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SACREMENT

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dogmatique ; elle est le produit pur et simple d’une systématisation philosophique.

Rép. — L’élaboration complète du concept de sacrement a été une œuvre de longue haleine, puisqu’on ne la trouve terminée qu’au xii° siècle. Il est très vrai aussi que les écrivains ecclésiastiques se sont inspirés delà philosophie pour créer la formule de définition. Mais cette formule n’est pas pour cela dépourvue de valeur dogmatique. Elle est une expression exacte de la réalité sacramentelle. De tout temps, en effet, le symbolisme des rites chrétiens a été entrevu. S. Paul a considéré l’ablution baptismale comme le symbole de la mort et de la résurrection dans le Christ (Hom., vi, 4-)- H a vii, dans le pain eucharistique, le symbole de 1 unité de l’Eglise, corps mystique du Sauveur (I i o.. x, 17). et, dans le mariage, l’image symbolique de l’union de Jésus avec son Eglise (Ephes., v, 22-a3). Ce symbolisme des rites chétiens se présentait d’ailleurs tout naturellement à l’esprit. De tout temps aussi, l’enseignement de l’Eglise a présenté le rite sanctiQcateur comme le symbole des e.Tets qu’il produisait réellement. Le concept philosophique de signe a servi à préciser le symbolisme traditionnel, il ne l’a pas créé. L’idée de cause, d’eflicacité, a été. de même employée pour analyser la valeur sanctificatrice que, dès l’origine, les chrétiens ontattrilméeàleurs rites. L’introduction de cette idée dans la déûnition n’a pas créé la doctrine de l’efficacité sacramentelle — celle-ci a existéde tout temps — ; mais elle a permis d’exprimer, parune formule brève et concise, toute la vertu religieuse du sacrement Si la définition du sacrement est le produit d une systématisation philosophique, elle n’est donc pas cependant sans valeur dogmatique, puisqu elleexprime des réalités aussi anciennes rjie le christianisme, en s’appuyant sur l’analyse exacte de ces réalités.

II. La composition du rite sacramentel. — La théorie aristotélicienne de la matière et de la forme, l’histoire l’atteste, a été introduite dans la théologie au xnr siècle. Depuis lors, le sacrement a été considéré par les théologienset par l’Eglise(Z>écre< trméniens et Concile de Trente, Sess. xiv, cap. 2, 3, can. /|)commeessentiellement composé de matière et de forme. Cette conception philosophique du sacrement a même profondément modifié l’idée que l’on se faisait, avant le xnie siècle, des éléments constitutifs du rile sacramentel. Nous sommes bien en présence, ici, delà consécration, faite par l’Eglise, d’une théorie philosophique érigée en dogme de foi.

Hé p. — Remarquons, tout d’abord, que l’Eglise n’a jauiaisdéfinique le rite sacramentel se composât de mitière et de forme. Le Décret aux Arméniens l’affirme, il est vrai, mais cette instruction donnée à une Eglise orientale ne présente pas les caractères lommenl ex cathedra. Le conciledeïrente, bien qu’il se soit conformé à l’usage des écoles, en usant, pour ses définitions, desexpressions matière et forme, n’a cependant pas déclaré, dans un décret irréformable, que les sacrements, à l’instar des corps physiques, fassent composés de matière et de forme. La foi du catholique n’est donc pas liée à la théorie hyl’inorphiquedu sacrement ; mais les documents de foi supposent que le rite sacramentel consiste dans un geste accompagné d’une formule. Cette remarque fait disparaître l’objection exposée plus haut.

Qu’on ne dise donc plus que la théorie de la matière et de la forme fait partie intégrante du dogme ! (Cf. K. Lrrov, Dogme et critique, p. 11).

D’ailleurs, personne ne doit trouver mauvais que la théologie catholique continue à appeler matière et

forme les deux éléments du rite sacramentel. Les analogies que l’on découvre entre l’hylémorphisme aristotélicien et la constitution traditionnelle du sacrement, justifient pleinement cette terminologie au regard de la raison. D’après la pratique séculaire de l’Eglise, le rile sacramentel se compose d’un élément indéterminé par lui-même (l’ablution, l’onction), qui correspondu la matière aristotélicienne ; et d’un élément déterminantfla formule), qui donne au premier tout son sens, et qui joue, dans la confection du sacrement, le même rôle que la forme dans la constitution des corps physiques. Dès lors, à quoi bon rejeter une terminologie commode et consacrée par un long usage.

Quant aux modifications que l’application de la théorie de la matière et de la forme fit subir à l’idée desacrement, au xin" siècle, elles sont incontestables ; mais elles n’ont rien d’illégitime. Elles portèrentsur deux points.

a) Sous l’inflence de l’hylémorphisme sacramentaire, on ajouta aux prières anciennes de certains sacrements des formules plusexpressives et plus capables de jouer le rôle de forme (par ex. la formule : Accipe Spiritum Sancttim ; ,.de l’ordination du diacre). De plus, on substitua des formules indicatives aux formules déprécatives en usage avant le xine siècle. La formule d’absoluiion, qui était généralement déprécative avant le moyen âge, fut changée en une formule indicative. — Mais de telles variations des éléments constitutifs du rite sacramentel se trouvent à toutes les époques de l’histoire des sacrements (Cf. D. Chardon, Histoire des sacrements). L’Eglise a le devoir de se conformer à l’institution du Christ ; mais, dans les limites de cetteinstitulion.elle a reçu le pouvoir d’adapter les rites aux besoins actuelsdes fidèles ; et la grâce du Christ est avec elle, pour qu’elle ne s’égare pas dans l’interprétation qu’elle donne à cette institution. De ce pouvoiret de cette grâce, l’Eglise a usé au moyen âge, comme au cours de tous les siècles.

b) Sous l’influence de l’hylémorphisme sacramentaire toujours, quelques théologiens se firent une idée trop rigide du sacrement. Ils enseignèrent l’invariabilité absolue des matières et des formes, et crurent que les sacrements se composent d’éléments aussi invariables que ceux des corps physiques.— Cette conception du sacrement est assurément trop absolue. Car, l’histoire l’atteste, les matières et les formes de tous les sacrements, y compris la forme du baptême (Cf. Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, art. Baptême, fasc. XIII, col. 336 n.), ont subi-certaines variations accidentelles. L’introduction de la théorie de la matière et de la forme dans la théologie des sacrements n’a donc pas été sans quelque inconvénient. Elle a pu donner naissance à des systèmes caducs. Mais 1 Eglise n’a jamais consacré ces systèmes, que l’étude plus critique de l’histoire fait abandonner.

A l’occasion des controverses touchant l’administration de la Sainte Eucharistie sous une ou sous deux espèces, le Concile de Trente a, dans un décret dogmatique, affirmé le pouvoir que l’Eglise a toujours revendiqué de trancher avec autorité les débats relatifs à l’administration des sacrements à elle confiés par le Christ ; pouvoir qui doit respecter la subslancede l’institution, mais s’étend aux questions accidentelles. Sess. xxi, iG iul. 1062. c. 2, (D. B., 93 1 [809]) : Déclarât hanc polestal m perpétua in Ecclesia fuisse, ut in Sacramentonnn dispensatione, sttlva itlorum suhstnntia, ea staluerct vel mutarrt quæ suscipieiiliuni utilitat 1 seuipsorum Smcramentorum venerationi pro muni, temporuin et locorum pariétale magis expedire iudicaret. — Ce décret invite