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SAINT-OFFICE

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« le la Cité, le comte Louis Castelvetro et le prévôt

de la cathédrale Valenlin. Le duc les laissa s’enfuir en Suisse, et le Saint-Oilice romain condamna à mort par contumace Castelvetro. Paul IV rendait responsable de cet état de choses l’ancien évêque de Modène, le cardinal Morone, qu"il soupçonnait de pactiser avec l’hérésie ou tout au moins de la tolérer. Ancien nonce et légat en Allemagne, où tout récemment encore il avait contribué à la conclusion, entre protestants et catholiques, de la paix d’Augsbourg (1555), ancien légat du Saint-Siège au concile deTrente, protecteur de l’ordre nouveau des Jésuites, Morone était l’un des membre les plus considérés du Sacré Collège. Dès son avènement, Paul IV Gt faire une enquête à son sujet, à Modène et en d’autres villes, et brusquement, sans même qu’un procès fût été engagé, il le fit arrêter et emprisonner au château Saint-Ange le 31 mai 155^. Le lendemain, il annonça cette grave mesure aux cardinaux réunis en consistoire, et leur déclara l’avoir prise pour empêcher le diable de placer quelque jour un hérétique sur le siège de Saint Pierre. L’instruction de l’affaire était confiée au cardinal grand Inquisiteur Ghislieri, assisté des cardinaux Rebiba, Reumano et Rosario, et le jugement réservé au Sacré Collège. Le procès se poursuivit jusqu’à la mort de Paul IV ( 18 août 1550J. et pendant deux ans et demi, Morone fut retenu en captivité. (Pastor, op. cit.. VI, pp. 530 et suiv.)

Son successeur sur le siège de Modène, Gilles Foscarari, fut arrêté et poursuivi à son tour. Les charges relevées contre lui furent faibles et après sept mois de captivité, il fut remis en liberté : mais son procès durait encore en 155q.

Jusqu’alors les papes avaient témoigné une grande tolérance aux Juifs de leurs états, et en Espagne et en Portugal ils avaient protégé les chrétiens d’origine juive ou Marraues contre les rigueurs de l’Inquisition. Paul IV inaugura contre eux une politique toute différente ; une bulle du 14 juillet 1555 édicta une série de mesures restrictives de la liberté des Juifs ; à Rome et dans les principales villes des états pontificaux, il les enferma dans des quartiers spéciaux Le 30 avril 1 556, l’Inquisition s’occupa des Marranes, ordonnant de poursuivre comme apostats eux d’enire euxqui, chrétiens seulement extérieurement, gardaient secrètement la fol et les pratiques judaïques. Un haut commissaire envoyé à Ancône, où ils étaient nombreux, en fit brûler 12 selon les uns, ?4 selon les autres, et en envoya 4*3 aux galères.

Enfin, à l’exemple de l’Inquisition espagnole, l’Inquisition romaine organisa FIndex des mauvais livres, qui devaient être détruits etqui faisaient soupçonner d’hérésie quiconque les publiait, les détenait ou les lisait. Ce fut en septembre i.~>5- que le Saint-Office arrêta la première liste ou Index des livres hérétiques qui devaient être brûlés ; on y trouvait toutes les œuvres d’Erasme et des livres qui ne traitaient pas de questions théologiques, mais étaient immoraux, tels que les Facéties de Pogge. La première édition de cet Index, faite par Antoine Bladus, ne fut pas publiée. En février 1558, une commission de cardinaux fut créée au sein de l’Inquisition, pour s’occnp°r spécialement de l’Index, et le 21 décembre 1558, parut un bref pontifical interdisant de lire les livres ainsi condamnés, n’exceptant de cette défense que les inquisiteurs généraux et les cardinaux qui auraient reçu du pape une dispense personnelle ; le 14 avril iSrig, tous les livres hébraïques furent mis à l’Index (Pastoh, op. cit., VI, pp. 510, 5a3).

