Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/561

Cette page n’a pas encore été corrigée

109

SAINT-OFFICE

1110

lii des ennemis mortels des grands prélats espagnols qui ne résidaient pas, et en particulier de Fernand de Valdès, qui était à la fois archevêque de Sévi lie et grand Inquisiteur. En 1538, ils déférèrent au Saint-Office ses Comenturios sobre el ismo cri.stian<> qu’il venait de publier en les dédiant au roi Philippe II. Ce livre fut examiné par deux théologiens renommés, dominicains comme Carrauza, Melchior Cano et Dominique de Soto.qui censurèrent dans ces Commentaires, lèpre-’mier i.’t i propositions, le second 91, comme entachées de protestantisme. En même temps, l’Inquisition et le roi d’Espagne écrivirent de longues lettres au pape Paul IV, lui signalant les progrès considérables que faisait le protestantisme en Espagne et lui demandant de les autoriser à prendre des mesures exceptionnelles contre tous les prélats qui inclineraient vers l’hérésie. Effrayé par le tableau qui lui était ainsi fait de l’Espagne, Paul IV donna cette permission, le 26 juin 1550 ; et le 22 août suivant, le primat fut arrêté à Torrelaguna et emprisonne à Valladolid.

Il ne tarda pas d’ailleurs à être vengé de ceux qui avaient donné matière à son procès ; les deux religieux qui l’avaient censuré, Melchior Cano, évéque des Canaries, et Dominique de Soto furent poursuivis en même temps que lui par l’Inquisition ri le second allait être emprisonné quand il mourut. Plusieurs prélats, Guerrero, archevêque de Grenade, les évêquesde Malaga, de Jæn, de Léon, d’Almeria, se déclarèrent pourCarranza et approuvèrent ses Commentaires ; à leur tour, ils furent poursuivis. Pour corser encore le procès, le grand Inquisiteur fit examiner tous les manuscrits de Carranza que l’on put trouver, et même interrogea des témoins sur ses paroles. L’enquête dura longtemps : on en trouvera l’histoire, avec le résumé des dépositions, dans Llorexte (tome III, chapitres 32, 33 et 3J). La procédure durait toujours, lorsque le Concile de Trente reprit ses sessions. Se rappelant le grand rôle qu’y avait joué le primat de Tolède comme évoque et auparavant comme consulteur, les Pères résolurent d’arracher l’archevêque de Tolède à l’Inquisition espagnole.

Philippe II voulut prévenir leurs démarches. Le concile ayant annoncé l’intention d’établir un index général des livres défendus dans l’Eglise universelle, le roi d’Espagne lui lit savoir par son ambassadeur Fernandes de Quiùones, comte de Luna, « qu’il ne pouvait permettre que cette mesure s’étendit jusqu’à l’Espagne, qui avait un index et des règlements particuliers ». Le roi ajoutaitque « quelques personnes (évidemment le grand Inquisiteur Valdès) soupçonnaient que le projet cachait des vues particulières en faveur de Carranza : ce qui l’avait déjà engagé à charger son ambassadeur ordinaire à Rome et le marquis de Pescara d’employer leurs efforts auprès du pape pour déjouer de pareils desseins, autant qu’on pourrait le faire avec prudence ». (Llorbntb, 111, p. 266).

Le Concile ne se laissa pas décourager par cette lin de non-recevoir préventive, et après plusieurs démarches auprès des légats présidents de ses sessions, il demanda au pape Pie IV, pour l’honneur de l’épiscopat, d’arracher Carranza aux prisons du Saint-Office espagnol et de le faire venir à Rome pour y être jugé ; ce que (it le pape par des lettres adressées à Philippe II et communiquées, avant leur expédition, au Concile. Le 10 août 1562, le roi d’Espagne envoya au pape une énergique protestation contre l’intervention du Concile, déclarant qu’il it pas à s’occuper des affaires particulières de Espagne. Il ajoutait qu’il ne publierait pis les brefs

que le jtape venait de lui adresser et qu’il ordonnerait la continuation du procès devant le Saint-Oflice d’Espagne. Pie IV n’osa pas aller jusqu’à une rupture et laissa la procédure se poursuivre en Espagne, mais, pour rassurer le Concile, il lui lit savoir que, lorsqu’elle serait terminée, il l’examinerait à son tour en faisant venir Carranza à Rome.

