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ment convertis, s’étaient élevés jusqu’au sacerdoce ou voulaient donner aux chrétiens un gage de leur zèle de néophytes en leur livrant leurs anciens frères, faussement convertis. Pour ces différentes raisons, les Marranes finirent par former entre eux une sorte de maçonnerie, qui les rendit plus impopulaires et plus suspects qui les Juifs fidèles ; et de même qu’après la défaite des Albigeois on avait institué des recherches, des « inquisitions » pour reconnaître ceux d’entre eux qui recouvraient leur infidélité d’un masque d’orthodoxie, au xv’siècle, en Espagne, on organisa une Inquisition pour rechercher les Marranes.

Ce fut l’une des origines de l’Inquisition espagnole ; en voici une autre.

Les relations des chrétiens d’Espagne avec les Arabes ressemblèrent à celles qu’ils entretinrent avec les Juifs ; elles ne furent pas uniquement hostiles, comme une vue sommaire des choses pourrait le faire croire. Le conlact permanent des deux races et des deux religions, pendant sept siècles, détermina entre elles des rapports diplomatiques, des échanges de marchandises, et même des mariages. On vit des princesses chrétiennes épouser de » princes musulmans, et au xve siècle une famille chrétienne qui ne comptait pas parmi ses ancêtres quelque sectateur de Mahomet était une rareté.

Lorsque les Arabes s’étaient emparés de la péninsule, au vin 1 siècle, leur intérêt leur avait fait respecter certaines libertés des chrétiens soumis par eux, etqui, enface de leurs vainqueurs, constituaient la masse de la population cultivant le sol. Le culte catholique continua à se célébrer dans l’empire des Kalifes ; en 782 et 85a, des conciles se tinrent dans les ville* arabes de Séville et de Cordoue ; ce fut alors que ces chrétiens soumis à la domination arabe et appelés Mozarabes précisèrent ce rite particulier qui porte leur nom et est encore en usage à Tolède.

Les rois chrétiens ne se conduisirent pas autrement a l’égard des populations musulmanes qui continuèrent à vivre dans les pays reconquis par eux sur l’Islam Désireux de les conserver pour maintenir la fécondité des campagnes qu’elles cultivaient et la prospérité des industries qu’elles avaient portées à un haut degré de perfection, ils leur garantissaient le respect de leurs coutumes et de leur religion. Ainsi des musulmans en grand nombre vivaient sous le sceptre des rois chrétiens dans les ville* reconquises de Valence, de Tolède, de Séville, même quand la guerre reprenait entre la Croix et le Croissant. Parfois, il est vrai, quelque effervescencede patriotisme ou de fanatismechrélien forçait les VIores à se réfugier chez leurs coreligionnaires ; mais le plus souvent ils s’enfonçaient plus avant dans les pays chrétiens, jusqu’à Barcelone ei aux Pyrénées.

Aussi les rois de Castille et d’Aragon furent-ils obligés de fixer dans leurs lois et leurs codes la condition politique et religieuse des Arabes de leurs états ; et cette condition ressemblait à celle des Juifs. D’après ! < code de Valence, « tout individu, de quelque religion qu’il fut, régnicole ou étranger, pouvait eo « nuvrc-r librement, être hébergé pa tout et cho’S r le lieu lesarésidence… Les Mores ne.levaient être ni forcés ni empêchés de se convenir au Christian’sine. » 1 D8 Circourt, Histoire fins More* Mudejare % et des Mtrisques, t. I, pp. 25 1 et suiv.) Ils avaient des mosquées, où ils célébraient librement leur eu’te, et même des tribunaux à eux, où des juges de leur race et de leur religion réglaient leurs différends d’après le Coran. « Leurs propriétés étaient garanties sous peine de restitution du

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double ; aux foires, ils jouissaient des mêmes sûretés que les chrétiens. En Aragon, le roi les avait sous sa spéciale protection, et ils n’étaient justiciables que de son bailli. » (Circourt, op. cit., 1. 1, p. 257).

Plus les royaumes chrétiens gagnèrent de terrain sur les royaumes arabes nés de la décomposition du Kalifat de Cordoue, et plus l’élément more prit de l’importance au milieu des populations chrétiennes. Gardant leur religion, leurs coutumes et leurs tribunaux, les Arabes ne s’assimilaient pas à la race chrétienne au milieu de laquelle ils vivaient. Maîtres d’une grande partie de l’industrie, restant en possession des avantages économiques qu’ils avaient eus avant la conquête catalane, aragonaise et castillane et les augmentant encore par le commerce avec leurs coreligionnaires du sud de la Péninsule, de l’Afrique et du bassin de la Méditerranée, ils avaient une influence sans cesse grandissante, qui constituait un danger de plus en plus grave pour les chrétiens.

On le vit bien au milieu du ira* siècle. En ia48 et en n54 » des soulèvements arabes se produisirent dans le royaume de Valence uni à celui d’Aragon, et de là, gagnèrent la Castille avec l’appui des émirs du Sud et du Maroc ; ils se renouvelèrent en 1277. Leur répression eut pour effet l’émigration en terre musulmane d’une grande partie de la population morisque et de sa richesse industrielle, au plus grand profit du royaume islamique de Grenade qui gagnait, avec de nouveaux sujets, un apport économique considérable.

Pour prévenir de nouvelles révoltes, les rois de Castille et d’Aragon commencèrent par garantir, une fois de plus, la liberté de conscience et de culte à leurs sujets musulmans et par les protéger contre toute vexation individuelle.

Mais, aussitôt après, ils prirent une série de mesures pour contenir en de certaines limites leur influence politique et sociale ; édictées en 1282, au lendemain même des révoltes et de leur répression, lies furent renouvelées au xive et au xve siècle. En 1284. Pierre III d’Aragon interdit aux Mores comme aux Juifs tout emploi dans la judicature, la police et les finances ; la même mesure était prise en Castille par Alphonse XI (1348) et renouvelée par Henri II en 1368, Jean I en 1388, et Jean II en 1 408. La même année, Jean II enleva aux Mores leurs tribunaux particuliers, mais en stipulant qu’ils seraient jugés d’après leur droit séculaire, par les alcades chrétiens.

Comme, par le commerce, il leur était facile d’exercer l’usure et de s’asservir ainsi les chrétiens, les législations de Castille, d’Aragon et de Valence prirent des mesures de préservation contre leur action économique.

Pour se soustraire à ces mesures d’exception et à la surveillance dont ils étaient l’objet, les Mores ne trouvèrent pas de meilleur moyen que de se faire chrétiens ; ils acquéraient ainsi tous les droits des chrétiens de race, sauf celui de parvenir à l’épiscopat ; encore cette dernière interdiction, portée par le code castillan des Siete partidas, fut-elle parfois vi ilée, puisque l’on cite, au xv* siècle, plusieurs évêques espagnols qui étaient des convertis.

Ces conversions intéressées ne trompèrent pas l’opinion. Le peuple chrétien détestait le « musulmans convertis, les morisqnes, beaucoup plus que ceux qui restaient ostensiblement fidèles à Mahomet ; le gouvernement dut les protéger Jean I de Castille défendait, en 1380, d’insulter les néo-chrétiens en les appelant mtirranos (ooehons) ou tornadizos, sous peine d’une amende de300 maravédis ou de quinze jours de prison. Mais les gouvernements

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