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SALUT DES INFIDELES

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glante.à la résurrection du Christ. D’ailleurs, il subordonne cette exigence à l’hypothèse d’une propagation universelle de l’Evangile ; et il prévoit aussitôt le cas d’un adulte qui n’aurait pas été touché par cette propagation. Ibnl., ad 3 ni, après avoir cité Job, xix, ">. qu’il entend du Messie, selon la lettre de la Vulgate. après avoir fait appel au témoignage de la Siwylle, arec S. Augustin, C. Faust., XIII, xv, PI.., XM1, il cite encore un récit conservé dans la Chronomraphie de Thkophanb, ad ann. 77/î, /’. G., CVI1I, 017 B : « Au temps de Constantin Auguste et d’Irène sa mère, on découvrit un sépulcre dans lequel reposait un homme ayant sur la poitrine une lame d’or où on lisait : le Christ naîtra d’une Vierge. Je crois en lui. Soleil, au temps d’Irène et de Constantin, tu me reverras. Et il poursuit : « Si des hommes ont été sauvés sans avoir reçu la révélation, ils ne furent pourtant point sauvés sans la foi au Médiateur ; car, à défaut de la foi explicite, ils eurent la foi implicite en la divine Providence, croyant que Dieu est le libérateur des hommes, selon les modes qui lui plaisent, et selon la révélation de la vérité faite à quelques-uns par l’Esprit. »

La critique de saint Thomas est sans doute en défaut : le texte de Job, xix, 20 ne se rapporte pas directement au Christ selon le sens littéral ; les passages messianiques des Oracles sibyllins procèdent d’interpolations chrétiennes ; enGn, la narration de Théophane, touchant une découverte faite au temps de l’empereur Constantin VI (780-797), (ils d’Irène, est loin d’inspirer pleine confiance. Mais sur le terrain de l’intuition théologique, saint Thomas reprend tous ses avantages. Le principe de la foi implicite au Rédempteur, suffisante pour le salut, est un trait de lumière, qui permettra de raccorder la pensée des anciens scolastiques à celle des théologiens modernes, mieux instruits touchant la portée réelle de l’évangélisation.On retrouve d’ailleurs ce principe largement développé, De Ver., q. xiva. Il : Postpeccatiim usr/ue ad tempus gratiae, maiores tenebantur habere (idem de Reæmptore explicite, minores vero implicite, > el in fide Patriarcharum et Prophetarum, vel in divina Providentia ; tempore vero gratiae, omnrs, maiores el minores, de Trinitate el Redemptore tencntur explicitam fidem habere, non tamen omnia eredibilia circa Trinitatem vel Iledemptorem minores explicite credeie tenentur, sed soli maiores. Minores autem tenentur explicite credere générales arliculos, ut [>eum esse trinum, Filium Dei esse inearnatum et mortuum et resurrexisse, et alia huius modi, dequibus Ecclcsia festa facit.

d) La doctrine de saint Thomas régna telle quelle dans l’Ecole, jusqu’au jour où la découverte du Nouveau monde mit à l’ordre du jour la question du salut des infidèles. Parmi les théologiens qui, au xvie siècle, abordèrent franchement la difficulté, il faut nommer au premier rang Dominique Soto, O.P. (-{- 1560), et Andrk Ybga, O.S. F. (f vers 1570), tous deux anciens théologiens du Concile de Trente.

Soto, De natura et gratia, Venetiis, 1 5 4 7, cherche à élaborer une théorie du salut fondée sur une connaissance naturelle de Dieu, L. II, c. xi. p. 13g. Malgré les restrictions et les nuances dont il l’enveloppait, la théorie, vivement combattue, ne tarda point à paraître insoutenable à son auteur. Il la retira dans une nouvelle édition, parue deux ans après la première, Parisiis, lô’pj, p. 1 ?>.

Vbga. Tridentini decrelide iustificatione expositio fl defensio, Venetiis 15’|8, osa revendiquer pour le Nouveau monde les conditions de salut qui suffisaient pour l’Ancien monde avant l’Evangile. L. VI, c. xix, p 6’i. C’était affirmer la suffisance de la croyance implicite au Rédempteur. Il alla même plus loin, et

parut admettre, à titre d’exception sans doute, la possibilité de la justification sans aucun acte de foi explicite, fût-ce en l’existence de Dieu. Ib., c, xx, p. 65.

