Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/589

Cette page n’a pas encore été corrigée

1165

SALUT DES INFIDELES

1166

nons du n’Concile d’Orange, ">aij, D. />., i-4-aoo/144169). Si telle est la condition des lidèles, combien plus celle des intidèles, à qui l’on ne saurait, entlièse générale, faire crédit d’une plus grande innocence ? Deux points doivent rester hors de discussion : i° La grâce sanctiliante ne peut être acquise par un adulte, sans un acte de foi ; a° vient-elle à être perdue après le baptême, elle ne peut être récupérée que par la foi et la pénitence.

Digression sur un point de doctrine thomiste. — La difficulté, très grande de toute manière, s’aggrave si l’on admet, avec saint Thomas, que le premier acte posé par un enfant qui s’éveille à la vie morale, consiste à délibérer pratiquement sur sa fin dernière. D’où une double hypothèse : ou bien cet enfant — supposé infidèle — s’attachera à Dieu, et il serajuslifié par un acte d’amour ; ou bien il se détournera de Dieu, auquel cas il péchera mortellement et contractera la malice d’un péché mortel, aggravant la déchéance héréditaire delà nature. D’où encore cette conséquence : lepéché originel ne se rencontre jamais dans l’àme avecleseul péché véniel. Et donc, tous les adultes qui se présentent au baptême, ont déjà été justifiés, ou bien y apportent des péchés mortels, en plus du péché originel. On ne peut nier que telle soit la pensée ferme de saint Thomas ; voir I a II æ q. 8y a. (j ; In II d., 28a. 2 ad a um ; d. / t a, q. 1 a. 5 ad 7 um ; In IV d., 45 q. 1 a. 3ad3""> ; De Verit., q. xxiv a. 12 ad a um ; De Ver., q. xxvm a. 3 ad4 um ; De Malo, q. v a. 2 ad 8 um ; q. vu a. 10 ad 8 » m.

On voit immédiatementle contrecoup de cette doctrine dans la question présente : elle limite le nombre des adultes admissibles aux limbes des enfants, a ceux-là seulement qui n’auront jamais connu cette alternative entre la justification immédiate et le péché mortel immédiat ; c’est-à-dire aux seuls adultes d’âge et non de raison.

Cette doctrine, incontestablement thomiste, s’impose-t-elle à l’assentiment du théologien catholique ? Nous ne le prétendons pas, et les commentateurs les plus exacts du maître s’accordent à dire qu’on ne saurait la prouver par l’Ecriture ni par la Tradition ecclésiastique. Néanmoins, elle est, parce que thomiste, en possession d’une réelle autorité extrinsèque, et sa répercussion dans la question présente nous invite à la considérer.

L’affirmation, posée en termes généraux par saint Thomas, devra paraître suggérée par la raison théologique, dans une hypothèse restreinte : celle d’un enfant pour qui le premier éveil de la responsabilité morale coïncide avec l’instant de la mort. En faisant intervenir l’universelle volonté salvilique de Dieu, on ne trouve pas d’autre issue que le recours à une grâce d’illumination surnaturelle, rendant actuellement possibl » la foi et la justification. Car, d’une part, cet enfant n’a point démérité ; d’autre part, il se trouve mis en face d’une option impérieuse, d’où dépend son éternité. Il reste que Dieu fasse lui-même immédiatement toute la préparation de l’àme. Voir S. Harent, S. I., art. Salut des Infidèles, dans D.I.C. (1923), col. 18<j3.

Dès que l’on quitte cette hypothèse extrême, les objections se présentent, très fortes, à considérer soit la gravité d’une telle option, proposée à tous, soit les conditions requises pour l’une et l’autre alternative. Les documents de foi ne renferment rien d’explicite sur le fait d’une telle mise en demeure, et la conscience humaine est loin d’en rendre clairement témoignage. L’acte de charité justifiante présuppose l’acte de foi, et donc la révélation des vérités nécessaires au salut. Où voit-on que Dieu se soit engagé à fournir cette révélation à tous ceux que n’atteint pas la prédication extérieure ? Et où

voit-on que l’acte de celle raison et de cette volonté qui s’éveille auront toujours la fermeté nécessaire pour l’acte qui justifie ? D’autre part, le péché mortel suppose pleine advertence et plein consentement. Où voit-on que l’attrait du bien créé, l’emportant sur l’attrait de Dieu, ne provoquera jamais une simple velléité, mais toujours une de ces adhésions fermes qui engagent le sort éternel de l’àme ?

