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SAPIENTIAUX (LIVRES)

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queurs fortes » (v, aa). D’ailleurs l’auteur de Prov., i-ix, l’enthousiaste prédicateur de la sagesse (voir ci-dessus i, 3), nous avertit presque dans les mêmes tenues que le prophète :. Ne sois pas sa^e à tes propres yeux » (Prov., iii, ;).

Or cette restriction, si explicite aux endroits cités tout à l’heure, doit être sous-entendue, là où elle n’est pas exprimée. Le contexte l’exige. Ainsi lors(pi’lsaïe menace : « La sagesse des sages périra » ixxix, î’, ), il s’emporte contre ceux qui forment des desseins sans Dieu et contre Dieu ; car il continue :

« Malheur à ceux qui cachent profondément à Yahweh

le secret de leurs desseins » (v. 15) ; et un peu plus bas : « Malheur aux enfants rebelles — oracle de Yahweh. — qui font des projets, niais sans moi ; uni contractant « les alliances, mais sans mon esprit » (xxx. i). Voir toute la section la., xi.iv, a4 — xlv, g, où le prophète exalte le conseil de Dieu en ce qu’il se sert du païen Cyrus pour donner la liberté à son peuple, contre les courtes vues des « prophètes de mensonge » et des sages de même caractère. Pareillement, pour une raison analogue, Jé.r, viii, 7-9 :

« Mon peuple ne connaît pas la loi (hébr. m-chpat : 
« mieux, avec Condamin, « la règle »)de Yahweh.

Comment p<>uvez-vous dire : Nous sommes sages et la loi (hébr. thorali) de Yahweh est avec nous ? Voici que le style mensonger des scribes en a fait un mensonge. Les sages sont confondus, consternés et pris ; voici qu’ils ont rejeté la parole de Yahweh ; et quelle sagesse ont-ils ? » Les sages « confondus » sont ici ces formalistes qui s’en tiennent à une loi écrite sur le papier, s’en contentent, et ne se soucient pas de la religion intérieure de l’âme, ni de la foi à ajouter à la parole de Dieu, annoncée par les prophètes. Ce n’est pas la sagesse, c’est l’abus de la sagesse, si l’on peut dire, qui est ici condamné.

Un peu plus bas, le même prophète écrit : « Que le sage ne se glorifie pas de sa sagesse, que le fort ne se glorifie pas de sa force… Mais que celui qui se glorilie, se glorifie de ceci : d’avoir de l’intelligence et de me connaître » (ix, Il suiv.). Ici. c’est bien de la sagesse dans toute son ampleur, qu’il est défendu de se vanter. Mais c’est là une défense tout à fait relative. D’après le style hébraïque, cette phrase devrait plutôt se traduire : « Qu’il ne se glorifie pas de la sagesse autant que de connaître (= reconnaître) Dieu ». C’est au fond la même pensée, que d’autres sages ont plus simplement exprimée de la sorte : « La crainte de Yahweh (— la religion) est le point capital de la sagesse. » (Prov i t 7 ; tx, 10 ; Psaume exi, 10 : lire les notes de Crampon).

Au demeurant, les prophètes sont si loin de blâmer toute sagesse, que, non seulement ils tiennent la vraie sagesse comme don de Dieu, ainsi que nous l’avons remarqué plus haut, non seulement, d’après eux, le Messie ne répondrait pas à sa mission, à son idéal, s’il n’était pas rempli de l’esprit de sagesse (h., xi, 2) ; mai » chez les prophètes on trouve pour la première fois formulée cette profonde idée, que Dieu lui-m’me est sage (/s., xxi, 2 ; comparer xxviii. 23 — 29) et dans son éminente sagesse créa l’univers (/é>., x, 12 ; 1.1, 15 ; comparer Psaume, civ, ik ; Prov., iii, 19 suiv.). C’est une idée que les écrivains des Livres sapientiaux développeront avec complaisance, et d’où ils tireront les spéculations les plus sublimes qu’ait atteintes la théologie de l’Ancien Testament. Nous le verrons plus tard.

