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SAINT-OFFICE

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mit liu à ce calcul, qui, sous le couvert d’une imputation d’athéisme, était purement politique (Lloiiknth, III, p. 5).

On a voulu expliquer la mort mystérieuse de don Carlos, lils de Philippe II, par une condamnation de l’Inquisition, que le roi aurait sanctionnée. En réalité, ce prince fut jugé par une commission extraordinaire nommée spécialement pour son cas ; et si le grand Inquisiteur Diego Espinosa, cardinal évêque de Siguenza, en lit partie, ce fut en sa qualité de président du Conseil de Castille et conseiller de la Couronne. Au contraire, ce fat bien l’Inquisition qui poursuivit le ministre Antonio Pérez.

Ce personnage avait acquis une grande influence sur Philippe II, en excitant sa jalousie centre son frère naturel, don Juan, le vainqueur de Lépante ; mais à son tour, une intrigue amoureuse en ût le rival du roi, qui, craignant sa puissance, le Ht arrêter. Antonio Pérez réussit à s’évader, et alla se réfugier en Aragon, dans le couvent des Dominicains de Calatayud. Il y était protégé non seulement par la puissante faction qui lui restait fidèle à la cour, mais aussi par le caractère sacré du lieu d’asile qui s’était ouvert devant lui, et encore plus par les franchises de l’Aragon, qu’il invoqua contre l’arbitraire royal.

Désireux d’en Qnir au plus vite avec un ennemi qu’il détestait et redoutait, Philippe II ne crut pas trouver de meilleur moyen de le perdre que de le faire juger par l’Inquisition, ce tribunal étant au-dessus de toutes les juridictions ordinaires et pouvant faire céder devant lui les privilèges de 1 Aragon et imposer aux Dominicains, sous peine de les traiter eux-mêmes d’hérétiques, de lui livrer leur protégé. Le roi dénonça son ancien favori au Suint Oflice comme magicien et fauteur d’hérésie, puisqu’il avait voulu se réfugier en Béarn, terre hérétique, soumise à Jeanne d’Albret. Les griefs étaient peu sérieux et le conseil suprême de l’Inqui>ition ne consentit à ouvrir l’information que sur l’ordre formel du roi. Le grand Inquisiteur, le cardinal Quiroga, était soupçonné d’amitié pour Pérez ; aussi Philippe II lui imposa-t-il le qualificateur qui devait instruire le procès et qui était son propre confesseur, Fray Diego de Chaves ; et pour surveiller les SC’upu les qui pouvaient arrêter ce dernier dans l’œuvre de vengeance dont il devait être l’instrument, ie roi lui adjoignit un de ses hommes à tout faire, Arenillas. Quiroga s’inclina devant cette volonté souveraine, et le procès commença. Menacés d’excommunication, les Dominicains livrèrent Antonio Pérez, qui fut enfermé dans les prisons du Saint-OlTice.

Déjà mécontent do la désinvolture avec laquelle Philippe II traitait ses libertés, l’Aragon se souleva à la nouvelle de l’arrestation d’Antonio Pérez, dans laquelle il voyait un nouvel attentat con tre ses privilèges ; conduits par leurs curés et par les nobles, les paysans s’emparèrent de Sara gosse et mirent Pérez en liberté ; celui-ci demanda aussitôt au peuple l’ouverture d’une instruction contre les inquisiteurs, coupables d’avoir violé les fueros, c’est-à-dire les privilèges de l’Aragon. Une seconde tentative pour s’emparer de la personne de Pérez déchaîna une nouvelle révolte, quatre mois après, le 24 septembre ifxji, el fray Diego déclara que, pour en Qnir, « il fallait faire mourir Antonio Pérez par le moyen qui paraîtrait le plus expéditif ». Le roi envoya toute une armée pour s’emparer de Saragosse, qui se rendit sans combat, mais Antonio Pérez s’était enfui en Béarn, auprès de Catherine de Bourbon, soeur de Henri IV roi de France. Le gouvernement royal, dès qu’il le sut, en profita pour exciter le sentiment religieux et patriotique

