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SERAPH1QUE (ESPRIT)

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tués par la lettre, qui ne veulent pas suivre l’esprit des saints Livres et qui préfèrent n’en connaître que les paroles et les interpréter aux autres >, etc. Plus loin, traitant de la pauvreté, Opuscules, n4, il expose clairement comment il en entend la pratique : « Bienheureux les pauvres d’esprit, parce que le royaume des cieux leur appartient. Beaucoup sont fidèles à l’oraison et à l’office divin, pratiquent l’abstinence et la mortification corporelle ; mais qu’on leur adresse une injure, qu’on les prive de quelque chose, et ils sont aussitôt scandalisés et troublés. Cène sont pas là des pauvres d’esprit, car celui qui est vraiment pauvre d’esprit, se hait luimême ». Et les actes de S. François ont été conformes à sa pensée. Non seulement il n’a pas préféré l’Evangile à l’Eglise, le sens propre à la discipline et à l’ordre hiérarchique, comme ce fut le fait des évangéliques suspects du xu" et du xme siècle, mais c’est de l’Eglise et de ses Papes qu’il voulut recevoir la « forme de vie » qu’il se proposait d’observer. L’on sait qu’il exigeait rigoureusement des candidats à l’Ordre l’expropriation en faveur des pauvres, selon le précepte de l’Evangile ; mais il sut aussi passer outre, Legenda antiqua, n. 19. Ainsi l’authentique esprit franciscain n’implique-t-il point un littéralisme excessif et blâmable, comme l’insinue, après plusieurs écrivains, M. Baufreton, 5. François d’Assise, Paris, 19*6, 55 ; il est au contraire le point suprême de l’héroïsme mystique dans l’imitation du Christ, T. Soiron, art. cit., 260-262 ; et c’est assez de l’avoir conçu pour que « S. François d’Assise soit le plus grand idéaliste religieux du christianisme ». L. de Srrasola, dans l’Archivo Ibero-Americano, Madrid, 1926, XIII, 268.

II. L’Eglise et S- François. — Le Christ se continuant dans son corps mystique, l’esprit de S. François fut logiquement un esprit de soumission à l’Eglise. D’aucuns ne l’ont pas cru. Ainsi Renan, Karl von Hase, H. Thodb, E. Lempp, N. Tamassia, V. Kybal, et tout récemment M. P. Pecchiai, S. Francesco d’Assisie la missione délia Puverta, Milan, 1926, 3 1 4, ont tenté de présenter S. François comme un adversaire de l’Eglise, et la chaire de S. Pierre comme l’ennemi irréconciliable de l’idéal franciscain. Cf. Sderci, I.'apostoUito di S. Francescoe dei Francescani, Quaracchi 1909, 1 -46. De même, M. P. Sabatieh, Vie de S. François, Paris, 1893 (à l’Index, le 8 juin 18g 4), dont les assertions ont été maintes fois critiquées. P. Robinson, O. M., The real S. Franois of Assisi, Londres, 1904 ; M. Carmichæl, The catholicism of S. Francis, dans The Catholic World, New- York, 1906, vol. LXXXIII, 289 298. Il est vrai, depuis ses premiers travaux, P. Sabatier estrevenu sur ses idées, surtout dans une conférence prononcée à Turin le 30 avril 1908. Cf. Il Rinnovamento, Milan, 1908, II, 4 17-434- « La grande originalité deS. François, dit-il alors, c’est son catholicisme. …L’Eglise était son foyer spirituel et il s'était très bien aperçu que chaque progrès de sa vie spirituelle avait été marqué par son empreinte. Il avait la sensation de marcher, mais il avait aussi la sensation que celle-ci l’attendait à chaque détour du chemin pour lui donner le désir, la force et aussi le programme du nouveau progrès. Plus que personne, il se sentait fils de cette éducation séculaire. Fils et non pas esclave. Elle agissait, il agissait, et son activité à lui était en quelque sorte la résultante de c% double labeur… Encore une fois, il serait absurde de faire de François d’Assise un révolté ou un protestant inconscient ; mais il ne le serait pas moins de se le représenter comme un pur et simple écho de l’autorité ou comme un homme qui aurait renoncé à

sa conscience. » Voir aussi, Vie de S. François d’Assise, éd. de guerre, Paris 1918, x-xn.

