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SCOLAIRE (QUESTION)

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pouvant larir à sa source le bouillonnement de la allure humaine, elle se serait dit : « Acceptons-le connue un pis aller, et réglons-le, maîtrisons-le. Et dans ces histoires de la pédagogie, la plupart de* tentatives modernes, la plupart des nouveautés, étaient présentées connue des conquêtes, accomplies aux dépens de l’Eglise, aux dépens de son esprit de routine. Quelle caricature ! Et comme les textes se chargent d’y répondre ! Ces nouveautés dont est si vainement lier notre laïque, nous en pouvons retrouver, dans l’histoire même de L’Église, la première ébauche et la première amorce.

La gratuité de l’enseignement, gratuité dont la charité et le bon sens commandent de faire bénénélicier ceux qui ne peuvent pas payer, nous la voyons prescrite, dès le haut moyen âge, par de notables conciles, et réalisée, dès cette époque, dans beaucoup d’écoles épiscopales ou monastiques. (Voir Léon Maître, Les écoles épiscopnles et monastiques de l’Occident depuis Charlemagnc jusqu’à Pkilippe-Auguste, p. 202-20/1 (Paris, Dumoulin, 1866) : Léon Maître rappelle le capitulaire de Charles le Chauve continuant le legs d’Ainalric pour l’enseignement gratuit à Tours ; les décisions de Théodulfe et de Guillaume de Saint-Bénigne ; l’inscription qui tigurait au fronton de l’abbaye de Salzbourg : Discere ai citpius, gratis quod quæris habebis.

La vie scolaire telle qu’elle se pratique sous nos yeux, les classes primaires dans lesquelles le maître ou la maîtresse distribuent à des groupes d’enfants, qui écoutent ou qui n’écoutent pas, les premiers rudiments du savoir, de quand cela date-t-il ? Cela date._ surtout, de deux pédagogues du xvne siècle, que l’Eglise a l’un et l’autre fait monter sur les autels : saint Pierre Fourier, et saint Jean-Baptiste de la Salle. Oui, dans les écoles de filles avant saint Pierre Fourier, dans les écoles de garçons avant saint Jean-Baptiste de la Salle, la niaitresse ou le maître prenaient tous les enfants, l’un après l’autre, pour leur enseigner, à chacun tour à tour, quelque chose de l’ABC, et quelque chose du calcul ; et ce furent ces deux saints qui, le premier pour les fillettes, le second pour les garçons, contribuèrent le plus efficacement à introduire le mode d’enseignement qu’on a qualifié d’enseignement simultané, et qui est appliqué par toute la pédagogie contemporaine, le mode d’enseignement dans lequel le maître tient vraiment en haleine les attentions et les énergies de toule la genl enfantine, au lieu de convoquer les divers enfants, successivement, pour une série de dialogues personnels ( Voir J. Renault, Les Idées pédagogiques de saint Pietve Fourier (Bruxelles, Ligue de l’Education familiale, 1921), et Fhkre Maximin, Les écoles normales de Saint Jean-Baptiste de la Salir, étude historique et critique, p. 1 77-183. (Procure des Frères, Bruxelles, 1922)

L’usage de la langue nationale dans l’enseignement, ne croyons pas que pour le préconiser on ait attendu les jansénistes en France, et Luther au delà du Rhin 1 Un an avant que Luther ne lançât ses idées pédagogiques, nous trouvons un éloquent appel en faveur de cette réforme chez l’un des représentants les plus notoires de l’humanisme catholique, le philosophe espagnol Jean-Baptiste Vives, e ses livres : De tradendis disciplinis, fut réimprimé de nos jours à Cambridge, par un traducteur anglican, et dans ce livre nous lisons :

« Que le maître connaisse la langue indigène des

élèves, et l’histoire de cette langue, et qu’il soit comme un préfet du trésor de cette langue (Vives, De tradendis disciplinis, III, 2, édit. Poster Watson,

]>. io3. Cambridge Uni ver si t y Press, 1 y13.) >> Et cent ans avant que Vives n’eut ainsi parlé, Gerson, par son A R C des simples gens et par son Livret de esus, par son fruité de lu Mendicité spirituelle et par sa Montagne de contemplation, avait montré comment toutes les vérités, les plus hautes comme les plus rudimentaires, pouvaient et devaient être enseignées, dans la langue nationale, à la foule des humbles et des pauvres.

