félix, Cyrille de Jérusalem, Denys d’Alexandrie, Basile et Athanase ne citent jamais la Sibylle ; Origène ne la nomme qu’en passant ; Ambroise ou l’Ambrosiaster la juge même avec sévérité. Par contre, celle-ci sera portée aux nues par Théophile d’Antioche, Clément d’Alexandrie et Lactance.

Le crédit de la Sibylle ne se maintint du reste pas chez les défenseurs du christianisme. Emus par les railleries de Celse et de Lucien, les écrivains grecs usèrent bientôt avec plus de circonspection d’un système d’argumentation qui devint compromettant ; à partir du 111e siècle, la Sibylle n’est plus invoquée que rarement à l’appui des doctrines ; on était alors mieux informé de l’inanité de ses prophéties, et déjà l’hellénisme avait reçu des coups qui l’avaient atteint mortellement.

Les Latins au contraire gardèrent à la prophétesse un attachement durable ; ils étaient moins instruits des attaques, dont elle avait été l’objet ; ils apprirent à connaître les prophéties elles-mêmes assez tard et ne surent pas en démêler l’origine avec autant de perspicacité que les Grecs. L’exemple de Lactance et surtout celui de Saint Augustin donnèrent une sorte de consécration à ces prophéties prétendues, qui continuèrent à jouir de la confiance des fidèles dans l’Eglise d’Occident. La haute autorité que la Sibylle se vit attribuer par Saint Augustin contribua plus que toute autre cause à la faire vivre ; il n’est pas exagéré de dire que l’Eglise se ût la gardienne des oracles sibyllins, et dans le Dies irae, le moine Thomas de Celano pourra, sans être repris, faire appel au témoignage de la Sibylle touchant le dernier jour du monde.

Antoine Boxlbr.


SLAVES DISSIDENTES (ÉGLISES). — Le court aperçu qui va suivre sur les Eglises slaves dissidentes se présente comme un complément de l’article Eglisk Ghrcqui, t. II, col. 344-396. Bien que comprises sous la dénomination générale d’Eglise grecque séparée (ou d’Eglise gréco-russe, ou. d’Eglise orientale orthodoxe), ces Eglises méritent, dans ce Dictionnaire, une mention spéciale : i° parce que chacune d’elles constitue un groupe indépendant au point de vue de la juridiction, et séparé, sur certains points de doctrine, de l’Eglise grecque prise au sens restreint du mot ; 2° parce que l’une d’entre elles, l’Eglise russe, avant la guerre de io14t l’emportait à elle seule de beaucoup sur l’ensemble des autocéphalies de langue grecque, tant parle nombre de ses tidèles que par l’influence qu’elle exerçait ; et que, de toutes les Eglises séparées d’Orient ou d’Occident, elle apparaissait comme la principale rivule de l’Eglise catholique ; 3° parce que, depuis la récente guerre et les bouleversements géographiques et politiques qui l’ont suivie, l’extension, laconstitution et la situation intérieure de ces Eglises ont subi des changements importants, voire même radicaux, comme c’est le cas pour l’Eglise russe. Aj moment où s’imprimait l’article Egi.isb (RECO.UB, on comptait sept autocéphalies slaves dissidentes : l’Eglise russe, l’Eglise serbe de Serbie, l’Eglise de Monténégro, les diocèses serbes de

Bosnie-Herzégovine, le patriarcat serbe de Carlovitz, les diocèses serbes de Dalmatie, l’Eglise bulgare. La création du royaume de Yougoslavie a eu pour effet de réduire à l’unité les cinq groupes autonomes de race serbe sous la juridiction d’un patriarche, qui porte le titre d’Ipek. L’Eglise russe souffre actuellement de divisions intestines, qui la morcellent en cinq ou six tronçons rivaux. L’Exarchat bulgare a vu ses frontières restreintes en fait, sinon en droit, aux limites du royaume bulgare. De nouvelles petites autocéphalies 6laves, ou plus ou moins mélangées d’autres éléments ethniques, sont nées au sein des nouveaux Etats créés par les récents traités. Les deux groupes les plus importants sont l’Eglise orthodoxe de Pologne et l’Egli-e orthodoxe de Tchécoslovaquie. De ces autocéphalies minuscules et sans passé, il ne sera pas question dans les lignes qui vont suivre. Nous ne parlerons que de l’Eglise bulgare, de l’Eglise serbe et de l’Eglise russe, en nous attachant uniquement à ce qui peut présenter quelque intérêt pour l’apologiste catholique.

I

L’ÉGLISE BULGARE

1. Court aperçu de V histoire de l’Eglise bulgare.

— II. Le schisme bulgare et l’Oi thodoxie orientale.

— III..Situa ton actuelle de l’Eglise bulgare.

I. Court aperçu de l’histoire de l’Eglise bulgare. — Le territoire aujourd’hui occupé par le royaume bulgare faisait partie, au iv c siècle, de la préfecture d’iltyrie orientale, qui ressoriissait, au point de vue civil, à l’empire d’Occident, et, au point de vue ecclésiastique, au patriarcat romain. Les papes réussirent à maintenir leur juridiction directe sur le pays, même après que Gratien eut cédé l’illyricumà son collègue Théodose, en 389 ; mais ce ne fut pas sans luttes ; car l’évéque de Constantinople, devenu, par une série d’usurpations, le prélat le plus puissant de l’Orient, de simple suffiagant de la métropole d’Héraclée qu’il était d’abord, essaya plus d’une fois de faire cadrer les limites ecclésiastiques avec les frontières politiques. Ce ne fut qu’en 7’ài que Léon l’Isaurien, pour punir le pape saint Grégoire II de sa résistance au décret contre les images, enleva au siège romain les diocèses de l’ancien Illyricum et les rattacha au patriarcat byzantin. Mais Rome ne cessa de protester contre cette violence. Ses revendications furent particulièrement fermes dans la seconde moitié du ix* siècle, époque où les Bulgares, peuplade d’origine turque ou linnoise, réussirent à se tailler un royaume indépendant dans cette région, qu’occupaient depuis longtemps des tribus slaves mêlées aux primitifs Thracolllyriens. Se voyant entouré de tous côtés d’Etats chrétiens, le roi des Bulgares Boris prit le parti d’embrasser et de faire embrasser à son peuple la religion de ses voisins. A la suite d’une campagne victorieuse contre l’empereur byzantin Michel III l’Ivrogne, il se lit baptiser. Michel lui-même fut son parrain, et lui donna son nom. On était à la Un de 864 ou dans les premiers mois de 865, c’est-à-dire en plein schisme photien. Les Bulgares imitèrent, de gré ou de force, l’exemple de leur souverain, et reçurent, eux aussi, le b.iplême. L’Eglise bulgare était née, mais née dans le schisme. Heureusement moins de deux ans après, Boris, mécontent de Photius, qui ne lui avait envoyé que des missionnaires au lieu d’une hiérarchie régulière, se tournait vers le pape saint Nicolas I" r pour lui demander un archevêque et des évoques. Le pape ne satistit