Après avoir aussi solidement organisé à Rome l’Inquisition et l’Index, Paul IV, assisté du cardinal

Ghislieri, voulut en étendre l’activité sur l’Italie tout entière. A l’occasion du procès de Morone et des hérétiques modénais, il l’imposa aux états du duc de Modène, Hercule d’Esté ; le 31 mars 1556, le gouvernement de Lucques l’accepta et les 4, 15 et a5 juin suivants, l’évéque de cette ville, par commission de Rome, ordonna du haut de la chaire de Saint-Martin à plusieurs hérétiques « d’aller se constituer prisonniers à Rome, sur l’ordre des quatre cardinaux inquisiteurs, sous peine de mort et de confiscation . Le protestantisme ayant fait à Milan des progrés inquiétants, Paul IV ordonna au cardinal Madruce, lieutenant en Lombardie du roi d’Espagne Philippe II, d’y établir l’Inquisition ; ce qui fut fait en 155ç) ; ©Ile avait pour siège le couvent de Saint-Eustorge, puis celui deSainte Marie-des-Grâces, et le premier Inquisiteur général pour le duché de Milan fut le Dominicain Jean-Baptiste de Crémone (Ibid., VI, pp. 5a3-52/|). Nous avons vu plus haut comment, d’un commun accord, l’Espagne et le Saint-Siège établirent l’Inquisition à Naples, malgré la guerre qui opposa Paul IV à Philippe II pendant presque tout son pontificat.

La mort de Paul IV, le 18 août 1550, amena à Rome une violente réaction contre son gouvernement et ses favoris. Le peuple de Rome mit en pièces la statue qui lui avait été érigée sur le Capitele, en jeta la tête dans le Tibre et se porta menaçant devant le couvent dominicain de la Minerve, principal siège de l’ordre qui fournissait à l’Inquisition ses plus actifs auxiliaires. Des manifestations semblables eurent lieu dans plusieurs villes de l’Etat pontifical, et l’un des suspects que Ghislieri surveillait, Carnesecchi, écrivait à la princesse Julie de Gonzague : « Votre Excellence aura entendu que la Sainte Inquisition a subi la même mort que celle qu’elle avait coutume d’infliger aux autres. » (Pm-Lir-rsor

  • , La Contre-Révolution religieuse nu XVIe siècle,

p. 207). Les cardinaux mirent en liberté Morone. pour qu’il pût prendre part avec eux au conclave, et le pape qu’ils choisirent, Pie IV (Médicis), avait fait une opposition discrète à l’ancien pontificat. Sa première mesure fut grave : il disgracia les trois neveux de son prédécesseur, fit exécuter deux d’entre eux, dont un cardinal, sur le pont du château Saint- Ange, et laissa le troisième mourir en prison. Il arrêta au contraire le procès de Morone, auquel il rendit toutes ses dignités et toute son influence, et déclara que rien dans son passé ne légitimait le procès qni lui avait été fait mais, au contraire, qu’il avait toujours servi avec succès la cause catholique (Paixavicini, Isloria del concilio di Trento, XIV, 15-a). Tandis que Morone devenait le conseiller écouté de Pie IV, son juge de la veille, le grand Inquisiteur Ghislieri, était éloigné de la Curie par sa nomination à l’évêché de Mondovi, en Piémont (1560). L’opinion publique prêtait au nouveau pape l’intention de rendre la connaissance des causes d’hérésie aux évoques, et à Rome de limiter l’Inquisition aux questions concernant directement la foi, en lui enlevant toutes celles qui intéresseraient la morale ou la discipline ecclésiastique, telles que la sodomie, la simonie et le blasphème (Pastor, op. cit.. VII, p. 506).

Mais cette réaction fut de courte durée. Devant les progrès que faisait le protestantisme, surtout en France, même dans les rangs du haut clergé, Pie IV fut obligé de revenir aux mesures de défense qu’avaient édictées ses prédécesseurs et que venait d’approuver le Concile de Trente ; et de ces mesures, la plus énergique était l’établissement de l’Inqnisition

« romaine et universelle r>, doublée de l’Index

C’est es qui explique le retour à Rome du grand In-