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SCHISME D’OCCIDENT

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qui empêchaient la ré forme dont l’Eglise avait besoin, une réforme pour laquelle Savonarole se croyait suscité par Dieu ! « La constatation des ruines qui s’accumulaient partout, remarque V. P., dans.& Revue d’histoire ecclésiastique, Louvain, i er janvier 1926, p. 706, dut exaspérer son caractère ardent et passionné pour la sainteté de l’Eglise. La victoire de ses ennemis était pour Savonarole la victoire de la force des ténèbres. » Cela ne justifie pas les erreurs et les excès de Savonarole ; c’est assez pour comprendre qu’il se soit trompé de bonne foi et qu’il ait eu la conviction intime de faire une œuvre de salut.

IV. Conclusion. — Savonarole est une des grandes figures et des plus attachantes de l’histoire. On voudrait pouvoir l’admirer sans réserves, tant il s’impose par un ensemble de dons et de vertus extraordinaires.

Il fut un génie, le génie de l’intelligence et de la sainteté. Il le fut dans toulp la mesure, mais uniquement dans la mesure où génie et sainteté peuvent se concilier avec l’illusion.

Il s’imagina cire prophète. Le prophétisme est le caractère le plus frappant et, selon le mot de Schxitzkr, p. 658, das Herzstùck de Savonarole. Tout en lui est en étroite dépendance du prophète. Le prophétisme inspire tout, anime tout, dan* le réformateur de Saint-Marc, le prédicateur, l’homme d’Etat, le rénovateur de l’Eglise. Or ce prophétisme fut une pure chimère de son esprit. Et il l’entraîna, lui affectionné si vivement à l’honneur de l’Eglise, dans des voies qui l'éloignaient de l’Eglise.

Des saints ont pu donner pour divines des prophéties qui ne sesontpas réalisées et parler dupape ou au pape avec des hardiesses de langage qui ne le cèdent guère à celles de Savonarole. Mais ces « prophéties » n’occupent pas dans leur pensée une place à ce point envahissante et ces paroles dures n’ont pas mené à la révolte. Constamment Savonarole vécut en pleine illusion. Et, quelles que soient les circonstances atténuantes qu’on doive faire valoir en sa faveur, il faut reconnaître que le visionnaire que Savonarole fut toujours devint un révolté tenace contre celui qui, malgré son indignité personnelle, était le vicaire du Christ. Pour cette raison Savonarole, qui n’a pas été canonisé, ne semble pas canonisable.

Bibliographie — I. Sourcrs. — D’abord, les œuvres de Savonarole. Cf. Audin de Rians, Bibliografia délie opèree délie edizioni di fra J. Savonarola dans Poésie di J. Savonarola, Florence, 1847 ; BibVotheca Savonaroliana. Les œuvres de fra G. Savonarola, O. P., éditions, traductions, ouvrages sur sa vie et sa doctrine, Florence, 1898, et, pour les éditions ultérieures, J. Schnitzer. Parmi ces œuvres, en premier lieu, les Prediche : puis, le Dialogo délia verità profeiica, le Çompendium revelationum, le Triumphus crucis, les lettres, les poésies, etc. Ensuite, les sources officielles, principalement les actes d’Alexandre VI, les écrits contemporains, notamment ceux de Pierre Parenli ctde Luc Landucci, et les deux vies de Savonarole par frère Burlamacchi et par Jean François Pic de la Mirandole ; cf. J. Schnitzer, p. 897-9.38. Parmi les recueils les plus importants, A. Gherardi, Nuovi documentie sludi intorno a G. Savonarola, 2* édit., Florence, 1887 ; P. Villari et E. Casanova, Scella di predichee scrilti di fra G. Savonarolacon nuovi documenti intorno alla sua vita, Florence, 1898. Un des plus précieux documents publiés par Villari et Casanova, la lettre de frère Placide de

