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SAPIENTIAUX (LIVRES)

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clésiaste el Ecclésiastique ont des points de contact, qui ont fait penser à la dépendance de l’un par rapport à l’autre ; et généralement on croit que le (ils de Sirach est l’emprunteur.

Hors de là, les deux livres sont bien différents. L’Ecclésiastique est écrit dans le style classique des Proverbes en mâchais rythmiques, et dans une langue assez pure ; mais de nombreux indices trahissent l'époque de décadence ; le lils de Sirach est un archaïsant. Son sujet est aussi varié, ou, pour mieux dire, beaucoup plus varié, que les deux recueils salomoniens des Proverbes, avec lesquels il a la plus grande ressemblance littéraire. Au point de vue de l’auteur, le livre lui même nous place dans une heureuse condition, qu’on peut dire unique dans l’Ancien Testament. Non seulement l’auteur, dans une espèce de signature, avant de clore son ouvrage, nous révèle son nom, ses aïeux, sa patrie (l, 27), mais nous connaissons le traducteur grec da livre ; c’est le petit-fils de l’auteur même, et il a eu soin, dans un prologue mis en tête de sa traduction, de nous renseigner sur l'époque de son travail : il s’y appliquait peu après l’an 132 a. C. Par là et par d’autres indices secondait es, nous pouvons établir avec cerlitude, que son aïeul, Jésus fils de Sirach, écrivait son livre, l’Ecclésiastique, aux environs de l’an 180 av. J.-C.

On était alors en pleine floraison d’hellénisme, à la veille de l’héroïque réaction des Macchabées. Le lils de Sirach (il nous le dit lui-même, xxxiv, 1 1 ; li, 13 ; comparer xxxix, 4) a beaucoup voyagé à l'étranger, et a dû bien connaître la civilisation et la philosophie grecque, répandue alors dans tout l’Orient. Qu’en a-t-il tiré? Nous le verrons plus loin. Ici il nous suffît d’ajouter, que quant à l’auteur, à l’unité, à la composition de l’Ecclésiastique, aucune question ne se pose. D’autant plus grave et compliquée est la question du texte On savait par Saint Jérôme (préface aux livres de Salomon traduits par lui) et par des citations nombreuses chez les auteurs juifs du moyen-àge, que l’Ecclésiaslique avait été écrit en hébreu ; mais de ce texte original on avait depuis des siècles perdu toute trace, lorsque, voici trente ans, environ les deux tiers se retrouvèrent enfouis dans les recoins des synagogues du Vieux Caire ; on peut voir le dénombrement des fragments ainsi recouvrés clans la Bible Polyglotte de Vigouroux, tome V, pp. 4-6 el 886, où l’on trouvera de même (pp. 889-970) une traduction française de ce texte hébreu, par M. Touzard. Mais on voit par la comparaison des diflérents manuscrits entre eux (il nous est parvenu des lambeaux de quatre) et avec les anciennes versions, syriaque et grecque, que le texte original de l’Ecclésiastique a soufTert dans la transmission beaucoup plus que le reste de la Bible hébraïque, révérée par les Juifs comme canonique. C’est pourquoi des savants catholiques, dans leurs traductions et commentaires, préfèrent encore aujourd’hui la version grecque, faite par le petit-fils de l’auteur. Ainsi Crampon dans la Sainte Ilible, et au delà du Rhin, le dernier traducteur de l’Ancien Testament (Rikssler, Mayence, 1924), et le dernier commentateur de l’Ecclésiastique (Eiikrhartkr, Bonn, 192.5). Nous citerons, comme de coutume, d’après Crampon, sauf à recourir, en cas de besoin, au texte hébreu.

