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SAPIENTIAUX (LIVRES)

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ceux-là dans le cliap. viii, où la théologie et la poésie des Proverbes atteignent leurs plus sublimes hauteurs.

Le début n’est pas bien (’.ifférenl de celui que nous avons lu tout à l’heure au chap. i. La Sagesse se place aux endroits les plus fréquentés pour appeler tout le mor.de à l’entendre :

Ecoulez, car j’ai à dire des choses magnifiques (vm, 6).

En effet la pensée et le style s’élèvent peu à peu. En faisant son propre éloge, après avoir décrit ses avantages pour le bien de la société et des individus, la sagesse remonte aux origines, touche à la divinité :

Yahweh m’a possédée au commencement de ses avant ses « euvres les plus anciennes. [voies].

J’ai été fondée dès l’éternité… Avant que les montagnes fussent affermies, avant les collines j’éiais enfantée… Lorsqu’il (Yahweh) disposa les cieuz, j’éiais là, lorsqu’il posa les fondements de la terre. J’étais à l’œuvre auprès de lui, me réjouissant chaque jour,

et jouant sans cesse en sa présence, jouant sur le globe de sa terre,

et trouvant mes délices parmi les enfants des [hommes (vm, 22-31).

Arrêtons nous un instant sur cemorceau sublime, si plein de sens ; car pour en faire comprendre toute la portée, il faut quelques remarques.

D’abord on ne saurait douter, qu’ici la Sagesse se montre comme une personne vivante et agissante. Elle n’est pas une créature, puisqu’elle précède toute œuvre de Dieu. Elle était « auprès de Dieu » de tout temps, elle l’assistait, l’aidait, pour ainsi dire, dans la création du monde et lui causait cette jouissance, par laquelle « Dieu se complaît dans toutes ses œuvres », toutes très bonnes et très belles (Gen., i, 3 1 ; Psaume, civ, 24. 31). On le voit ; c’est l’intelligence essentielle de Dieu, où le Créateur puisa les idées des êtres et le plan de ce merveilleux univers. Elle est intrinsèque à Dieu ; mais en même temps elle est représentée ici comme détachée en quelque manière du Créateur, comme sortie de lui. On comprend comment cette façon de concevoir se prête à préparer le dogme chrétien de la distinction des personnes en Dieu.

Oripeut faire un pas plus avant. Cette intelligence, qui constitue le premier acte immanent de Dieu, cette Sagesse par laquelle il crée l’univers, émane de Dieu par voie de génération. « J’ai étéenfantée », dit et répète la Sagesse(2.’|.25). Quoi de plus propre à exprimer cette personne divine, que la théologie chrétienne appelle le Fils de Dieu ? Aussi, dès l’antiquité chrétienne, catholiques et hérétiques s’accordaient-ils à voir dans celle qui parle ici, ladeuxième personne de la sainte Trinité. Les Ariens, on le sait, se prévalaient du verset sa tel qu’il était traduit en grec dans la Septante (Kupto ; "txrtai / ;) pour soutenir, que le Fils de Dieu était une créature (xri’r/ta). Les catholiques, tout en gardant la versiondes Septante, n’eurent pas beaucoup de peine à montrer, que de cette locution ne s’ensuivait nullement ce que les Ariens prétendaient en tirer. Mais combien plus ellicace eût été leur réponse, s’ils avaient regardé au texte original ! Eusèbe de Césarée l’avait d’ailleurs remarqué, mais sans en tirer tout le prollt possible’. En hébreu, le verbe répondant à « me créa », 1

1. Eusf.bii Caksah. De Ecelesiaslica theologia, V, 2 : Mignt /’. G., 24, 973 suiv. Voir notre article La S. Scriltura al Concilio di iXicea dans Analecta tacra Tarræonensia, vol. Il (1926), pag. 353 suiv.

est qanani, exactement le même verbe qui sortit de la bouche de la première femme, émue à la naissance de son premier- né (Crampon « J’ai acquis un homme avec le secours de Yahweh », Gen., iv, 1). Par ce verbe, le mode d’avoir l’être par génération, non par création, aflirmé dans les vv. 24-20, n’est pas invalidé, mais confirmé.

Dans le livre de la Sagesse, la même provenance nous est présentée dans un langage plus abstrait, plus philosophique, plus convenable à ces sujets sublimes, qui touchent à la divinité. Ce n’est pas sans raison que l’auteur sacré, avant d’entrer dans une matière si profonde et si vénérable, demande à Dieu « d’en parler comme il voudrait, », c.-à-d. d’après la haute idée qu’il s’en est faite, et « de concevoir des pensées dgnes des dons qu’il a reçus (vu, 15), » c.-à-.d. de cette même Sagesse qui lui a été communiquée. Aussi pour l’auteur de la Sagesse, comice pour l’auteur des Proverbes, la Sagesse est « l’ouvrière de toutes choses » (vu, 22) ; mais plutôt que de nous la peindie assistant à la créalion, il aime à la présenter comme pénétrant tout l’univers pour le soutenir, l’animer, y agir comme une force intime.

En elle, en effet, il y a un esprit intelligent, saint, unique, multiple, immatériel, actif, pénétrant… tout-puissant, surveillant tout, pénétrant tous les

[esprits]

les intelligences les plus pures et les plus subtiles. Car la sagesse est plus i*gile que tout mouvement ; elle pénètre et s’introduit partout, à cause de sa

[l.ureté (vu, 22-24).

Et pourtant, bien qu’elle soit répandue dans tout l’univers, présente à toutes les créatures, elle n’en est pas moins unie à Dieu : « Elle est le souille de la puissance de Dieu, une pure émanation de la gloire du Tout-Puissant… Elle est !e resplendissement de la lumière éternelle, le miroir sans tache de l’activité de Dieu et l’image de sa bonté » (vu, 25 suiv.). Paroles si belles, si propres à dénoter une personnalitédivine, que l’Apôtre les lit siennes pour exprimer dans un langage humain l’ineffable génération du Fils de Dieu (/lebr., 1, 3).

En effet, rien de plus apte à nous donner une idée de l’identité de substance et de la distinction en même temps, propre au Fils par rapport au Père, que ces comparaisons, ou métaphores, de souffle, ou, pour mieux dire.de vapeur (grec àr/M’s), d’émanation, de resplendissement, de miroir, d image, que l’auteur sacré paraît accumuler à dessein pour suppléer par la quantité des lumières, qui en jaillissent, aux imperfections inévitables du langage humain La théologie chrétienne n’a pas hésité à adopter toutes ces images pour préciser la relation de la deuxième personne de la Sainte Trinité à la pieinière, à la source de la divinité, comme on peut le voir dans l’immortel ouvrage du P. Petau, Dogmata Theologica de Deo, 11b. VI, cap. v. vi. Encore une fois, on saisit par là le caractère propre à l’Ancien Testament, de préparer la pleine révélation du Nouveau ; et aussi, pour qui considère l’âge respectif des différents livres, le progrès successif de la révélation.

IV. Influences ivtrangùhes ?

Deux articles étant déjà consacrés, dans ce Dictionnaire, aux rapports de la Bible en général avec Babylone et avec I’Egyptk (tome I, col. 32<).1301), nous serons ici très brefs.

Nous ne dirons qu’un mot de la forme, notamment du parallélisme, qu’on a justement appelé la loi fondamentale (ou, pour mieux dire, principale) de la poésie hébraïque. Nous en avons donné plusieurs spécimens plus liant (surtout I, 3), Il est bien cer-