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SAINT-OFFICE

LU

voulut le soustraire tout à l’ail à l’inlluence du Saint-Siège, pour en l’aire une institution exclusivement monarchique et espagnole. Lorsque le pape Clément XI se plaignit que, sans son consentement, le graml Inquisiteur eût été ainsi destitué brusquement, le gouvernement de Philippe V le trouva fort étrange. C’est ce que rappelait en ces termes, dans ses instructions à l’ambassadeur de France à Madrid, le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, le marquis de Torcy (27 avril 170^) : « Lorsque le Pape se plaignit de la conduite que le Roi d’Espagne avait tenue sans sa participation à l’égard du grand Inquisiteur, cette prétention de la cour de Rome parut nouvelle à Madrid. On prétendit que, quoique le Pape donne des bulles, l’Inquisiteur général ne dépendait en aucune façon de Sa Sainteté et nue le Moi catholique était maître de le destituer. » Ce conflit dura plusieurs années ; et ces instructions de Torcy recommandaient à l’ambassadeur Gramoni de l’apaiser en modérant le régali « me de Philippe V, sans, cependant, le combattre ou paraître le désapprouver. « Il est de l’intérêt du Roi d’Espagne de laisser à ses tribunaux le soin de soutenir ses droits contre les entreprises de cette cour (romaine). Il ne doit interposer son autorité que pour empêcher ses officiers d’aigrir ses différends. Il est de sa prudence de conserver, dans les conjonctures présentes, une bonne union avec le chef de l’Eglise. » (llecueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France en Espagne, tome II, pp. ia41a 5).

Après quatre ans de négociations, l’incident fut clos par la nomiualion par le roi et la confirmation par le pape du nouvel Inquisiteur général, Vidal Marin, évêque de Ceuta (mars 1706). La disgrâce de Mendoza avait été pour l’Inquisition un sérieux avertissement d’avoir à travailler contre le partiautrichien pour la consolidation de l’autorité de Philippe V ; ainsi le comprit Marin. Par un décret du Saint-Ollice, publié en 1707, il obligea, sous peine de péché mortel et d’excommunication réservée, tout Espagnol à dénoncer quiconque prétendrait nul le sermentile fidélité prêté à Philippe V, ettous les confesseurs à signaler les cas de ce genre parvenus à leur connaissance. Cette mesure était tellement exorbitante que son exécution se heurta à l’opinion publique, surtout en Aragon ; les inquisiteurs régionaux n’osèrent pas r&ppliqner : cependant, en juillet 1709, un procès inqui-itorial fut l’ait à un Franciscain de Murcie, accusé d’avoir nié à ses pénitents que le serment de fidélité les engageât à jamais envers le

roi. (I.LORKNTR. IV, p. 30).

Si au contraire le Saint-Olfice essayait de défendre l’Eglise contre des entreprises régaliennes qui devaient s’accentuer de plus en plus an xvui* siècle, gràee aux légistes de la monarchie absolue, le gouvernement royal s’empressait de réprimer ces tentatives.

Philippe V et les conseillers que lui avait donnés Louis XI V avaient apporté en Espagne les t maximes de l’Eglise gallicane », c’est-à-dire cet ensemble de doctrines et de coutumes qui entravaient la juridiction du Saint-Siège, même dans les questions spirituelles, sur l’Eglise de France, en plaçant cette dernière sous l’inlluence de l’Etat ; et ils s’efforcèrent d’aggraver encore la mainmise du pouvoir temporel sur le spirituel, à laquelle avaient déjà tant travaillé Ferdinand et Isabelle, et leurs successeurs d «  la Maison d’Autriche.

