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SCOLAIRE (QUESTION)

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Sauf quelques incidents locaux, l’autorité publique ne s’inquiète nullement de savoir si les personnes qui, munies des preuves légales de capacité et de moralité, se présentent pour exercer la direction ou l’enseignement dans une institution scolaire iibre, appartiennent ou n’appartiennent pas à une Congrégation religieuse. Tout se passe comme s’il n’existait, à cet égard, aucune prohibition particulière.

Mais c’est là une tolérance toute précaire, inolivée par les exigences morales et nationales du temps de guerre et d’après-guerre. Les textes implacables de 1901 et de 1904 gardent leur pleine valeur légale et juridique. Survienne un retour de circonstances défavorables pour la résistance congréganiste, et un ministère anticlérical, il aura, sans conteste, le pouvoir légal et juridique d’exclure de l’enseignement (et de faire condamner à d’assez lourdes pénalités ) tout éducateur, toute éducatrice, qui seraient authentiqueinent connus comme appartenant à une Congrégation religieuse. Rien ne garantit la durée du régime de tolérance actuellement pratiqué : rien, sauf la désuétude progressive dans laquelle tend ainsi à tomber (en fait) la législation hostile aux Congrégations, même aux Congrégations enseignante. -.

La désuétude ne suffit pas. Il faut la suppression pure et simple des textes de 1901 et de 190^ qui refusent aux congréganistes le droit d’enseigner.

D’aucuns espèrent à tort résoudre le problème en réclamant l’autorisation législative des Congrégations de missionnaires. On ne toucherait pas aux lois concernant les Congrégations enseignantes.

Mais les plus connues des Congrégations de missionnaires sont précisément des congrégations enseignantes, et les plus florissantes des œuvre catholiques françaises, à Jérusalem et à Beyrouth, au Caire et à Alexandrie, à Tokyo et à Chang-Haï, et dans la plupart des pays de missions lointaines, sont des institutions d’enseignement, masculin et féminin, primaire, secondaire et supérieur. Alors, que vaut l’argument, s’il n’est pas applicable aux Congrégations enseignantes ?

Dira-t-on que les Congrégations enseignantes continueront d’être protégées, subventionnées, en Orient et en Extrême-Orient, mais qu’elles devront s’abstenir de posséder aucun établissement et de donner aucun enseignement sur le territoire français ? — Léon XIII a déjà répondu, dans sa lettre émouvante du aci décembre 1900, au cardinal Richard, sur le projet Waldeck-Rousseau : Il est impossible de demander des fruits à un arbre dont on a coupé lei racines.

Et puis, la liberté de l’enseignement demeure un principe de droit public, dont aucun homme d’Etat français n’ose plus contester la valeur et la certitude. Si les mots ont encore un sens, cette liberté consiste essentiellement dans la faculté légale, reconnue à tous les Français et à toutes les Françaises, moyennant les mêmes garanties de capacité et de moralité, d’ouvrir les établissements d’éducation et d’y donner les divers enseignements conduisant à chacun des diplômes et à chacune des carrières. Mais, de bonne foi, le principe de la liberté d’enseignement n’est-il pas outrageusement violé, ne ressemble-t-il pas à une dérision amère, lorsque le législateur exclut arbitrairement de son bénéfice toute une catégorie importante de Français et Françaises, qui, sans aucun doute, tiennent une place considérable dans l’exercice de l’enseignement à tous les degrés ? Telle est précisément la situation dans un pays où la liberté de l’enseignement est érigée en principe de droit public, et où les mem bres des congrégations religieuses sont tous légalement déchus du droit d’enseigner. Pareille anomalie est le déshonneur de notre législation. Elle reste l’élonnement et le scandale des meilleurs amis de la France dans tous les pays étrangers.

Au droit des congréganistes, s’ajoute la considération des intérêts évidents, impérieux, de l’éducation nationale, surtout de l’éducation populaire.

Deux causes, entre autres, contribuent à expliquer les insuffisances actuelles de la fréquentation scolaire et l’échec du principe légal de la scolarité obligatoire. D’un côté, en différentes régions, les familles croyantes redoutent l’hostilité, plus ou moins notoire, de l’instituteur public contre leurs croyances religieuses, et ces familles ne trouvent pas d’école confessionnelle en lace de l’école laïque. ÏVautre part, l’enseignement primaire, public et privé, subit une crise très grave de recrutement, qui nuit à sa valeur professionnelle et menace son avenir. Au cours du débat parlementaire sur l’ambassade au Vatican, M. Léon Bérard, devenu de puis ministre de l’Instruction publique, avait déjà, le a5 novembre 1920, exprimé fortuitement un aveu plein de saveur : Si la crise du recrutement du personnel, dans l’enseignement primaire et dans l’enseignement secondaire, est, dans cinq ans, ce qu’elle est aujourd’hui, la République aura le choix, pour ses instituteurs, entre des maîtres congréganistes et des laïques illettrés.

Sans prendre la boutade trop au pied de la lettre, il y a ici une salutaire leçon à recueillir. Les congrégations enseignantes possèdent un nombre important d’éducateurs, initiés à de bonnes méthodes scolaires, investis de la confiance de beaucoup de familles françaises. En raison de leur genre particulier d’existence, les congréganistes peuvent, moins malaisément que d’autres, faire face aux lourdes difficultés présentes de la situation matérielle. Si l’on veut servir loyalement la cause de l’instruc-r tion populaire, de même que la cause de la concorde nationale, on se gardera bien de négliger un tel concours pour les tâches laborieuses de l’enseignement de la jeunesse. Exclure les congréganistes, hommes et femmes, du bénéûce de la liberté de l’enseignement constituerait, dans les circonstances actuelles, une aberration prodigieuse. Le regretté Denys Cochin a excellemment fait observer que le retour des Congrégations enseignantes serait l’une des conditions désirables par lesquelles on pourrait rendre effective l’obligation scolaire : Quand tout le monde est obligé de prendre l’omnibus, du moins est-il nécessaire de multiplier les lignes.

II. La Répartition proportionnelle scolaire. /" Position de la question.

La loi française déclare l’instruction obligatoire. Quiconque néglige de faire donner à ses enfants, garçons ou filles, tout au moins l’enseignement primaire, est passible de sanctions et pénalités légales.

Pour satisfaire à l’obligation scolaire, deux sortes d’écoles sont prévues et autorisées par le législateur : l’école officielle et l’école libre ; l’une est créée par la commune et l’Etat ; l’autre créée par l’initiative privée.

L’école olficielle est gratuite pour ceux qui la fréquentent : c’est-à-dire qu’elle est, financièrement, à la charge exclusive des contribuables, de tous les contribuables, au double titre du budget national et communal. La même école officielle est laïque par son personnel enseignant, et laïque aussi par l’enseignement qu’elle donne : car l’instruction reli-