Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/622

Cette page n’a pas encore été corrigée

1231

SCHISME D’OCCIDENT

1232

traire, la France, l’Espagne, l’Ecosse et tontes les nations qui s’agitent dans l’orbite de la France, tiennent pour le pontife d’Avignon. Malheureusement les deux papes rivaux s’arment l’un contre l’autre de l’excommunication ; ils créent de nombreux cardinaux pour remplacer ceux qui ont fait défection, et ils les envoient partout pour défendre leur cause, répandre leur influence et se faire de nouveaux adeptes.

Les théologiens, les canonistes, les politiques proposent trois moyens principaux, trois voies, pour arriver à la paix religieuse. Les uns sont partisans d’un compromis qui consisterait à confier à des arbitres choisis lesoin déterminer ce grand débat. D’autros voudraientque le monde chrétien, par labouche de ses représentants les plus autorisés, engageât ou forçât les deux concurrents à la cession de leur siège, pour qu’on pût élire un pape qui serait, dans l’hypothèse, reconnu par tous D’autresenlin étaient d’avis qu on réunît un concile œcitm en ique composé des prélats des deux obédiences, et que cette assemblée solennelle efit pour but principal de mettre un au schisme. C’estle grand moyen qui sera essayé vainement à Pise (i 40g) et qui réussira enfin à Constance

(1414-1418).

Pendant que ces graves et ardentes discussions se poursuivaient un peu partout, à Rome Boniface IX avait succédé à Urbain VI.etBenoit XIII avait été élu pape à la mort de Clément d’Avignon. « Il y a deux maîtres en la nef qui continuent à escrimer ensemble et à s’entre-impugner », disait le très original Jean Petit au conciledeParis(1406)(Cf. Valois, l.a France et le grand Schisme, III, p. lï><j).

Plusieurs assemblées ecclésiastiques se réunirent en France et ailleurs sans résultat déûnitif. Le mal se perpétuait sans remède et sans trêve. Le roi de France et ses oncles commençaient à se lasser de soutenir en Avignon un pape qui n’agissait qu’à sa guise et qui faisait échouer tour à tour tous les projets d’union. De plus, les exactions du pape d’Avignon et les rigueurs fiscales de ses employés pesaient lourdement sur les évêques, les abbés et le menu clergé de France. Charles VI imposa à son peuple la soustraction d’obédience (1398), et défendit à tous ses sujets de rester soumis à Benoît, s’ils ne voulaient encourir des peines exemplaires. Toute bulle ou lettre du pape devait être envoyée au roi. On ne tiendrait nul compte des grâces octroyées par le pape ; toute dispense serait à l’avenir demandée aux ordinaires.

Donc, c’était un schisme dans un schisme, c’était une loi de séparation ; le chancelier de France, qui était déjà vice-roi durant la maladie de Charles VI, devenait par là même vice-pape. Non sans la connivence des pouvoirs publics, Geoffroy Boucicaut mit le siège devant Avignon, puis un blocus assez rigoureux priva le pontife de toute communication avec ceux qui lui étaient restés fidèles. Rendu libre en 1403, Benoît n’en devint pas plus conciliant dans ses procédés ni moins opiniâtre dans ses prétentions.

Un nouveau synode particulier, rassemblé à Paris en 1/106, ne réussit qu’à moitié, Déjà Innocent VII avait succédé à Boniface de Rome, et, fiientôl après, Innocent lui-même, après deux ans de règne, avait été remplacé par Grégoire XII. Ce dernier, bien que modéré de caractère, ne se hâtait guère de réaliser les belles espérances que la chrétienté, fatiguée outre mesure de ces divisions interminables, avait placées en sa bonne volonté et en son dévouement à l’Eglise.

De guerre lasse, les cardinaux des deux obédiences abandonnent enfin leur pape respectif et se

réunissent à Pise. Après s’être efforcés vainement de convaincre Grégoire et Benoît d’hérésie, ils les déposent et choisissent un nouveau pontife, qui prend le nom d’Alexandre V (i/Jog). « Le mal augmenta, dit Bossubt. Au lien de deux papes on en fit trois, et ainsi la chrétienté fut divisée en trois partis, avec une aigreur plus grande qu’auparavant » (Histoire de France, X).

Alexandre V meurt bientôt et Jean XXIII lui succède. Sigismond, roi des Romains, prend alors l’initiative de convoquer un nouveau concile à Constance. Cinq patriarches, vingt-neuf cardinaux, trente-trois archevêques et plus de cent cinquante évêques, cent abbés et trois cents docteurs s’y trouvèrent bientôt réunis (14’4). Après bien des pourparlers, des projets, des discussions parfois violentes’, des péripéties de tout genre, le concile dépose Jean XXIII, reçoit l’abdication de Grégoire XII, et destitue enfin l’opiniâtre Benoit XIII. Le n novembre 14’7, l’assemblée élit pape Odon Colonna, qui prend le nom de Martin V. « Observa- ; in Juanne XXIII miserabile spectaculum t in Gregorio XII mirabile factum, in Benedicto XIII lacrymabile exemplum et in electv papa admirabile negotium » (Texte du protestant Von dbr Hardt, Berum Conc. oeciiin. Constant., t. IV, col. 1.587. Il a été relevé récemment par Truttmann, Bas Konclave auf dem Konzil zu Konstanz, p. 98).

Ainsi prit lin le grand schisme d’Occident.

IL La discussion au Moyen âge. — On conclura facilement de ce rapide exposé que le schisme d’Occident est unique en son espèce, qu’il est sui generis et qu’il restera tel dans l’histoire. C’est un schisme improprement dit ; c’est un déplorable malentendu, un imbroglio historique qui dure quarante ans. Le grand schisme d’Orient, celui de Photius et de Michel Cérulaire, inclut une désobéissance, une rébellion formelle vis-à-vis du Pape. Alors, ouvertement et outrageusement, les Byzantins se sont révoltas contre l’autorité de Jean VIII et saint Léon IX. Leur patriarche, devenu pape de Constantinoplc, put dire du pontife de Rome :

Je ceignis la tiare et marchai son égal.

En Occident, ou contraire, nulle révolte contre l’autorité papale en général, nul mépris pour le pouvoir souverain dont Saint Pierre fut le représentant. La foi en l’unité nécessaire n’a fléchi nulle part ; nul ne veut propria sponie et intentione (S. Thomas. Summa theol., ll a II aR, q. xxxix, ai) se séparer du chef de l’Eglise. Or, cette intention est seule la marque spéciale et caractéristique de l’esprit schismatique. Tous désirent au contraire que l’unité, matériellement voilée et momentanément compromise, brille bientôt d’un nouvel éclat à tous les yeux.

Pour nous en convaincre, examinons ce qu’ont pensé à ce sujet les théologiens, les canonistes, les princes, les fidèles du xiv* siècle. Recberchei : t-ils l’unité ? Proposent-ils ou emploient-ils pour y arriver toutes sortes de moyens plus ou moins efficaces ? Ils sentent si bien et proclament si haut que ce caractère est essentiellement nécessaire à la vraie Eglise de Jésus-Christ, qu’à Constance ils feront passer le souci de l’union avant celui, pourtant urgent, de la réforme. Jamais on n’avait tant apprécié le bienfait de l’unité que depuis qu’on l’avait perdue, que l’Eglise était devenue bicéphale on tricéphale, et

1. Nous avons exposé ailleurs ce que nous pensons, au point do vue théologique do l’autorité et de l’œcuménicité des conciles de Pise et de Constance. Cf. Le grand Schisme, pp. 367 et 306, 4’édit. I906.