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SAINT-OFFICE

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quisiteur Ghislieri, après sa réconciliation avec Morone, et la faveur que lui témoigna le neveu et secrétaire d’Etat de Pie IV, le saint cardinal Charles Borromée. Avec le retour du cardinal Ghislieri, l’Inquisition romaine reprit toute son activité. Elle fut confirmée dans toutes ses attributions par une nouvelle constitution apostolique promulguée parPielV, le il octobre 1562 (hullarium Iiomanum, IV, p. il, pp. 14q-150). Dans cette lettre adressée au cardinal Ghislieri, grand Inquisiteur (summo inquisitori), et aux autres membres de la Congrégation du Sainl-Oilice {cardinalibus super Officio Sanctæ Inquisitionis liæreticæ pravitatis in Aima Urbe et iota Christiana Hepublica deputatis), le pape racontait la création de cette institution par Paul III, son développement sous ses successeurs, et son ferme désir de l’accroître lui-même, pour lui faire rendre d’autant plus de services qu’elle procéderait plus directement de l’autorité apostolique. Il donnait aux inquisiteurs le droit de poursuivre et de condamner non seulement à Rome et en Italie, mais dans le monde entier, en vertu d’une députation permanente du Saint-Siège, les luthériens, zwingliens, calvinistes, anabaptistes, sectateurs publics et cachés de toute hérésie, apostats déclarés et secrets ; la condamnation des évêques, archevêques, primats et cardinaux était réservée au Souverain Pontife. Il leur laissait la nomination et faculté de révocation du procureur liscal et de tous les olïiciers de leur tribunal, ainsi que le droit de requérir l’aide du bras séculier pour l’exécution de leurs sentences et le pouvoir d’absoudre les coupables repentants. Ils pouvaient envoyer des commissaires dans toute la chrétienté en leur déléguant toute l’autorité qu’ils tenaient eux-mêmes du Saint-Siège.

Les dix cardinaux auxquels était adressée cette lettre et qui formaient la Congrégation de l’Inquisition étaient les cardinaux-évêques Carpi, Madruzzo et Truchsesset les cardinaux-prêtres Puteo, Scotti, Rebiba, Reumano, Ghislieri, Dolera et Savelli.

Ainsi réorganisée, l’Inquisition ne tarda pas à reprendre sou » Pie IV l’activité qu’elle avait eue sous Paul IV. Au début de 1563, le pape lui-même attira son attention sur un certain nombre d’évêques et de dignitaires ecclésiastiques de France, qui inclinaient vers le calvinisme et pactisaient avec lui : Jean de Cliaumont, archevêque d’Aix, qui devait plus tard se marier ; Antoine Caracciolo, évêque de Troyes, qui allait indifféremment parler au prêche huguenot oii dans sa cathédrale ; Jean de Montluc, frère du maréchal et évêque de Valence, qui, au colloque de Poissy, s’était vanté, avec le cardinal de Cbàtillon, frère de Coligny, de célébrer la Cène « à la mode de (ienève » ; l’évêque de Chartres, Guillart, et Louis d Albret, évêque de Lescar.qui faisaientprêcher dans leurs cathédrales des moines apostats ; enfin François de Noailles, évêque de Dax, Régin, évêque d’Oloron et Jean de Saint-Gelais, évêque d’Uzès.

Au nom de la Sainte Inquisition romaine et universelle, Ghislieri somma ces huitévéques de se « disculper » dans les six mois, près le Saint-Office, du soupçon d’hérésie, sous menace d’excommunication, de suspense et de privation défont bénéfice : ce qui amena un conflit de l’Inquisition non seulement avec eux, mais aussi avec Catherine de Médicis, régente de France pendant la minorité de Charles IX.

