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SAPIENTIAUX (L1VKKS ;

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gère » (n, ît » ; v, 3) ou « darue folie » (ix, 13), c.-à-d. précisément le contrepied de la Sagesse, comme nous l’avons vu (111, i). Diettrich, lui, vomirait plutôt voir dan-, cette femme étrangère, non une divinité, mais une doctrine babylonienne. A une certaine époque après l’exil (pense-t-il), une doctrine religieuse-morale à base de spiritisme se serait répan-, due par tout l’Orient sémitique ; elle était issue de Babylone et précisément du culte d’Istar. L’auteur des Proverbes, i-is, nous a présenté cette doctrine spirile, pour la combattre, sous l’allégorie de la femme « étrangère », le revers de la vraie sagesse juive. — Si cela était vrai, l’indépendance de la pensée juive n’en ressortirait qu’avec plus d'éclat. Mais la peinture de la femme étrangère, dan » Prov., ii, v, vu, est par trop réaliste, et répond trop bien à la psychologie humaine dans son sens littéral, pour qu’elle puisse se plier à une allégorie quelconque. De plus, le fait même de la doctrine spirite, d’où part Diettrich, n’est pas bien assuré. Donc, aucune trace certaine de Babylonc dans les Proverbes, ni, peut-on ajouter, dans les autres Livres sapientiaux. G) Serait-ce la Perse, succédant à liabylone dans l’Empire de l’Orient, qui aurait versé quelqu une de ses conceptions dans la doctrine de la Sagesse juive ? On l’a prétendu. Cette Sagesse personnifiée, esprit divin, intermédiaire entre Dieu et le monde créé, sérail une spéculation étrangère à la pensée positive et concrète des Juifs ; elle s’accommoderait au contraire très bien des idées avestiques, étant 1res semblable aux Amesha Spenta, ces attributs divins, qui font le cortège d’Atruramazda. — Une certaine analogie entre ces deux conceptions, de la Sagesse juive et des Amesha persans, nous n’avons aucune raison de la nier. Mais suffit-elle à démontrer que la doctrine juive dépend du parsisme. ou même à établir entre les deux une relation génétique ? Passe pour l’antiquité de l’Avcsta. qui pourtant n’est pas hors de contestation ; mais remarquons que les Amesha forment entre eux et avec Ahuramazda un tout inséparable, un système compact, sans fissure. Us sont plutôt des abstractions : dans les parties les plus anciennes do l’Avesta, « ils désignent des concepts et non des entités, et la personnification y est toujours très superficielle » (A. Caunoy, dans Muséon, tQia, p. 137). Ni, d’ailleurs, le rôle d’aucun d’entre eux ne coïncide exactement avec le rôle de la Sagesse dans nos Livres sapientiaux.

Par contre, nous trouvons dans l’Ancien Testament d’antres personnifications, quoique moins marquées et moins constantes que celle de la Sagesse. Telles, la bonté et la vérité, ou fidélité, de Dieu (Psaume, r.xi, 8 ; l.xxxv, i i suiv. ; i.xxxix, 15, etc.), la justice (Psaume, lxxxv, r>. i ', ; xcvii, a), la parole de Dieu (Psaume, cvii, 20? /s., lv, ii) ; souvent l’Ange de Yahweh n’est que la manifestation extérieure de la puissance divine (Psaume, xxxiv, 7 ; Il Rois, xix, 35 ; Eccli., xi.viii, 21 ; / »., i.xiii, 9). Dans la littérature juive postérieure à la Bible, rien n’est plus ordinaire que de voir personnifier la Thorah (loi), le Memra (logos ou parole), la Schekhinah (présence de Dieu), la fiath t/ôl (voix). Tous ces êtres divinisés (qui, notons-le, ne sont nullement coordonnés entre eux, comme les Amesha des Perses) nous apprennent, que la personnification des attributs ou des effets divins est un procédé spontané de l’esprit juif ; pour se lancer dans cette voie, les fils d’Israël n’avaient nul besoin d’une impulsion venue du dehors.