6. Sagesse. — Avec le livre, qui porte le titre de la Sagesse 1 par excellence (en grec et chez les Orientaux, Sagesse de Salomon). nous entrons dans un monde nouveau. Quoique la structure de la

1. Les Protestants ('e langue française l’npi e’ient : La Sapience, d’après son no’n latin dans la Vulgale.

période, dans la première partie du livre, imite encore le parallélisme de la poésie hébraïque, la phrase néanmoins est bien grecque, et grecque est la couleur générale du style. Saint Jérôme l’avait déjà remarqué (préface citée tout à l’heure) : « L’autre (la Sagesse, après l’Ecclésiastique), on ne l’a pas en hébreu, et son style même se ressent de l'éloquence grecque ». Les conditions historiques, que suppose ou auxquelles fait allusion le livre, nous reportent en Egypte, surtout à cette métropole cosmopolite de l’hellénisme qu'était Alexandrie, où, vers le temps de Jésus-Christ, florissait la plus grande colonie juive du monde entier.

On distingue assez facilement, dans ce livre charmant, cinq parties à peu près égales. Dans la première (i-v) on est invité à pratiquer la sagesse, qui consiste dans la religion et dans la justice ; et comme motif pour cela, est décrit le bonheur de l’homme juste dans la vie future, dans l'éternité auprès de Dieu. La deuxième (vi-ix) fait un magnifique élogede la sagesse, par son origine, son essence, ses qualités intrinsèques ; l'éloge est mis dans la bouche de Salomon. La troisième (x-xn) exalte le rôle de la sagesse dans l’histoire sainte, depuis Adam jusqu'à Moïse. La quatrième (xm-xv) y oppose les vilaines origines, la fausseté, les coutumes barbares, la dépravation de l’idolâtrie. Enfin la dernière (xvixix)s'étend dans un long parallèle entre les Hébreux et les Egyptiens, à l'époque à jamais mémorable de l’Exode. Ces trois dernières parties (x-xix), par leur style diffus et par 1 interprétation de l’histoire qui leur est propre, se détachent assez nettement des deux premières ; c’est pourquoi beaucoup d’auteurs, comme Crampon, les groupent en une seule, quitte à la subdiviser comme nous venons de le proposer. Et c’est ce même tout (x-xix), qui fut souvent objet de contestation de la part des critiques.

L’oratorien français François Holbigant a élé le premier à prétendre, que le livre de la Sagesse n’est pas d’un seul auteur. Il le divisait en deux parties, dont la première aurait été composée par Salomon en hébreu, la deuxième par un autre écrivain, probablement par celui qui avait traduit la première partie d’hébreu en grec (Houbigant, Prolegomena in Scripturam sacrant, Paris, 1746, II, p. 159-177) 'Après lui, d’autres se sont livrés à ce jeu de dissection. Mais après le commentaire de Grimm (1837), et l’introduction de Welte (1844). qui réfutaient tous ces systèmes, pour tout le XIXe siècle l’unité du livre ne rencontra plus d’opposition. Au siècle présent, depuis K. Lincke en u)o3 et W. Weber en 1904, plusieurs ont repris, en la modifiant, la thèse de la pluralité d’auteurs. Mais ils sont bien loin de convaincre ; que leurs objections sont faibles, en regard des arguments favorables à l’unité 1 Les différentes parties du livre, quoique nettement distinctes les unes des autres, sontreliées entre elles par des liens trop nombreux et trop intimes, pour qu’on puisse les séparer et les dire conçues par des esprits différents. Mais qui pourrait bien être cet unique auteur ? C’est ici qu’il faut d’abord vider la question de Salomon. Quelques auteurs anciens, et même des modernes, n’ont pas manqué d’attribuer au fils de David ce livre à la couleur si franchement grecque. La principale, presque la seule raison, c’est que dans le morceau (vi-ix), où 1 auteur s’adresse au lecteur à la première personne (par ex. « C’est donc à vous, ô rois, que s’adressent mes discours… Mettez donc vos complaisances dans mes paroles… Mais ce qu’est la

1. On peut lire cette dissertation dans Mio.ne, Scriplurae sacræ cursus compléta*, XVI f, 971-980, avec sa réfutation tirée de la Bible de Vence, ib., 351-370.