Cinozi, a été traduite par Dom H. Leclercq, Les martyrs, Paris, 1906, t. VI. p. 1534-368. IL Travaux. — Ils sont très nombreux : cf. U. Chevalier, Répertoire des sources historiques du moyen âge. Bio-bihlio graphie. 2e édit., 1907, col. 4 1 56-4 1 63 ; J. Schnitzer, p. 939-991. Un des plus importants, bien que défectueux, fut celui de F. T. Perrens, J. Savonarole, sa vie, ses prédications, ses écrits, Paris, 1853, 2 vol. (édition préférable à la 2e abrégée, Paris, 1 856). Bien supérieur, quoique parfois discutable, est celui de P. Villari, la storia di G. Savonarolae de suoi tempi, Florence, 18591861, 2 vol. ; trad. allemande, anglaise, française, par G. Gruyer, J. Savonarole et son temps (avec une étude préliminaire importante), Paris, 1874 » 2 vol ; la 2e édition de Villari, Florence, 1 887-1888, reproduit à peu près lai re. L. Pastor, Histoire des papes depuis la /in dit moyen âge, trad., d’après l'édit. allemande de 1895, t. III, par F. Raynaud, 2e édit., Paris, 1904, t. V, p. 179-214. t. VI, p. i-50, a consacré à Savonarole des pages remarquables et vivement discutées, notamment par P. Luotto, Il vero Savonarolae il Savonarola di !.. Pastor, Florence, 1897 ; Pastor a répondu dans son Zur Beurtheilting Savonarolas, Fribourg-en-Brisgau, 1898, trad. franc. F. Raynaud, Contribution àl’histoire de Savonarole, réponse aux critiques, Paris, 1898. Dans la5'-7* édit. allemande delà Geschichte der Pàpste, Fribourg-en-Brisgau, 1924, t. III, p. 467-518, Pastor a repris et complété, sans modifier ses conclusions, l’histoire des rapports entre Savonarole et Alexandre VI. Cette même histoire a été traitée par P. de Roo, Materials for a history of Pope Alex and er VI, his relatives and lus timrs, Bruges, t. III (ouvrage beaucoup plus favorable au pape Alexandre VI que ne le permettent les documents historiques, en particulier ceux qu’a fait connaître Pastor, surtout dans l'édition de 1924). L’ouvrage capital est celui de J. Schnitzer, Savonarola. Eût Kulturbild aus der Zeit der Renaissance, Munich, 1924, 2 vol. ; des réserves s’imposent qu’il ne fait pas, mais il connaît bien le sujet et accumule les meilleurs renseignements. Citons encore parmi les travaux de détail, sur Savonarole réformateur politique, A. Franck, Réformateurs et publicistes de l’Europe. Moyen âge. Renaissance, Paris, 1864, p. 251-285 ; sur Savonarole et le mouvement de la RenaissanceA. F. Rio, De l’art chrétien, 2* édit., Paris, 1861, t. II, p. 405-551 ; G. Lafenestre, S. François d’Assise et Savonarole inspirateurs de l’art italien, 2 «  édit., Paris, 1912, p. 175-299 ; sur Savonarole apologiste, A. Décisicr, L’apologétique de Savonarole, dans les Etudes, 20 août 1910, p. 483-506.

Félix Vbrnkt.


SCHISME D’OCCIDENT. — A la lin du xiv «  siècle et au commencement du iv', l’Eglise a été éprouvée par une funeste scission ; elle s’est divisée en deux ou même en trois obédiences, et chacune d’elles reconnaissait un pape particulier.

L’existence, le caractère, les péripéties, la fin de ce déplorable événement, les questions canoniques et théologiqnes qu’il soulève ont toujours crée de sérieuses difficultés aux historiens de l’Eglise et aux apologistes chrétiens. D’autre part, les adversaires de notre foi ont souvent abusé de ces faits pour essayer d'ébranler nos croyances catholiques et pour attaquer, en particulier, cetle note d’unité qui distingue la véritable Eglise.

Nous nous proposons de mettre sous les yeux de nos lecteurs, d’abord un mémento, historique et