D) Les dernières fleurs de l’Ancien Testament, notamment plus d’un produit de la sagesse juive (nous l’avons vu), se sont épanouies en pleine époque hellénistique. Auraient-elles pu se soustraire à

l’action pénétrante de cette magnifique civilisation, qui, partant de la Grèce, s'était répandue jusqu’aux extrémités de l’Orient ? Pas tout à fait, certainement. L’auteur de la Sagesse a tiré, sans doute, de la philosophie grecque plusieurs termes et conceptions. Telle, par exemple, la division des vertus en quatre vertus cardinales : prudence, justice, force, temperance (Sag., ym, 7), division qui est passée eonuue un thème ordinaire dans l’ascétique catholique. EU* remonte à Platon et était en faveur auprès des Stoïciens. De même, lorsque l’auteur nous présente l’Esprit de Dieu « qui contient tout (1, 7), ou la Sagesse, qui « pénètre et s’introduit partout a (vu, a4), il se sert du langage par lequel les stoïciens exprimaient leurs idées cosmologiques. On a même prétendu qu’il a emprunté à ces sources impures des erreurs. Ainsi il enseignerait la préexistence de l'àine (vin, ao), il supposerait que la matière n’e.st pas créée, mais éternelle (xi, 17). C’est là de l’exégèse superficielle. Un peu d’attention suffit à montrer que l’auteur exprime dans des formules grecques des idées bien juives, des idées émises déjà par d’autres écrivains dans l’Ancien Testament. Sa

« matière informe » (xi, 17), par exemple, n’est autre

que la « terre informe et vide » de Gen., 1, 2, et, donc, matière créée par Dieu le premier jour (^. 1). Dans vin, 20 il veut marquer, que le premier rang revient à l'âme dans la composition de la nature humaine et dans l’heureuse harmonie des facultés d’un homme bien doué. Ayant suivi l’ordre corps-âme ai. verset précédent, l’auteur se reprend dans ^ 20, et. par crainte d'être mal compris, donne l’ordre âmecorps. Sa psychologie n’est pas différente de Gen, , ii, 7 ; comparer Sa g., xv, 8-11. Pour plus de détails, voir les commentateurs catholiques, et. parmi les protestants modernes, W. 11. Churton (1880), W. J. Dbank (1881), A. T. S Goodrick (1913).

Récemment deux études contemporaines et indépendantes par deux critiques protestants ont examiné à fond ce point spécial : F. Ch. Portrr, The préexistence of tl/e Soûl in tke Bookof ir/'.viVi<m(dans American Journal of Tlieolo£v, XII, kjoS, p. 53- il 5), et W. WbbBU, Die Seelenlehre cer Weisiicit Salomo.s(danS Zei ; schr ; ft fur it isseiisclui ftlclie Théologie, Ll, 1908/9, p, 3 1 4- 33a). Tous les deux arrivent à la même conclusion, admise par d’autres prolestants comme convaincante, que sur ee point la doctrine de notre auteur ne vient pas des écoles grecques. mais des idées propres aux Hébreux. Au demeurant, l’orientation générale de la Sagesse est plutôt vers le particularisme spécifiquement juif, que vers l’universalisme hellénistique.

L’Ecclésiasle, par sa date probable(voir 1, '1) pourrait avoir subi l’influence de l’hellénisme. L’a-t-il subie en effet, et dans quelle mesure ? On a cru remarquer des gréeismes dans la langue de Oohéleth, et des idées dérivées de la philosophie grecque dans ses pensées. Nous avons déjà relevé, dans sa façon de proposer et de développer son thème, une certaine analogie avec celle des philosophes ou sophistes grecs. Mais c’est plutôt l’influence générale de la culture, ce sont tout au plus de rares éléments pénétrant avec l’atmosphère environnante. « L’Kcelésiaste (conclut M. Podechard, après un examen détaillé) n’est pas entré en contact direct et immédiat avec les œuvres des philosophes grecs ; mais il n’a pas du échapper complètement à ls diffusion de leurs méthodes et de leurs idées » (f.'iïcclèsiaste, p. 100). Même sur les prétendus gréeismes de Qohéleth, on peut, avec le même exégète, rester sceptique. L’araînéen, langue usuelle des Juifs après la captivité, explique beaucoup des particularités de la langue et du style de notre livre. Si quelque grécisnie il y a,