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SACREMENT

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la pratique de l’Église, qu’extraire de cette pratique les explications dogmatiques qui y étaient comprises (Cf. Contra Epist. Parmen.AX, 29 ; Epist., clxxii, 13 ; c.lxxxv, a3 etc.).

De même, lorsque S. Augustin expose la doctrine du caractère de l’ordination, il n’a pas d’autre prétention que celle de justifier l’usage traditionnel de la non-réitération du sacrement de l’ordre (Cf. Contra Epist. Parme ::., II, tS, 2g ; Dehapt. contr. Donat., I, 9 ; Sermo ad Cnesar. eccl. pleb., 2, etc.).

Ajoutons que les nombreuses réitérations soit du baptême des hérétiques, soit des ordinations faites par les hérétiques dans la période patristique, et par les simoniaques aux xi* et xue siècles, ne vont pas contre la doctrine du caractère. Car, l’histoire l’atteste, si le baptême et l’ordination — il faut en dire autant de la confirmation — étaient réitérés, c’est parce qu’on les croyait invalides, et quand on les croyait valides on ne les réitérait pas. Les cas de rebaptisation et de réordination intéressent beaucoup plus la doctrine de l’efficacité que celle du caractère. Voir, ( i-dessus, art. Ordination, col. 11D81162.

V. Le nombre des sacrements. — La doctrine du septénaire sacramentel a été inventée, au xii’siècle, par Pierre Lombard. Celui-ci l’a proposée comme une théorie qui lui était particulière, et l’Eglise entière ne tarda pas à l’adopter (A Harnack, Dogmengeschichie, t. III’p. 54 r >).

Rép. — La liste exacte et définitive des sacrements se trouve, en effet, pour la première fois, au xu* siècle, dans le IVe livre des Sentences de P. Lombard et quelques écrits contemporains. On n’a pas le droit d’en conclure que le dogme du nombre des sacrements a été purement et simplement inventé par le Maître des Sentences. Le dogme est composé de deux éléments : les réalités surnaturelles et l’expression intellectuelle de ces réalités. Le premier élément est aussi ancien que le christianisme, l’autre ne remonte pas nécessairement aux origines ; il est parfois de date récente et il a pour auteur un écrivain ecclésiastique. Celui qui trouve la formule dogmatique ne peut, sans exagération manifeste, être considéré comme le créateur du dogme, puisqu’il ne fait qu’exprimer, plus clairement que ses devanciers, des réalités anciennes. — V. J. De Ghbllinck, f.e mo’^ement théologique du xn c siècle, Paris, 1 91 4.

Ces considérations montrentcomment P. Lombard n’est pas le créateur du septénaire sacramentel. Les sept sacrements viennent du Christ, l’Église les possède dès l’origine. Mais le discernement exact et le classement synthétique des réalités sacramentelles apparaissent tardivement dans l’histoire. Car, pour compter les rites sacramentels, il fallait avoir une définition exacte et complète dusacrement, et celle-ci n’a été formulée qu’au xn c siècle. P. Lombard a trouvé l’expression dogmatique, mais il n’a rien changé auxréalitéssacramentellesexistantes. — Ce qui prouve péremptoirement que le dogme du nombre septénaire est une expression très fidèle des réalités sacramentelles léguées par le Christ à la religion chrétienne, c’est l’accord qui se fit, à son sujet, entre les deux Eglises grecque et latine. Grecs et Latins possédaient tous les sacrements. Quand il fut question de les compter, au concile de Florence, le nombre sept fut accepté sans difficulté. L’aceord s’est opéré entre les deux Eglises sans heurt, car il n’a consisté, départ et d’autre, qu’à adapter la théorie théologique à la pratique sacramentelle séculaire.

VI. L’institution divine des sacrements. — Au sujet de l’origine des sacrements, le protestantisme

libéral affirme : i" que les rites chrétiens sont des institutions opposées à la vraie conception de la religion ; 2 qu’ils n’ont pas le Christ pour auteur, Jésus ayant prêché la religion de l’esprit, le culte purement spirituel ; 3° enfin, qu’ils ont été empruntés par l’Église au paganisme. Examinons successivement ces assertions tendancieuses.

1 » — D’après la plupart des protestants libéraux et des rationalistes, la religion ne comprend pas deux éléments, un élément subjectif (culte intérieur), qui consiste dans les dispositions intimes de l’âme à l’égard de Dieu, et un élément objectif (culte extérieur), constitué par la soumission à une autorité doctrinale et par les pratiques cultuelles. Les libéraux rejettent totalement cet élément objectif. La religion, pour eux, consiste exclusivement dans le sentiment religieux. Elle est chose essentiellement subjective et individuelle. Tout ce qui est extérieur à l’âme, comme le dogme, qui esl imposé du dehors par une autorité, et les sacrements, doit être rejeté. En un mot, la vraie religion est celle qui ne connaît d’autre culte que « le culte en esprit et en vérité » (Cf. A.Sabatier, Esquisse d’une philosophie de la religion, p. III 4, p. 3-63).

Rép. — Cette conception de la religion dérive du subjectivisme kantien. Kant ayant ruiné les fondements intellectuels de la foi, il ne fut plus possible aux esprits imbus de sa philosophie de garder aucune croyance dogmatique. Force leur fut donc, s’ils ne voulaient pas être athées, de placer l’essentiel de la religion dans le sentiment religieux, qui est un fait et qu’aucune critique ne saurait détruire. Aussi Schlbibrmacher définit-il la religion : le sens intime du contact avec Dieu (Cf. Georges Goyau, L’Allemagne religieuse, I. Le protestantisme, p. 98) et A. Sabatier : le sentiment de la dépendance de notre moi à l’égard de la puissance mystérieuse qui fait évoluer l’univers (op. cit., p. 19-20). L’origine toute première de cette théorie de la religion doit être cherchée dans le principe même de la Réforme. La doctrine luthérienne de l’inspiration privée, qui exclut l’autorité de l’Eglise, et de la justification par la foi seule, devait aboutir inévitablement à l’idée toute subjective et toute individualiste d’une religion sans dogme et sans culte.

Aussi bien n’est-ce pas une réfutation complète des doctrines de la religion de l’esprit, que l’on veut faire ici. Le but de cet article exige simplement que l’on indique les principes par lesquels on peut démontrer la nécessité d’un culte extérieur, de rites sacrés, dans toute religion. Les voici :

a) Le témoignage de l’histoire des religions. — Dans toutes les religions connues, anciennes ou actuelles, l’histoire l’atteste, on constate l’existence de rites sacrés, par lesquels les hommes ont cru communiquer avec la divinité (Cf. db Brooub, Problèmes et conclusions de l’histoire des religions. — 3" édit., Paris, 1897 ; Pinard delà Boullayb, /.’étude comparée des Religions, 2 vol., Paris 1923- iQ25).Or un fait si universel ne peut s’expliquer d’une manière satisfaisante qu’en reconnaissant qu’il dérive d’un besoin de la nature humaine. L’homme, être à la fois spirituel et corporel, ne peut communiquer avec autrui qu’à l’aidede signes. Tout naturellement, lorqu’il veut communiquer avec Dieu, il se sert de rites. La religion chrétienne, qui possède des sacrements, est donc en harmonie avec l’histoire des religions et arec la nature de l’homme, avantage que n’a pas la prétendue religion de l’esprit. — Et qu’en ne dise pas que l’évolution de l’humanité conduira celle-ci à un stade de civilisation tel que tout culte extérieurdeviendra inutile, et que les partisans de la religion spirituelle sont déjà arrivés à ce degré