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SAP1ENTIAUX (LIVRES)

1202 l’au-delà, qui, comme nous l’avons dit, est toujours supposée certaine. Dans le dernier endroit cité xn, : >S), d’après une traduction probable (mais probable seulement), on parlerait même en toutes lettres d’immortalité, prix delà justice. En tout cas, il est signilicatif, que dans les Proverbes jamais le schéoi n’est présenté que comme le séjour des méchants. Au contraire,

Le sage suit un sentier de vie qui mène en haut, pour se détourner du schéoi qui est en bas (xv, 24),

formule qui ne demanderait qu’à être précisée, pour rendre un son tout à fait chrétien. Au moins, ce serait écourter les textes que nous venons de citer, et en restreindre arbitrairement la portée, que d’y voir seulement la menace d’une mort prématurée pour les impies.

Dans le livre de Job, l’héroïque protagoniste, qui d’abord nous peint le schéoi, comme lieu où toute distinction entre les hommes est nivelée (in, 13-ii|), plus tard s’élève au désir et même à l’espérance d’avoir à jouir d’une vie de paix auprès de Dieu, après un court délai dans le schéoi (xiv, 1 3- 1 7 ; voir la note de Crampon et suivre la deuxième interprétation). Qui plus est, il espère voir Dieu et se voir par lui dédommagé de ses souffrances (xix, 23-27).

Mais c’est dans le livrede la Sagesse, quenous trouvons cette doctrine de la rétribution dans l’autre vie, affirmée avec toute la clarté et toute la force désirable. Dans des pages pleines de couleur et de poésie, l’auteur sacré se complaît à décrire le bonheur des justes auprès de Dieu et les châtiments de> méchants :

Les âmes des justes sont dans la main de Dieu, et le tourment ne les atteindra pas. Aux yeux des insensés, ils paraissent être morts… mais ils sont dans la paix…

Après une légère peine, ils recevront une grande

[récompense, car Die : i les a éprouvés et les a trouvés dignes de

[lui (in, 1-5) Mais les impies auront le châtiment mérité palpeurs pensées perverses… Car qui rejette la sagesse et la correction, est

[voué au malheur : ils seront dans la douleur et leur mémoire périra

[III, 11 ; iv, 19).

Ce sort éternel sera précédé par une espèce de jugement, où les méchants seront confondus et terrorisés, à la présence des justes exaltés et rendus maîtres avec Dieu, qui régnera sur eux à jamais (iv, 20v, 22 ; ni, 7 suiv). On voit combien cette eschatologie se rapproche de l’enseignement chrétien. A ce point de vue, le livre de la Sagesse occupe dans l’Ancien Testament une place à part, la place qui convient à son époque, à la fin de l’Ancien Testament et presque au seuil du Nouveau. On saisit là l’évolution des idées, ou, pour mieux dire, le progrès de la révélation.

2. Sagesse objective. — Par là nous entendons l’ensemble des connaissances qui forment la base rationnelle de la vie pratique. A ce propos, on a rondement qualifié de sceptiques trois des auteurs des Livres sapientiaux : Agur, Job et Qohéleth ; Agur, auteur de la petite collection Prov., xxx, l-14, commence ainsi ses sentences :

Je me mus fatigué pour connaître Dieu, pour connaître Dieu et suis à bout de forces.. Je n’wi pas appris la sagesse, et je ne connais pas la science du Saint… Quel est son nom et quel est le nom de son fils ? Le sais-tu ? (1-4).

Voilà, dit-on, de l’agnosticisme. En réalité, Agur ne nie pas qu’on puisse acquérir quelque connaissance de Dieu, suffisante pour l’accomplissement de nos devoirs envers notre Créateur. Un peu plus bas, dans cette prière pour l’aitrea mediocritas (xxx, 9-9), qui est si bien en harmonie avec la protestation qu’on vient de lire, Agur demande à Dieu :

Ne me donne ni pauvreté ni richesse : accorde-moi le pain qui m’est nécessaire, de peur que, rassasié, je ne te renie, et ne dise ; « Qui est Yuhweh ? » et que, devenu pauvre, je ne dérobe et n’outrage le nom de mon Dieu.

Ce, qui lui a coûté tant d’efforts, sans pouvoir l’atteindre, c’est la pleine connaissance de Dieu, une connaissance au moins pas trop imparfaite. C’est le même sentiment qu’exprimait l’auteur du psaume cxxxix :

Science trop merveilleuse pour moi ;

elle est trop élevée pour que j’y puisse atteindre (6)

Et pourtant, que de choses sublimes nous sait dire de Dieu ce même auteur ! On a pu écrire, que « ce poème… est un des plus riches en enseignements théologiques sur la nature de Dieu » (Fillion, La Sainte Bible commentée).

Il est un chapitre dans le poème de Job (nous l’avons dit), qui, plus que" tout autre, se place dans le courant littéraire des Livres sapientiaux : c’est le ch. xxviii. Il est vrai que ce chapitre, par nombre de critiques, est retranché comme non authentique, comme étranger à la pensée du premier auteur du poème. La question importe peu ici, où il s’agit de tous les écrits sapientiaux dans leur ensemble. Pourtant, pendant que nous en montrerons la vraie portée, nous en dévoilerons en même temps la connexion avec les parties essentielles du poème, et par là-même, son authenticité sera affermie.

L’homme trouve tant de choses en fouillant la nature, nous dit l’auteur ; mais, demande-t-il,

mais la Sagesse, où la trouver : où est. le lieu de l’Intelligence ? (12)

et après en avoir fait un splendide éloge (à comparer Prov., iii, 1 4-i 8 ; Sap., vii, 8-12), il répète la demande :

D’où vient donc la Sagesse ? où est le lieu de l’Intelligence ?

et répond tristement :

Elle est cachée aux yeux de tous les vivants… C’est Dieu qui confiait son chemin, c’est lui qui sait où elle réside (20-22),

et personne hors de Dieu. N’est-ce pas là du scepticisme, à tout le moins de l’agnosticisme bel et bien ? Nullement, si on comprend bien la pensée de l’auteur. Sans doute, il dénie ici à l’homme un certain savoir. Mais lequel ? La connaissance de toute vérité supérieure aux données de l’expérience ? Pas du tout, mais seulement quelque vérité, qui nous échappe. Quelle est elle ? Cela est déjà suffisamment indiqué dans ce qui suit immédiatement :

quand il (Dieu) donnait des lois à la pluie,

qu’il traçait la route aux éclairs delà foudre,

alors il l’a vue, il l’a décrite,

il l’a établie et en a sondé les secrets.

Puis il a dit à l’homme :

La crainte du Seigneur, voilà la sagesse ;

fuir le mal. voilà l’intelligence (26-28).

Dieu, lorsqu’il créait l’univers sensible et donnait