En présence de ces objections, l’on ne s’étonnera pas de trouver la tradition hésitante, même dans l’école thomiste.

Capreolus (-j- 1444). argumentant contre Duns Scot, In II d., 40 q. 1 a. 1 concl. a, se prononce iuxta imaginationem S. Thomæ. Cette expression ne renferme aucune épigramme — est-il besoin de le dire, — mais marque ce que que l’opinion du saint docteur présente de hardi, au jugement duprinceps iliomist irum. Le même Capreolus, argumentant contre Durand, In IV d., 16 q. 1 a. 1 concl. 3, déclare

« manifestement fausses » les raisons contraires

de Durand, mais néglige de s’expliquer en détail.

Cajktan (-{- 1534), commentant ex prof es so le texte de saint Thomas, I » II » c, q. 89 a. 6, admet que l’enfant sera justifié par l’amour du « bien honnête », conçu comme il peut l’être par un enfant. Enoncé bien incomplet, qui demande à être expliqué et corrigé par la doctrine du même théologien, revendiquant expressément la foi stricte pour toute justification d’adulte. In II « m ll »  » q. 10 a. 4 Dom. Soro (f 1560) rapporte l’opinion de saint Thomas, sans y donner une adhésion ferme. De natura et gratia, II, xii, p. 92 8-93 A, Lugduni, 1581. Ailleurs, il la déclare « non dénuée de fondement », De iustitia et iure, II, iii, 10. Lui aussi insiste sur la nécessité de la foi.

Mblchior Cano (f 1560), très dur pour qui admettrait la possibilité d’une justification sans la foi stricte, s’exprime ainsi : Deinde illa opinio D. Thomae. .. probabilis quidem est… Deinde argumentum, quo D. Thomas utitur illa opinione suadenda, consentaneum et congruumest, non demonstrativum…

— Relectio de sacramentis in génère, pars 11, éd. Bassani 1776, p. 34a A.

Barth. Médina (f1581) s’attache à dégager la pensée de saint Thomas de commentaires qui la compromettent, et, sous le bénéfice de ses propres explications, la déclare « très probable ».

Bannbz (f 1604) traite la question ex professo, In Ilam H q. 10 a. 1. Il insiste sur le devoir qu’a tout homme de se tourner vers Dieu selon ses lumières, et sur la diversité de ces lumières. A l’enfant qui correspond à la grâce, lors du premier éveil de sa raison, il ose promettre une illumination et une justification immédiate : ceci est pour lui l’objet d’une « ; >ieuse croyance ».

Les maîtres de l’école dominicaine, Jban de saint Thomas, Gonkt, Billuart…, s’écartent généralement assez peu des lignes tracées par les maîtres plus anciens.

De nos jours, tel montre plus de décision à soutenir sans réserve la pensée de saint Thomas. Ainsi le R. P. IIugubny, Rev. Thom., t. XIII, p. G56 (1905).

Hors même de l’école dominicaine, cette pensée rallie des adhésions décidées. Il faut citer avant tout les Carmes de Salamanque, De viliis et peccatis, Disp. xx, De incompossibilitate peccati vemalis cum solo originali ; — puis les Bénédictins, Cardinal o’Aguihre (1 1699). S. Anselmi Thcologia ; Paul Mkzgbr, (f 1702), Theologia scholastica secundum viam et doctrinam D. Thomæ ; — dans la Compagnie de Jésus, le Card. db Lur.o (f 1660), De Incam., Disp. v s. 6, qui tient la thèse pour commune.