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SAPIENTIAUX (LIVRES


On se demande ce que c’est précisément que cette sagesse, que Dieu donnée au peuple d’Israël. Barucli répond :

C’est le livre des commandements de Dieu

et In loi qui subsiste à jamais…

Heureux sommes-nous. A Isr

parce que ce qui plaît à Dieu nous a été révélé

L(w. i- 4) Rien de plus formel : la sagesse d’Israël, la seule sagesse digne de ce nom, a sa formule, son code, dans la thorah, pratiquement dans le Pentaleuque.

L’Ecclésiastique n’est pas moins explicite, ni moins poétique. Dans un chapitre célèbre et d’un usage fréquent dans la liturgie catholique, il introduit la Sagesse à parler d’elle-même, comme une personne :

Je suis sortie de la bouche du Très-Haut,

et comme une nuée je couvris la terre (xxiv, 3).

Après avoir parcouru tout l’univers comme une princesse souveraine, elle cherche un lieu de repos, une habitation, qui lui convienne :

Alors le Créateur de toutes choses me donna ses

[ordres… et me dit : « Habite en Jacob, aie ton héritage en lsrnël » Ainsi j’.'i une demeure fixe en Sion et dans Jérusalem est le sièpe de mon empire. J’ai poussé mes racines dans le peuple glorifié, dans la portion du Seigneur dans son héritage

(10-12).

Klle y exerce les fonctions de l’enseignement et du sacerdoce. Le discours de la Sagesse fini, le (ils de Sirach conclut :

Tout cela, c’est le livre de l’alliance du Dieu Trèsc est la loi que Moïse a donnée, [Haut,

pour être l’héritage des assemblées de Jacob. Cette loi (ait déborder la Sagesse, comme le

[Phison, et comme le Tigris au temps des fruits nouveaux

(22 suiv.)

Il peut y avoir dans tout cela une pointe du particularisme national, propre à l’Ancien Testament ; mais il n’y a pas d’exagération. I.e peuple d’Israël, par son monothéisme et par son décalogue (pour ne toucher que les points les plus saillants de sa thorah ) s’élevait très au-dessus de touie nation, même des plus civilisées, de l’antiquité ; il pouvait se vanter d’une sagesse bien supérieure même à celle de la Grèce savante ; c’était une sagesse, il est vrai, qu’Israël ne tirait pas de ses ressources naturelles, mais qui lui venait d’en haut par une révélation surnaturelle.

3. Sagesse personnifiée. — La sagesse objective, dont nous venons de parler et qui serait en elle-même une abstraction, a été concrétisée et personnifiée par les écrivains des Livres sapientiaux ; concrétisée, comme dans sa plus haute expression, dans la thorah de Moïse ; personnifiée, comme nous l’avons vu tout à l’heure, dans V Ecclésiastique, ch.xxiv. En effet, ce n’est pas là une simple prosopopée de rhétorique. La Sagesse, en ce passage, non seulement parle dans une assemblée céleste (comparer V-z avec Psaume lxxxix, 8), mais elle parcourt tout l’univers, elle se remue, elle agit comme une personne parfaitement individualisée. Ce n’est pas la seule ni la première fois que la Sagesse, considérée comme principe de l’ordre moral, nous est ainsi présentée. Déjà précédemment, dans le même livre, on lit pareille personnification, quoique avec moins de relief. D’après le texte hébreu, la Sagesse est mile

en scène et parle encore d’elle-même à la première personne :

La sagesse enseigne ses enfants

ot rend témoignage à tous ceux qui s’y appliquent…

« Qui m’écoute, jugera avec vérité

et qui me prête l’oreille, habitera dons l’intime de

[ma demeure. Car je marche avec lui avec artifice et d’abord je l’essaie par des épreuves. Au temps où son cœur est rempli de moi… je lui révèle mes secrets. S’il se détourne d’après moi, je le Miette, et je le livre aux spoliateurs (iv, 11-19) *.

Ici, par l’empire qu’elle s’attribue non seulement sur l’esprit, mais aussi sur la destinée des hommes, la Sagesse nous apparaît plus qu’une personne quelconque ; elle est revêtue d’une autorité divine, elle est identifiée en quelque sorte à Dieu lui-même.

Cette personnification de la Sagesse, qui instruit et réprimande les hommes, puis, si on ne l’écoute pas, porte la sentence de condamnation contre les rebelles, est plus amplement développée dans les Proverbes :

La sagesse crie dans les rues, elle élève sa voix sur les places. Elle prêche dans des carrefours bruyants à l’entrée des portes, dans la ville, elle a dit ses

[paroles : Jusqu’à quand, simples, aimerez-vous la simpliet les insensés haïront-ils la science ? [cité…

Retournez-vous pour entendre ma réprimande : voici que je répandrai sur vous mon esprit, je vous ferai connaître mes paroles Puisque j’appelle et que vous résistez, [garde,

que j’étends ma main et que personne n’y prend puisque vous négligez tons mes conseils et que vous ne voulez pas ma réprimande, moi aussi je rirai de votre malheur, je me moquerai quand viendra sur vous l’épou [vante… que viendront sur vous la détresse et l’angoisse… Mais celui qui m’écoute reposera avec sécurité, il vivra tranquille, sans craindre malheur (l, 20-33.

C’est la voix de la nature qui parle à la raison, la voix de la conscience qui parle à tout homme. Emanée de Dieu et faite pour promulguer ses lois divines, elle en est aussi le représentant ; elle en prend, pour ainsi dire, la place auprès des hommes. Elle se présente donc à eux comme une personne vivante.

Dans cet ordre d’idées, la personnalité de la Sagesse est encore plus saillante dans la scène du eh. ix :

La sagesse a bâti sa maison,

elle a taillé ses sept colonnes.

Elle a immolé ses victimes, mêlé son viii,

et dressé sa table.

Elle a envoyé ses servantes ; elle appelle,

aux sommets des hauteurs de la ville :

« Que celui qui est simple entre ici…

Venez, mangez de mon pain,

et buvez du vin que j’ai mêlé ;

quittez l’ignorance et vous vivrez » (ix. 1-C).

Allégorie bien transparente ; la solide doctrine des porte-voix de Dieu est la nourriture des âmes, qui leur donne la vie.

Pourtant, si la personnalité de la Sagesse est ici marquée, et ses rapports avec les hommes clairement indiqués, par ailleurs ses rapports avec Dieu sont laisses dans l’ombre. On trouve plus de Jour sur

1. Traduction de M. Touzard dans la Bible Polyglotte de Vigoiiroux, v. 891. Crampon, encore dans sa dernière édition, suit le grec, qui traduit librement à la troisième personne.