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SÉMITIQUES (LES RELIGIONS)


VI. — Culte. Sacrifices.

De tout temps, l’homme a cru que le don d’une chose qui lui appartenait était le moyen le meilleur et le plus ellicace de témoigner son affection et sa soumission. L’individu ou la communauté ont donc fait des offrandes à la divinité. « On ne croit pas, en général, dit Guyau (L’Irréligion de l’avenir, p. 44) «  qu’elles répondent à un besoin réel des dieux ; on pense qu’elles seront plutôt agréées par eux qu’acceptées avec avidité. » Pour mieux manifester ses sentiments, l’homme donnera ce qui a pour lui le plus de prix et ce qu’il croira, d’après les concepts qu’il se fait de la sainteté, devoir être le plus agréable aux dieux ; il s’efforcera aussi de s’en dépouiller le plus complètement possible. De là le sacrilice :

« ce procédé consiste à établir une communication

entre le monde sacré et le monde profane, par l’intermédiaire d’une victime, c’est-à-dire d’une chose détruite au cours de la cérémonie. » (Huiiiirt et Mauss, Essai sur la ntiture et la notion du sacrifice. Année sociologique, 1899). Il semble bien que ce soit là l’idée la plus simple et la plus primitive du sacrifice, celle à laquelle peuvent se ramener toutes les oblations : un don plus ou moins parfait, ayant pour lin d’unir l’homme à la divinité.

Suivant W. Robrrtson Smith, les Sémites ont distingué entre : i° les oblations animales (zebakh) et végétales (minkha) ; 2° ce qui est offert sur une table sacrée et ce qui est consommé par le l’eu ; 3° les sacrifices entièrement pour le dieu et les sacrifices partagés entre le dieu et l’adorateur.

io II est évident que les oblations animales varient avec l’état social des peuples, selon qu’ils sont nomades ou agriculteurs.

Chez les Arabes, figurent le bœuf, le chameau, la brebis que l’on remplace en fraude par la gazelle. Aujourd’hui encore, toute immolation est sainte et l’on ne tue pas un mouton sans invoquer le nom d’Allah. Pour la minkha, on offre surtout du vin et de l’huile ; on offre aussi de la farine à Oqaisir, et les offrandes de farine azyme ou fermentée étaient d’un usage journalier dans le monde sémitique.

Les Cananéens immolent bœufs, veaux ou cerfs, béliers ou bovins, brebis ou chèvres, agneaux ou chevreaux ou faons, oiseaux ; ils offrent des céréales, de l’huile, des libations mélangées, du lait, de la graisse et un mélange humide où l’on croit reconnaître du vin aromatisé. Nous connaissons surtout ces offrandes par le tarif de Marseille (C.L. s’., I, 165), la pierre appartient au littoral africain, le culte qu’elle suppose a été transporté de la mèrr-patrieà Car t nage ou à Marseille.

« La position intermédiaire des Araméens entre

les Arabes et les Cananéensest assez bien représentée par le rituel hébreu. » (Lagrangb, loc. cit., p. a(>5).

2° Ce qui est offert sur la table sacrée, ce sont les oblations végétales, les libations. Au tarif de Cartilage (6’.L.s., i, iGG), on voiténumérer des branches, de beaux fruits, du pain, de l’encens, du miel. Deux cents enfants mentionnés par le même texte seraient-ils des victimes humaines ou sont-ils simplement offerts aux dieux ? Les offrandes animales sont consumées par le feu entièrement ou en partie. Pour les Arabes, nomades et peu munis de bois, nous ne possédons guère de documents constatant l’existence ou l’usage du foyer sacré, mais la philologie permet de considérer comme venant d’un même thème deux racines qui signilient « rôtir » et a prier » ; le mot employé par les inscriptions minéennes pour signifier le sacrifice — le mot prêtre appartenant au même radical, — ne peut être rapporté qu’à l’arabe avec le

sens de brûler. Les Arabes ont donc connu et pratiqué la combustion de la victime dès les origines les plus reculées, bien que pour eux le sacrifiie consiste surtout dans l’effusion du sang au pied de l’autel et l’onction des pierres sacrées avec ce sang.