Concluons. Dans les livres historiques et prophétiques, la sagesse nous apparaît toujours comme une vertu intellectuelle, mais pratique, c’est-à dire ordonnée à l’action. Les livres historiques ne nous parlent que de la sagesse humaine ; les prophètes au contraire nous introduisent à la sagesse divine

c’est le double aspect de la sagesse, que nous allons retrouver dans les Livres sapientiaux.

III. — La Saoessb.

La sagesse (liokmah) qui forme, comme nous l’avons dit, le sujet propre aux Livres sapientiaux, esl une conception assez complexe ; 1 ne même idée fondamentale y prend, par analogie, des nuances bien différentes’. Nous ne prétendons pas poursuivre toutes ces nuances et épuiser la matière. Les points de vue intéressant l’apologétique catholique peuvent se ramener à cette triple division : sagesse subjective ou pratique, sagesse objective ou spéculative’, et Sagesse personnifiée. Les deux premières ont trait plutôt à la sagesse humaine, la dernière appartient à la Sagesse divine Pour chaque membre de cette division, nous allons placer dans son vrai jour la doctrine des Livres sapientiaux, alin de la défendre des objections qu’on soulève contre elle, ou d’en faire ressortir la portéepour la révélation chrétienne.

L La sagesse subjective. — La sagesse humaine, en tant que pratique, dans son acception la plus générale pourrait se définir : l’art de bien diriger sa conduite. Son plus humble degré, nous l’avons dit, est le savoir- faire, l’art de se tirer d’affaire en toute occasion pour le mieux. Ce degré infime n’est pas dédaigné par les sages auteurs des Livres sapientiaux ; ils lui donnent même son nom particulier, ’ormali (Crampon : discernement, prudence), et le prologue des Proverbes (1, /|) en place l’enseignement parmi les objets du livre (comparer viii, 5. ia). Son contraire est péli (Crampon : simplicité, ignorance), qui signifie aussi, au concret, l’homme simple (inexpérimenté, mal avisé). De ce genre sont, par exemple, ces couplets :

L’homme prudent voit le mal et se cache ; mais les simples passent.outre et en portent la

| peine

(Prov., xxil, 3 ; xxvii, 12) ;

L’homme simple croit à toute parole, mais l’homme prudent veille sur ses pas

(Prov., XIV, 15) ;

ou encore, avecle titre plus honorifique de sagesse :

La sagesse des femmes bâtit leur maison, mais leur sottise (fait qu’elles) la détruisent de [leurs propres mans.

(Prov., xiv, 1, trad. Ledrain ; comp. xxiv, V h

A un degré plus haut, la sagesse pratique est proprement morale, s’identifie à la « justice, l’équité et la droiture » (Prov., 1, 3), peut s’appeler tout court la vertu. Elle a pour base la crainte de Dieu (Prov.,

I, 7) ; pour instruments la correction (v, ia-a3) ou discipline (vm, 33 ; hebr. musar), et l’instruction (1, 8 ; ni, 1, etc.) ; pour auxiliaires, la réflexion (11,

II, iii, 21), la prudence (11, 3 ; vii, 4) et le conseil (ni, ai ; viii, i/j).

Mais ne serait-elle pas aussi une vertu tout intéressée, n’ayant pour but et pour récompense, que l’assurance d’une longue vie paisible et heureuse dans ce monde ? — On l’a dit ; on a reproché à la morale de nos livres, des Proverbes surtout, d’être utilitaire, emiémonistique. En effet, voilà les motifs, que, par la plume de l’auteur de Piov., i-ix, elle propose pour attirer à la pratique de ses enseignements.

1. Le§ termes de subjective et pratique ne coïncident pas exactement, ni, de même, obfectiveel spéculative ; mois dans notre étude on peut, pour plus de clarté, négliger sans aucun inconvénient les distinctions subtiles.