des populations. Il fit savoir que Pérez préparai ; , d’accord avec les hérétiques de France, une expédition pour enlever la Navarre à l’Espagne et amener en Aragon, d’accord avec les Mores, une invasion, qui aurait pour premier résultat le massacre de la population catholique. L’opinion ainsi retournée, la répression commença. L’inquisition fit le procès de tous ceux qui avaient favorisé Pérez en fomentant ou en dirigeant les insurrections.

Elle condamna au feu six inculpés, et ^3 autres à diverses peines. Ce fut aux acclamations enthousiastes do fa foule que l’autodafé fut célébré et le bûcher allumé. Le procès de Pérez fut aussitôt repris. Comme l’accusation de magie et de sorcellerie était sans consistance, l’Inquisition chercha à prouver que l’ancien ministre était un Marraue, descendant de Juifs, et peut-être lui-même Juif dissimulé. Enfin, on releva dans ses conversations passées des propos qui sentaient l’hérésie et marquaient une sympathie pour les hérétiques, en particulier pour Henri, roi de Navarre et le duc de Vendôme ; et le 7 septembre 1592, le Saint-Olfice condamna Antonio Pérez à être brûlé en elliyie, par contumace, comme

« hérétique formel, huguenot convaincu et impénitent

obstiné ». Ses biens étaient confisqués et s. s enfants et petits-enfants voués, comme lui, à l’infamie. Pérez mourut en France ; après sa mort, ses fils obtinrent de l’Inquisition l’annulation du procès imposé aux juges de 15y2 par l’autorité royale, et la réhabilitation de leur père (7 avril 1615). C tte réhabilitation, comme les divers incidents du procès, montrent bien que la cause de Pérez avait été uniquement politique et n’avait été jugée par l’Inquisition que pour des raisons d’opportunité gouvernementale. (Fornrron, Histoire de Philippe ft t. III, chap. 11. tome IV, chap. Il ; Llouentb, t. III, chap. xxxv.)

§ VI. Déclin et suppression de l’Inquisition espagnole. — Quoique l’Inquisition n’existât pas en France, la dynastie des Bourbons se garda bien de la supprimer en Espagne lorsque, avec Philippe V, elle prit dans ce pays, la succession de la Maison d’Autriche. On savait en France quel excellent instrument de règne était pour la monarchie ce redoutable tribunal. Dans son testament (article 8), Charles II avait fait un devoir à son successeur de maintenir le Saint-Olfice ; Louis XIV s’accorda avec le feu roi pour donner le même conseil au nouveau roi son petit-fils. Les instructions rédigées en son nom par M. de Beauvillier recommandaient à Philippe V de respecter profondément une institution si révérée en Espagne et de se contenter d’en tempérer et surveiller les actes (Hii’pea.0, H, p. 5ai) ; il la lui présentait comme fort utile « pour maintenir lu tranquillité de son royaume » (Llorkntk, IV, p. 29).

A vrai dire, dès son avènement, Philippe V avait exilé à Scville le cardinal Mendoza, grand Inquisiteur ; mais c’était uniquement parce qu’il devait cette haute fonction à la faveur de la veuve de Charles II, la reine douairière Marie-Anne de Neubonrg, qui avait été toujours à la tête du parti autrichien contre le parti français. Cette disgrâce était la conséquence naturelle du succès définitif de ce der nier par l’accession au trône de Philippe V ; et elle est une nouvelle preuve du caractère essentiellement politique de l’Inquisition. (Saint-Simon, La cour d’Espagne à l’avènement de Philippe V. OF.uvrei, VIII, p. 531).

Ce qui proureque le nouveau roi voulait conserver l’Inquisition parce qu’il voyait en elle un puis sant moyen de consolider son pouvoir, c’est qu’il