3° Lequel est le primitif, du sacrilice entièrement pour le dieu ou du sacrifice partagé ? C’est là une question qu’il est à peu près impossible de résoudre, sinon par des systèmes a priori sur l’origine du sacrilice. Le sacrifice entièrement pour le dieu, l’holocauste calil, où la victime est tout entière consumée par le feu, représentet-il la nourriture du dieu réduite en fumée pour mieux s’élever, jusqu’à lui, ou le don parfait et absolu ? Les sacrilices partagés sont des sacrilices de communion qui permettent aux prêtres ou aux fidèles, en s’asseyant à la table du dieu, de s’unir à lui par le rite du banquet, rite qui chez les anciens a toujours été un symbole de fraternité ; ils se divisent en sacrilice pacifique, chelem, où le prêtre prélève une partie de la chair, mais ne laisse rien à l’offrant, et en sacrifice satvat, le sacrifice pru peccato, où le prêtre et l’offrant partageaient la partie de la victime « qui ne montait pas sur l’autel » : il a pour but chez tous, aussi bien chez les Sabéens que chez les Phéniciens, d’effacer certaines impuretés morales ou rituelles.

Chez les Arabes, la coutume avait rendu le sacrifice obligatoire dans trois cas : i° prémices ; 2° préciput du butin ; 3° moment où l’on coupe pour la première fois les cheveux de l’enfant ; pour cette taille des cheveux ou >q qa, on frottait la tête rasée de l’enfant avec le sang du mouton sacrifié ; c’est un acte de consécration. Au printemps, chacun devait sacrifier au moins une brebis.

Parmi les sacrifices offerts par les Sémites, le plus solennel était le sacrilice humain, qui s’est perpétué à Carthage longtemps après le commencement de notre ère et en Syrie jusqu’aux premiers temps de l’Islam. Le récit de Saint Nil (P. G., LXXIX, col. 680) nous prouve qu’il n’était pas inconnu des Arabes ; les Araméens le connaissaient ; la Bible, les inscriptions, les récits des historiens nouslemontrentensanglantant la Syrie, la Phénicie et ses colonies qui le pratiquaient avec fureur, s’introduisant en Grèce avec les cultes barbares. Il était offert dans des circonstances tragiques, dans celles où la vie du royaume ou de la cité était en péril, et surtout au dieu Melek-Cronos-Saturne, dont la statue d’airain à Carthage, nous dit Diodork, étendait ses mains la paume en haut et penchées vers la terre, de sorte que l’enfant qu’on y mettait roulait et tombait dans un abîme rempli de feu. L’idole devait se confondre en terre avec une sorte de four. On l’offrait cependant aussi à d’autres divinités, connue Tanit, et il semble qu’en Syrie on faisait à Aslarté le sacrifice d’une jeune fille.

On y recourait encore dans d’autres occasions bien déterminées. En Canaan, « il est attesté avec la plus sinistre précision, sous la double forme d’immolation de nouveaux-nés », des premiers-nés peut-être doit-on dire, et des sacrifices de fondation » (Vim < nt, Canaan, p. 188). Les petits cadavres étaient introduits dans des jarres et une inscription célèbre l’apothéose du jeune Néteiros, déifié dans le lébbs, ou urne funéraire (Clkrmoxt-Gannbau, Recueil, II, p. 78). Mais le feu n’intervenait qu’accidentellement et aucune trace d’immolation proprement dite n’a été relevée. Pour les sacrilices de fondation, les cadavres ont été trouvés à la base d’un mur, généralement sous un seuil de porte (Cf. Josué, vi, 28 ; I Sam., xvi, 34) ; mais aussi au milieu d’un appartement, emmurés ou enfouis dans des vases En même temps que cet usage, nous en voyons, dès le