Soto fut désavoué par le Dominicain Mbi.chior Ca.no, dans une Heler.tiode Sacramentis, habita in Academia Salmanticensi (154 ;), part ii, De necessitate jidei Christiad salutem. Vega fut désavoué par le Franciscain MiguklMrdina, De recta in J)eum fide, IV, ix, p. 1 36 A, Venetiis, 1564. Malgré les justes démentis infligés à ces deux illustres théologiens, la question par eux soulevée demeurait à l’ordre du jour, et l’on marchait vers une solution qui, pour une part, est due à leur initiative.

Cano mêlait, d’ailleurs, à d’utiles revendications des inventions malheureuses. Dans sa Relectie (nous citons l’éd. de Bassano, 1776), il fait d’abord justice de la foi puisée dans la contemplation de la nature : I a Concl., p. 377 B, fin : Erroneum est, atque adeo fors’tan hæretieum asserere quemquam adullnm sine actu fidei per solam naluræ cognitionem iustificari ; nam et sacri Doctores unanimi consens// réclamant et arcanæ litteræ contra pugnant. Ceci est la partie durable de l’ouvrage. Mais plus loin, il s’avise d’une distinction bizarre entre la foi nécessaire pour la justification et la foi nécessaire pour le salut éternel, 3 a Concl., 3, resp. ad i n’, p. 3/Ji B : Nonesse eandem rationem, etiam Evangelio promulgato, de re/nissione peccatorum et aeterna finalique sainte. Non enim omnia quæ adhanc consequendam exiguntur, ad illam altevam sunt necessaria. Il admet que la foi explicite de l’Evangile est requise pour le salut éternel, qu’elle ne l’est pas pour la justification. Ceci est la partie caduque. La tradition catholique tout entière proteste contre cette disjonction entre la grâce et la gloire, et n’exige, pour donner droit à celle-ci, rien d’autre que la possession de celle-là.

Payva db Andraoa, S. I., Orthodoxarum explicalionum libri X, Venetiis 1 564, s’étant montré favorable au salut de quelques païens (L. III, p. 1 16-121), Martin Chkmnitz accusa le jésuite — et le Concile de Trente — de pélagianisme. Examen Concilii Tridentini, I a p., p. 119. Francofurti ad M., 1Ô78. La

« foi implicite » est le « mystère d’iniquité » qui

s’agitait à Trente.

A la fin du xvi* siècle et au cours du xvue, les théologiens optent diversement, au gré de leurs préférences. Suarbz (7 1617) propose une formule de transaction. Il se refuse à croire que la Loi nouvelle ait rétréci la voie du salut ouverte sous le règne de la Loi ancienne ; par ailleurs, il estime que la croyance explicite au Rédempteur est, en principe, nécessaire sous la Loi nouvelle, non pas sans doute in re, mais in voto. Il écarte nettement la disjonction proposée par Cano entre les deux degrés du salut. De Fide, Disp. xii, s. 4 n. 18, éd. Paris, 1858, t. XII, p. 357 A : Dicendum est fidem explicitam Christi, per se loquendo, esse necessariam omnibus et singulis in statu Legis evangelicae, ad utramque salutem. Unde etiam dici potest médium necessarium, quamvis non semper in re, sed vel in re vel in voto. Rii’alda (-J- 1648) essaye d’expliquer la genèse de la foi salvifique en partant du témoignage des créatures et faisant intervenir à point nommé une illumination surnaturelle. Il estime d’ailleurs que tout acte moralement bon présuppose une grâce prévenante surnaturelle. De ente supernatnrali, Disp. xx, s. 1.3, éd. Lugdun., |663, t. I, pp. i")o-156. Ce système de la fides lata est combattu par Lugo (-}- 1660) qui, à l’origine de la justification, même de cette aurora fidei qui provoque la prière, requiert une grâce prévenante, et, avant l’heure de la justification, la foi stricte. Tract, de virtule fidei infusae, Disp. XII, s. i-4, Paris. 1868, t. I, p. 385 sqq.