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SAPIENTIAUX (LIVRES)

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II. — Les ?ages

Un court aperçu sur les sages, lois qu’ils nous sont présentés dans les livres historiques et prophétiques, nous aidera à mieux comprendre ce que c’est que la sagesse juive, et nous donnera occasion de corriger telle fausse exégèse de la critique moderne.

I. Dans les livres historiques, nous rencontrons des individus auxquels on décerne le nom de sages, pour quelque excellente qualité. Le patriarche Joseph donnait ce titre à celui qui, par une habile administration, aurait sauvé l’Egypte de la terrible crise qui l’attendait (Gen., xli, 33), et Pharaon ne trouvait pour ce faire personne plus sage que Joseph lui-même, à cause de sa prévoyance (ib., 3g). Moïse, de même, recherchait des hommes sages pour se décharger sur eux de la lourde tâche du gouvernement (l)eiil., i, 9- 1 1) ; et Josué, désigné comme son successeur, dut être « rempli de sagesse » pour être à la hauteur de sa tâche (Deut., xxxiv, 9). On voit : ce sont des aptitudes à bien gouverner, qui constituent la sagesse ; et c’est en vue de celles-là, surtout pour bien administrer la justice, que Salomon demanda à Dieu la sagesse, qui lui devait donner tant de renom (I /{ois, ni. 6-s8).

Mais ailleurs, ce sont de plus humbles habilités, qui méritent aux gens du peuple le beau titre de sages. Ainsi on nous vante comme « remplis d’esprit de sagesse » soit Beséléel et Ooliab pour avoir su « travailler l’or et l’argent et l’airain, graver les pierres à encliàsser, tailler le bois et exécuter toutes sortes d’ouvrages d’art » (Ex., xxxv, 30-35) ; soit les artisans qui devaient confectionner les vêtements sacrés pour Aaron, le grand prêtre (Ex., ixviii, 3). Non moins que ces pieux Israélites, le Tyrien Hiram, qui fut mandé par Salomon pour construire son fameux temple, « était rempli de sagesse. .., pour faire toutes sortes d’ouvrages d’airain » (I Rois, vii, i^). Même les bonnes femmes

« qui avaient de l’habileté (hébr., sages de cœur) » 

à filer la pourpre, à ûler le poil de chèvre (Ex., xxxv, 25 suiv.), n’étaient pas pour cela même peu douées de sagesse.

D’un genre plus relevé, était la sagesse de cette femme de Thécoa, dont se servit Joab pour pousser le roi David à rappeler de l’exil son fils Absalom(II. Sam., xiv, 2-2^), et decetteautre femme d’Abel Beth-Maacha. qui sut persuader à ses concitoyens de sacrifier le rebelle Siba pour sauver la ville de la fureur de Joab (II Sam., xx, 16-22). Mais c’est toujours une vertu plutôt intellectuelle que morale, c’est du savoir-faire, c’est le plus bas degré de la sagesse.

Une place à part est à faire, parmi les récits historiques, à ce passage, où l’on parle, dans un sens pour ainsi dire technique, <le la sagesse de Salomon (contexte différent de celui qu’on vient de citer) :

« Dieu donna à Salomon de la s gesse une très

grande intelligence et un esprit étendu comme le sable qui est au bord de la mer. La sagesse de Salomon surpassait la sagesse de tous les fils de l’Orient, et toute la sagesse de l’Egypte. Il était plus sage qu’aucun homme ; plus qu’Ethan l’Ezrahite, plus qu’Héman, Chalcol et Dorda, les fils de Mahol, et sa renommée était répandue parmi toutes les nations d’alentour. Il prononça trois mille maximes. .. » (I Rois, v, 912). D’après le contexte, surtout d’après ces derniers mots, on voit qu’il s’agit ici de l’art de savoir composer des mâchais rythmés, des proverbes ou sentences morales en vers (voir plus haut, 1, 3). Dans cet art, qui n’a rien de spécifiquement israélite ou même religieux, excellaient des nations étrangères, Arabes, Egyptiens, peut-être Édomites ; car il est possible que clans Elhan l’Ez rahite il faille voir le descendant de ce Zara, petit-fils (ou arrière petit-lils) d’Esaù, qui donna son nom à une principauté iduméenne (Gen., xxxvi, 13, 17, 33 ; voir ce qui est dit plus haut I, 1 de la sagesse proverbiale des Iduméens). Dans ces trois mille maximes (hébr., mâchai), il faut sans doute reconnaître le stock primitif, dont il ne nous reste qu’une petite partie (environ 500) dans les deux recueils salomoniens des Proverbes. Faut-il reporter à cette faculté poétique de composer des mâchais, ce qui suit presque immédiatement au même endroit :