En 171.3. le procureur liscal du Conseil deCastille, Macanaz, s’était inspiré du livre que venait de publier pour défendre et renforcer les maximes régaliennes du gallicanisme l’avocat général du Parle ment de Paris, Denis Talon ; et pour accentuer er Espagne l’autorité royale en face de l’Eglise, il avait écrit un Mémoire qu’il avait fait distribuer à tous les membres du Conseil. La plupart en furent scandalisés, et l’un d’eux déféra cet écrit au grand Inquisiteur. Le Saint-Oflice examina le Mémoire, mais n’osant pas s’attaquer à un personnage officiel, bien vu en cour, il se contenta de condamner les ouvrages dont Macanaz s’était inspiré, « comme renfermant des propositions scandaleuses, téméraires, erronées, blasphématoires, injurieuses aux sacrés Conciles, au Saint-Siège et même schismatiques et hérétiques ».

Philippe V punit très durement ceux qui avaient pris part dit ectement ou indirectement à ce jugement. Louis Curiel, auteur d’un violent mémoire contre Macanaz, fut révoqué de ses fonctions de conseiller et relégué à Segura de la Lierra ; un Dominicain, qui avait aidé Curiel, fut exilé ; les inquisiteurs reçurent une sévère réprimande et l’ordre de révoquer immédiatement leur sentence : le cardinal del Giudice, grand Inquisiteur, fut rappelé de Versailles, où Philippe V l’avait envoyé, et confiné à Bayonne.

Louis XIV lui-même crut nécessaire de rappeler à la modération son petit-fils et ceux qui le conseillaient, la princesse des Ursins et Orry, ennemis déclarés de l’Inquisition. « Plus l’autorité de l’Inquisition s’estétendue en Espagne, écrivait-il le 17 septembre 1714. à Philippe V, plus la prudence est nécessaire pour l’attaquer et ce n’est que lorsque les temps sont tranquilles qu’on peut songer à la renfermer dans ses justes bornes. » (Baudrillaut. Philippe V et la Cour de France, t. I, p. 597).

Ce fut en tout temps que les Bourbons « renfermèrent l’Inquisition dans ses justes bornes » ; et à leurs yeux ces justes bornes, c’était le service du pouvoir royal contre tous les perturbateurs, religieux ou politiques, d’accord avec le Saint-Siège, et le cas échéant contre lui.

Philippe V donna cet exemple à ses successeurs en soutenant, à la suite de cet incident, une lutte de plusieurs années contre la papauté. Non content d’avoir relégué à Bayonne le cardinal del Giudice, il exigea sa démission en 1716, malgré les protestations du pape, et il ne revint à des dispositions conciliantes que lorsqu’il passa de l’influence de la princesse des Ursins sous celle, de son confesseur, le P. Daubenton, de sa seconde femme Elisabeth Farnèse et d’Albéroni.

Sous Ferdinand VI, successeur de Philippe V, un nouvel incident montra l’esprit, d’indépendance et de révolte qui animait l’Inquisition espagnole contre le Saint-Siège, quand l’autorité royale semblait en cause. A la suite de polémiques assez vives entre Jésuites et Augustins, le Saint-Office d’Espagne avait inscrit dan* son Index plusieurs livres du cardinal Noris, membre de l’Inquisition romaine, bibliothécaire du Vatican et l’un des membres les plus respectés de la Curie. Par un bref adressé au grand Inquisiteur en 17^8, lepape Benoît XIV s’étonna

« l’une pareille sentence, qui condamnait comme jansénistes

des œuvres trois fois approuvées à Rome ; et il lui ordonna de les retirer de son Index

L’Inquisiteur Perez de Prado n’en lit rien, se contentant d’écrire au pape que sa Majesté était saisie de L’affaire et qu’il répondrait à Sa Sainteté ce que lui ordonnerait son souverain. Ainsi, dans une question d’ordre théologique, le grand Inquisiteur opposait à l’autorité du Saint-Siège celle du Itoi. Benoit XIV ayant annulé, de son autorité suprême, la décision du Saint-Office, le grand Inquisiteur lui écrivit « que l’affaire étant portée devant le roi, il