En fait, François d’Assise est bien « l’homme catholique « que chante la liturgie. H. FELDBR.op. cit., I, 115-141. Précisément à l’heure où sévissait l’une des plus grandes crises d’antisacerdotalisme que l’histoire ail connues, A. Dufourcq, Le christianisme et l’organisation féodale, Paris, 1924, 181, il apparaît comme le réformateur idéal, où le dévouement total à l’Eglise et le culte passionné de l’Evangile se fondent dans un équilibre harmonieux. Christus, n30. Suivant les Vaudois, l’Eglise avait trahi le Christ et son message ; aux yeux de François, l’Eglise est l’Evangile et le Christ se continuant dans la série des siècles. Aussi manifeste-t-il à l’endroit de l’ordre sacerdotal et de la hiérarchie, la vénération la plus entière. Ce sens catholique fut une des premières grâces de sa conversion. « Le Seigneur, écrit-il luimême dans son Testament, me donna et me donne encore une si grande foi aux prêtres qui vivent selon la forme de la Sainte Eglise romaine à cause de leur caractère, que s’ils me persécutaient, c’est à euxmêmes que je veux recourir. » Opuscules, 94. Peutêtre, comme P. Salvadori en a eu l’intuition lumineuse dans son admirable ouvrage, liicordi di S. Francesco d’Assisi, Florence, 1926, 97-123, en reçutil le don lors de son voyage à Rome en 1205. Ce qui est sûr, c’est que François d’Assise conserva toute sa vie cette attitude, car suivant Thomas de Celano, I Cel., n. 62, « il pensait qu’en tout et par-dessus tout, il fallait conserver, vénérer, aimer la foi de l’Eglise romaine, dans laquelle seule les hommes peuvent faire leur salut. » Conformément à cette disposition, il s’interdit toujours de blâmer les vices du clergé. « Je ne veux pas, dit-il dans son Testament. considérer dans les prêtres le péché, car je discerne en eux le Fils de Dieu et ils sont mes seigneurs. J’agis ainsi parce qu’en ce siècle je ne vois rien sensiblement du Très-Haut Fils de Dieu, si ce n’est son très saint corps et son sang qu’ils reçoivent et que seuls ils administrent aux autres. » Il pressait non moins énergiquement ses frères de suivre cette règle de conduite, II Cel., n. 1 46. « Soyez soumis, disaitil souvent, aux supérieurs ecclésiastiques, pour éviter, autant qu’il est en votre pouvoir, toute contestation jalouse. Si vous êtes les ûls de la paix, vous gagnerez à Dieu le clergé et le peuple : cela sera plus agréable au Seigneur que si vous gagniez le peuple seul en scandalisant le clergé. Jetez un voile sur ses faiblesses ; suppléez à ses défauts ; puis, quand vous aurez ainsi fait, soyez encore plus humbles. » Ces paroles ne sauraient être inspirées par un calcul politique, mais seulement par le plus intégra ; des catholicismes. S’il était besoin de l'établir plus longuement, il suffirait de rappeler que la Règle de 1223 veut que tous les frères, dirigés et corrigés

« parun des cardinaux de la Sainte EgliscRomaine », 

soient « toujours soumis et assujettis aux pieds de cette même sainte Eglise, stables en la foi catholiques ». Ainsi François, écrit H. Feldbr, op. cit., I, 1 35, « personnifie vraiment en soi l’attachement à l’Eglise. Croire, prier, vivre, agir, penser, sentir avec l’Eglise, c’est là pour lui un principe aussi évident que celui-ci : il faut en tout se régler sur l’Evangile Non, il n’y a pas un moment, pas un épisode de la vie de S. François, pas un seul passage dans ses biographies authentiques où l’on aperçoive le moindre trouble, dans cette harmonie entre le Poverello et l’Eglise. » L’esprit franciscain, fleur de l’Evangile, est le sens catholique dans son expression la plus achevée.

III. L'âme franciscaine et la science. — Si l’on