Les plus récentes méthodes, ou les plus récentes modes d’enseignement historique, celles qui prétendent faire à l’histoire des guerres une place très restreinte et donner une très large place à l’histoire de la civilisation, n’allons pas croire qu’elles aient attendu M. Lavisse pour les appliquer, ou M Ferdinand Buisson pour les justifier. Car déjà nous les relevons dans Fénelon ; et voici, bien avant Fénelon, un texte assez significatif, et sur lequel je ferais d’ailleurs beaucoup de réserves :

« Les guerres sont des cas de brigandage, sauf

peut-être quand elles sont entreprises contre des brigands. Il est indigne de présenter à nos mémoires les actes historiques dus à nos passions, et de ne pas étudier, aussi, ce qui est survenu comme 1 épanouissement du jugement rationnel *, — l’auteur veut parler, en cette métaphore, de l’histoire de la civilisation.

On croirait entendre, en vérité, M. Ferdinand Buisi son en personne. Ces lignes, elles sont de l’un des maîtres de l’humanisme catholique, le pédagogue I espagnol Vives (De tradendis disciplinis, V, 1, p. 236 ; cf. pages cxcvi-cxcvm de lapréface). Et si je les cite, c’est pour montrer tout ce qu’on trouve d’audæe, lorsqu’on sait l’y chercher, dans les œuvres des pédagogues catholiques. Ceux qui se représentent notre pédagogie comme enlisée dans une routine traditionnelle, et comme superstitieusement soucieuse de perpétuer sans changement, de génération en génération, je ne sais quelle uniformité des méthodes et des maximes, ceux-là _ n’ont pas lu nos pédagogues ; et, croyant juger l’Église, c’est leur propre préjugé qu’ils énoncent.

On les entend souvent établir une sorte de parallèle, systématique et factice, entre la dureté de l’éducation médiévale et les protestations d’un Montaigne, ou bien d’un Rabelais, contre la cruauté des geôles scolaires et contre l’àpreté des châtiments qui s’y distribuaient. Mais ces protestations, nous les trouvons, dès le haut moyen âge, devancées en termes excellents, par la voix de saint Anselme. Relisons le curieux entretien qui se déroulait, un certain jour du onzième siècle, entre le grand docteur qu’était Anselme, et l’abbé d’une abbaye voisine. Cet abbé, qui n’avait évidemment qu’une pédagogie simpliste, se plaignait que les enfants de son monastère fussent pervers et incorrigibles ; jour etnuit nous ne cessons de les battre, expliquait-il ; cependant ils deviennent toujourspires. Et saint Anselme de répondre : » Si vous comprimez un arbre de manière à l’empêcher d’étendre ses rameaux et que vous le débarrassiez de ses entraves au bout de quelques années, quel arbre trouverez-vous ? A coup sûr un arbre inutile, aux branches tordues et entortillées. Et à qui la faute, sinon à vous quil’auriez ainsi enlacé ? Eh bien, voilà ce que vous faites pour vos enfants. En les consacrant à Dieu, on les aplanies dans le jardin de l’Église pour qu’ils y croissent et y fructifient : et vous, par la crainte, les menaoes, les coups, vous les tenez dans une telle contrainte qu’ils ne peuvent jouir d’aucune liberté. Ainsi comprimés à l’excès, ils accumulent dans leur sein, caressent et nourrissent des pensées mauvaises qui s’entrelacent comme des épi-