La reine déclara ne pas reconnaître la juridiction de l’Inquisition, contraire « aux franchises et libertés de l’Eglise gallicane ». Ghislieri n’en poursuivit pas moins l’instruction, et le 22 octobre 1563, il demanda au pape en consistoire de prononcer la déposition de Caracciolo, d’Albret et de Montluc, convaincus d’hérésie, et la suspense de trois autres évêques

tant qu’ils n’auraient pas prouvé leur repentir (Uhgbrt. Procès de huit évêques français). Le gouvernement français ayant de nouveau protesté, l’affaire fut arrêtée jusqu’à la mort de l’ie IV. qui se produisit le 9 décembre 1565. Un mois après, le 1 1 janvier 1566, c’était le grand Inquisiteur lui-même qui succédait à Pie IV sous le nom de Pie V. Il remit en vigueur tous les procès inquisitoriaux engagés par lui-même sous son prédécesseur ; c’est ainsi que le 1 1 décembre 156(J il promulgua la sentence qui avait été portée par Pie IV contre les évêques français convaincus d’hérésie calviniste. Deux d’entre eux ne figuraient pas sur la nouvelle sentence, Noailles, évêque de Dax, qui dut sans doute son pardon à sa qualité d’ambassadeur de Charles IX auprès du pape, et Caracciolo qui, sans attendre la condamnation définitive, avait abandonne son évêché (Rosbrot du Mki.in, Antonio Caracciolo, p. 353).

Avec Pie V, c’était en quelque sorte l’Inquisition elle-même qui montait sur la chaire de Saint-Pierre. Le nouveau pape, se considérant toujours comme son chef immédiat, travailla personnellement à son organisation définitive et accentua son activité. Dès son avènement, il lui construisit le palais qu’elle occupe encore de nos jours à côté de Saint-Pierre du Vatican, et l’inscription qu’il fit graver sur sa façade(156y) était tout un programme : Pins V. P. M. Congregationis S. Tnquisitionisdom.um.kanc qua liæreticæ pravitatis sectatores cautius coercerentur a ftindamenlis in augmentum catholicæ raligionis erexil. Tandis que les murs de ce tribunal s’élevaient rapidement, le pape armait les juges de nouveaux pouvoirs. Dans unmo( « /)ro/)nodu21 décembre 1566, il rappelait qu’ayant lui-même exercé longtemps les fonctions de grand Inquisiteur, il connaissait les obstacles qui empêchaient une prom"ple et efficace répression de l’hérésie, et il se déclarait fermement décidé à les supprimer. En conséquence, après avoir confirme la constitution de Paul IV, il révoquait toute mesure contraire à la juridiction et à la procédure inquisitoriale et donnait au Saint-Office romain et universel le soin de reviser lui-même toutes les causes d’hérésie et toutes les sentences prononcées à leur occasion, fussent-elles déjà approuvéespar leSaint-Siège. Le I er avril 156(), il publia une nouvelle constitution qui frappait des peines les plus sévères quiconque mettrait obstacle à l’action des inquisiteurs, pillerait leurs biens et enfoncerait les portes de leurs prisons ; il déclarait hérétiques tous ceux qui intercéderaient pourles coupables de pareilsdélits (Rullaritim Iiomanum, VII, p. 60).

Pie V était persuadé que l’Eglise ne pouvait vaincre l’hérésie menaçante, que par une répression énergique et rapide : « Plus vous usez de douceur envers elle, écrivait-il, le 27 juin 1 566, à Catherine de Médicis, et plus son audace s’accroît. » Aussi, sous son pontificat, les procès se multiplièrent-ils, et avec eux les autodafés, promulguant avec la plus grande solennité des peines variées. Le premier de ce pontificat eut lieu le a3 juin 1.556 à Sainte-Marie de la Minerve à Rome, en présence de 2/ » cardinaux et d’une foule considérable. Sur 14 accusés, sept furent condamnés à la fustigation et aux galères pour faux serments ; quatre hérétiques eurent le même sort, et furent promenés de la Minerve au Capitole, portant des croix rouges sur leurs habits ; un seul fut condamné à mort, décapité, puis brûlé parce que, plusieurs fois relaps, il s’était fait circoncire pour épouser une juive, étant déjà marié ; son hérésie se compliquait de bigamie (Pastor, Geschichte der l’aepsle, VIII, p. 634). Des antodafés semblables se succédèrent deux ou trois l’ois par an. Rares furent les peines capitales, et encore faut-il remarquer que ceux