Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/626

Cette page n’a pas encore été corrigée

1239

SCHISME D’OCCIDENT

1240

Aux yeux des contemporains ce problème était insoluble ; nous l’avons sullisamment démontré. Avons-nous des lumières plus complètes et plus éclatantes que les leurs ? A une distance de six siècles, nous pouvons juger d’une manière plus désintéressée et plus impartiale. Sommes-nous mieux au point pour porter une sentence, sinon déûnitive, au moins plus informée et partant plus juste ?

Nous le croyons. Nous n’en sommes plus au temps où Mézeray (Histoire de France, édit. de 1685, t. II, p. 497), et Maimbouro (Histoire du grand Schisme, livre I", p. 5) jugeaient la question en se mettant à l’unique point de vue du « zèle qu’on doit avoir pour l’iionneur de la France et pour la gloire d’un de nos monarques, Charles V, si indignement outragé ».

Les préjugés gallicans, jansénistes et régaliens ne viennent plus projeter leurs ombres sur des problèmes que l’histoire et le droit canon doivent seuls éclairer. D’un autre côté, l’Eglise n’a point parlé olficiellement et ne décidera peut-être jamais entre R >me et Avignon. Seul, le pape Bknoit XIV, dont tout le monde savant admet et admire la haute compétence, a dit un jour : « Aujourd’hui les ténèbres se dissipent ; la légitimité d’Urbain et de ses successeurs est mise en pleine et évidente lum-ère » (De servorum Dei beatificatione, t. I, c. ix, n° 10).

A notre avis, la question a fait un grand pas vers la tin du xixe siècle. Le cardinal Hergenrœther, Mgr Hefele, Hinschius et le savant Pastor en Allemagne, Chenon, de Beaucourt, Denifle en France, Kirsch en Suisse, Pa’.ma bien après Rina’di en Italie, pour ne nommer que les plus compétents ou les plus illustres, se sont ouvertement prononcés en faveur de la légitimité des pontifes de Rome. M. NoiiL Valois, qui fait autorité dans la question, avait d’abord considéré les papes rivaux comme douteux, et avait cru « que la solution de ce grand problème échappait au jugement de l’histoire » (La France et le grand Schisme, t. I, p. 8, 180, 6). Six ans plus tard, il terminait sa magistrale étude et jetait un coup d’œil d’ensemble sur les faits racontés dans ses quatre gros volumes. Remarquons sa conclusion beaucoup plus explicite que son premier jugement :

« Il s’est établi en faveur de la légitimité des

papes de R une une tradition que les investigations de l’histoire tendent à conQrmer. Ce livre lui-même, bien que l’auteur ait hésité à conclure, n’apporte-t-il pas à l’appui de la thèse romaine des arguments nouveaux, qui, au jugement de certains critiques, seraient tout à fait convaincants ? » (Ibid., t. IV, p. 503).

Un dernier argument, tout récent, nous vient de Rome. En 190/1, la Gerarchia cattolica, se basant sur les données du Liber pontificalis, a dressé une nouvelle liste rectiliée des Souverains Pontifes. Dix noms ont disparu de ce catalogue des papes légitimes ; ni les papes d’Avignon, ni même ceux de Pise, ne prennent rang parmi eux. Si cette omission très volontaire n’est pas une preuve positive, c’est au moins une forte présomption en faveur de la légitimité de papes romains, d’Urbain VI, de BonifacelX, d’Innocent VII et de Grégoire XII.

D’ailleurs, les noms des pontifes d’Avignon, Clément VII et de Benoit XIII, ont été repris par des papes postérieurs, très légitimes ceux-là, nu xvie et au xvme siècle.

Donc, en vertu du progrès des recherches et des études historiques, nous pouvons conclure qu’il y a plus que des présomptions en faveur de la légitimité du pape de Rome. Il y a aujourd’hui des données nouvelles et des preuves positives, apportées par les auteurs les plus autorisas. La nébuleuse du xiv c siè cle apparaît de [dus en plus comme une étoile fixe au ciel de l’histoire.

C’est pour toutes ces raisons que nous nous sommes départi de l’attitude de rigoureuse neutralité dat beaucoup d’historiens se sont fait une obligati ™. Nous n’avons pas admis le doute égal pour Rome, pour Avignon et pour Pise, et nous n’avons point traité les trois pontifes sur le pied de l’égalité. Nous sommes romain parce que les meilleures raisons sont pour Rome.

Telle sera, croyons-nous, la solution de l’avenir.

Conclusions :

La On du xiv c siècle marque certainement une des époques les plus malheureuses de l’histoire humaine. Sur presque tous les trônes, on voit assises l’ineptie, la méchanceté, parfois la folie. Au sein des cours, la débauche amène la cruauté, la chair appelle le sang. La guerre de Cent ans se continue avec des traités qui ne sont que des trêves, et des accalmies qui promettent la paix sans jamais la donner. Pour comble de malheurs, la guerre religieuse vient ajouter ses horreurs à celle de la guerre civile : Le schisme produit non seulement certaines confusions doctrinales, mais encore tous les relâchements moraux qui donneront prétexte au protestantisme.

Contentons-nous d’indiquer quelques-uns de ces fâcheux résultats. L’oeuvre de la réforme, si ardemment désirée et si persévéramment poursuivie par certains papes, par d’excellents évêques, par des moines courageux, comme saint Bernard et ses disciples, par des moniales zélées, comme sainte Brigitte et sainte Catherine de Sienne, fut indéfiniment retardée et enfin radicalement compromise.

Un des points sur lesquelles la réforme devait porter était les abus du pouvoir fiscal dans l’Eglise. Or, la division avait créé deux papes, deux collèges de cardinaux, deux administrations rivales, deux séries parallèles d’envoyés apostoliques, de collecteurs ordinaires et extraordinaires chargés de percevoir des impositions plus ou moins Volontaires. L’ancien système financier resserrait ses mailles et multipliait ses exigences en raison directe des besoins.

« Les mesures iiscales adoptées à Avignon, dit

Pastor, ont contribué, plus qu’on ne le croit généralement, à détruire le prestige de la papauté, et ont singulièrement favorisé la besogne à nos ennemis » (Histoire des Papes depuis la fin du moyen à°e, t. I, p. 89). C’est un jugement sommaire et vrai sur les abus qu’engendreront les taxes, les décimes, [en procurations, les subsides car ita tifs, les aimâtes, les expectatives, le droit de dépouilles, les réserves, la commendc, qui mettent tout en proie, qui ruinent l’Eglise et qui réduisent parfois les prêtres à se faire manœuvres, vagabonds ou mendiants (Chronique de Sa ; nt-Denys, II, 14 Cf. Dbniflr).

Ce n’est pas manquer de respect au souverain pontificat que de regretter le défaut de grandeur d’Aine chez certains papes. Pourquoi ne se résignaient-ils pas à un sacrifice ? Pourquoi ne donnaient-ils pas leur démission ? « Que de maux eussent été évités par cette volontaire cession, à commencer par le scandale judiciaire de Pise et par les dangereuses innovations de Constance ! » (NoiiL Valois, t. IV,

P. 48a) :

Que d’étonnements provoqués aussi dans le monde par ces excommunications réciproques, renouvelées à chaque avènement pontifical, par ces luttes plus politiques que religieuses en Italie, en Portugal, en Flandre, par ces sommes employées à acheter certaines consciences royales plus avides que délicates ! Que penser surtout des cardinaux qui lancèrent