« Il disserta (hebr., parla, même verbe traduit uiv

peu avant prononça) sur les arbres, depuis le cèdre qui est au Liban jusqu’à l’iiyssope qui sort de. la muraille ; il disserta (même remarque pour l’hébreu) aussi sur les quadrupèdes et sur les oiseaux et sur les poissons (I Hois, v, 13) ? Josèphe le Juif, échu probablement de l’exégèse courante de son temps, le pensa ; car il paraphrase ainsi le verset biblique que nous venons de traduire : « pour chaque genre de plante il dit une parabole (proverbe, mâchai), depuis ï’hyssope jusqu’au cèdre, etc. » Les plus récents exégètes penchent également vers la même interprétation. Elle n’est d’ailleuis pas nécessaire pour établir qu’ici on nous présente la sagesse dans un sens qui tout spécialement se rapporte au genre littéraire propre au Livres sapientiaux.

II. Chez les prcpbètes, on trouve d’abord, honorée du nom de sagesse, l’habileté arlisane, comme dans les livres historiques (ainsi /s, xi-, 20 ; Jér., ix, 16 ; x, 9), ou simplement le savoir-faire (/s., x, 13 ; Jér., iv, 22). Mais plus souvent elle est une qualité morale, une vertu peu banale, puisqu’elle est un don spécial du Très Haut (ls., xi, 2 ; xxxiii, 6 ; Jér., ix, 22 suiv. ; O.s-.. xiii, 12), ou s’identifie à lintelligence d s choses divines (Jér., ix, 11 ; Os., xiv, 10). Par là on comprend qne, tout en reconnaissant aux nations idolâtres, Egyptiens (fs., xix, Il suiv.), Chaldéens (/s., XLvn, io ; /ér., L, 35 ; li, 5,), Iduméens (Jér., xnx, 7 ; Abd., 8), Phéniciens (A ;., xxvii, 8 suiv. ; XX.VIH, 4 = 17 ; Z" « cA, r ix, a), une certaine sagesse, les prophètes, ces envoyés du vrai Dieu condamnent constamment la sagesse des peuples païens.

Mais ne condamneraient ils pas toute sagesse en bloc, même et surtout chez le peuple de Dieu ? On l’a prétendu. A la belle époque des grands prophètes, dit-on, les sages formaient une classe sociale à part, ayant des fonctions et des tendances opposées à celles des prophètes : à ceux ci, la parole de Dieu, c’esi-à-dire la communication direcledes ordres du Très Haut ; aux sages, le conseil, le plus souvent des vues toutes humaines, contraires aux desseins de Dieu (Jrr., xviii, 18, nz., vii, 26). Rien d’étonnant (on conclut), que les prophètes portent leur sévère condamnation sur tous les sages et leur sagesse (ls., v, 21 ; xxix, i£ ; xliv, -2b ; Jér., viii, 9 ; ix, 22). Le jugement des prophètes sonnerait donc bien dil : Jremment de celui des Livres sapientiaux.

En y regardant de près, on peut vile se convaincre, que c’est là une conclusion superficielle, injustifiée. Remarquons d’abord que, dans certains des textes cités, le mot « sage » est limite par un déterminatif, qui en précisela valeur dans un cas spécial. Tel lsaie, v, 21 : « Malheur à ceux qui sont sajjes à leurs propres yeux et intelligents à leur propre sens ». Évidemment ici ce ne sont pas les sages tout court, qu’on blâme, mais les soi-disant sages, ceux qui, se croyant assez sages, ne veulent pas croire à Dieu ni à ses prophètes. Personne ne dirait que le prophète déconsidère t.nite bravoure, parce qu’il continue : « Malheur à ceux qui sont des héros pour boire le viii, et des vaillants pour mêler les li-