Le Concile résolut alors d’examiner lui-même les livres du primat de Tolède ; les commissaires désignés par lui reconnurent parfaitement catholique la doctrine des Commentaires ; la Congrégation conciliaire de [’Index l’approuva, et décida que cette approbation serait notifiée à Carranza pour sa défense. Elle notifia cette démarche à saint Charles Borromée, archevêque de Milan et secrétaire d’Etat de son oncle le pape Pie IV. A la suite de ces démarches, les Commentaires de Carranza furent publiés à Rome avec l’autorisation du pape ; et des scènes fort graves éclatèrent au sein du Concile entre les représentants de l’Espagne et la grande majorité des Pères.

Lorsque le Saint-Office eut terminé, en 1564, son information, l’affaire devait être évoquée à Rome, d’après la promesse faite par le pape au Concile ; mais Philippe II s’y opposa, et toujours conciliant, Pie IV décida, dans le consistoire du 13 juillet 1 565, d’envoyer en Espagne une commission pour y examiner l’enquête ; il la composa de personnages de marque qui, dans la suite, devinrent tous papes : le cardinal Buoncompagni (Grégoire XIII), l’archevêque de Rossano Castagna (Urbain VU), l’audileurde Rote Hippolyte Aldobrandini (Clément VIII), le procureur général des FF. Mineurs Félix Perelti (Sixte-Quint).

Philippe II reçut avec honneur la commission, mais quand elle voulut commencer ses travaux, il exigea qu’elle s’adjoignît les commissaires du Saint-Ollice espagnol, ce que refusa le légat Buoncompagni ; et les envoyés pontificaux ne purent pas exécuter leur mandat. Le pape Pie V, qui fut élu le 17 janvier 1 566, avait un caractère bien plus énergique que Pie IV ; pour en finir avec cette affaire et ce conflit, qui traînaient depuis plusieurs années, il prit deux décisions qu’il appuya d’une menace d’excommunication contre Philippe II et d’une sentence d’interdit contre toute l’Espagne : le grand Inquisiteur d’Espagne, Valdès, fut révoqué de ses fonctions, et ordre fut donné au roi de faire partir pour Rome Carranza avec toutes les pièces du procès.

Le primat arriva à Rome le 28 mai 1567 et y reçut le traitement le plus honorable ; mais son procès, qui y fut recommencé, se prolongea encore neuf ans, à cause des difficultés de toutes sortes que soulevaient, à tout instant, le procureur de l’Inquisition espagnole et Philippe II. En 1671, Pie V avait préparé une sentence définitive, acquittant l’inculpé des accusations portées par le Saint-Office contre sa personne. Quant à ses livres, elle ordonnait des corrections aux. Commentaires du Catéchisme, expliquant dan » un sens catholique les propositions censurées et le prohibant tant qu’elles ne seraient pas faites ; il en était de même des autres ouvrages de Carranza.

Philippe II ne voulut pas admettre cette sentence qu’on lui avait communiquée avant delà publier, et il lit écrire contre l’archevêque de Tolède de nouveaux livres qu’il envoya au pape. Comme Pie V venait de niourir.ils furent reçus par son successeur Grégoire XIII (Buoncompagni), celui-là même qui, étant cardinal, avait présidé la Commission envoyée par Pie IV en Espagne. Le procès fut rouvert et finalement, le 1 4 avril 1 Srçô, intervint la sentence qui terminait un procès commencé 18 ans auparavant par le Saint Office et repris à Rome depuis neuf ans. Car-