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POUVOIR PONTIFICAL DANS L’ORDRE TEMPOREL

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l’esprit le souvenir de la souveraineté territoriale que le Saint-Siège exerçait naguère sur un petit royaume au centre de l’Italie. Entre « 815 et 1860, ce royaume comprenait un peu plus de 40.000 kilomètres carrés, avec un peu plus de trois millions d’habitants. Les subdivisions administratives du territoire étaient, depuis 1850, les cinq légations de Rome et de la Gomarca (Viterbe, Orvieto, Civita-Vecchia), de la Ilomagne (Bologne, Ferrare, Forli, Ravenne), de l’Ombrie (Pérouse, Riéti, Spolète), des Marches (Ancône, Urbin, Macerata, Lorette, Fermo, Ascoli, Camerino), et de la Gampanie (Velletri, Frosinone, Bénévent).

Depuis la chute de l’Empire d’Occident jusqu’à l’époque carolingienne, les Papes reçurent de la libéralité des lidèles un grand nombre de domaines territoriaux en Italie centrale et méridionale, et la contiance des populations chrétiennes de Rome et des provinces adjacentes leur reconnut un rôle de direction temporelle qui ressembla de plus en plus à un droit de souveraineté. A la un du huitième siècle, Pépin le Bref, puis Charlemagne, tousdeux vainqueurs des Lombards, donnent à l’autorité temporelle du Saint-Siège sur l’Italie centrale un caractère mieux défini. Le principe et la tradition de ce pouvoir souverain du Pontife de Rome survécurent aux désordres féodaux et populaires du dixième siècle, qui fut l’âge de fer de la Papauté. Dans le dernier quart du onzième siècle et àl’aurore du douzième, le petit royaume pontifical reçut des extensions importantes par suite des donations fameuses de la comtesse Mathilde de Toscane, en 1077e *, , oa - Les péripéties de l’histoire des Etats du Saint-Siège correspondirent aux péripéties diverses et mouvementées, heureuses ou malheureuses, de l’histoire religieuse, sociale et politique de la péninsule italienne durant les siècles de la période médiévale, puis de l’âge moderne. Aboli par le Directoire, en 1797 et 98, et par Napoléon I « r, en 1808 et 1809, le pouvoir temporel du Pape fut restauré par le Congrès de Vienne et les traités de 1815. Les deux tiers du petit royaume pontifical furent conquis et annexés, en 1860, par le royaume de Sardaigne, qui allait devenir celui de l’Italie unifiée. L’armée italienne pénétra dans Rome le 20 septembre 1870, et la totalité des anciens Etats de l’Eglise fut incorporée à l’Etat italien, à la suite du plébiscite du a octobre suivant, plébiscite auquel participa un nombre dérisoire d’électeurs.

Le gouvernement italien considère la question des droits temporels du Saint-Siège comme souverainement et définitivement réglée par la loi dite des garanties, en date du 13 mai 1871. Les Pontifes romains ont énergiquement refusé, jusqu’à ce jour, d’accepter cette situation politique et juridique, et ils ont élevé, contre la destruction de leur pouvoir temporel, une protestation formelle et persévérante, qui a pour symbole leur claustration volontaire, depuis le ao septembre 1870, à l’intérieur de leur palais du Vatican.

La question qu’il convient d’étudier, dans ce Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, parait être la suivante : le pouvoir temporel est-il un simple accident historique dans les destinées terrestres de la Papauté, un simple mode extérieur d’existence politique, résultant de certaines circonstances et disparu à la suite de circonstances nouvelles et différentes, ou bien le pouvoir temporel intéresse-t-il un principe et un droit qui appartienne autlientiquement à la doctrine théologique de l’Eglise catholique ?


S’il y a un principe et un droit, quel en est l’objet exact ? quel en est le vrai caractère ? quels argu ments et quels textes fondent son existence ? Une fois reconnue, s’il y a lieu, la zone des certitudes doctrinales, quelle est la zone des modalités contingentes, des formes variables sous lesquelles il serait concevable que le principe certain trouvât, selon la diversité des circonstances, sa réalisation opportune et concrète ?

D’abord, les textes pontificaux nous apprennent qu’il y a, en cette matière, une doctrine, un principe, un droit.

IL Documents pontificaux. — De Pie IX :

Allocution consistoriale Qtiibus quantisque, du ao avril 1849.

Allocution consistoriale Si semper antea, du 20 mai 1850.

Bulle Ad apostolicae, du aa août1851.

Encyclique Cum calholica Ecclesia, du a6 mars 1860.

Allocution consistoriale Noros et ante, du 28 septembre 1860.

Allocution consistoriale Jamdudum cernimus, du 18 mars 186 1.

Allocution consistoriale Maximu quidem, du 9 juin 1862.

Syllabus du 8 décembre 1 864, propositions 70 et

36.

De Léon XIII :

Encyclique Inscrutabili Dei consilio, du ai avril 1878.

Lettre au cardinal Nina, du 37 août 1878.

Discours auxjournalistes catholiques, du aa février 1879.

Encyclique Etsi Nos, aux évêques d’Italie, du 15 février 1882.

Lettre au cardinal Rampolla, du 15 juin 1887 (document où la revendication du pouvoir temporel est formulée, motivée, avec une spéciale insistance).

Allocution consistoriale Amplissimum collegium, du a/| mai 1889.

Allocution consistoriale Quod nuper, du 30 juin 1889.

Allocution consistoriale Non estopus, du 14 décembre 1891.

Lettre au cardinal Rampolla, du 8 octobre 18g5 (pour le vingt-cinquième anniversaire de la chute du pouvoir temporel). De Pie X :

Encyclique E supremi Apostolatus, du 4 octobre 1903.

Livre Blanc sur la Séparation de l’Eglise et de l’Etat en France (igo5). Chapitre vin et Documents xxiv à xxvii, et, en particulier, le document xxvi, note diplomatique en date du 28 avril 1904. De Benoît XV :

Encyclique Ad Beatissimi, du 1" novembre 191 4.

Allocution consistoriale Nostis profecto, du 6 décembre 19 15.

Encyclique Pacem Dei, du a3 mai 1930.

Trois conclusions claires et certaines résultent de tous ces textes, dont on aurait pu allonger encore l’énumération :

— la destruction du pouvoir temporel des Papes, en 1860-70, a eu le caractère d’une injustice et d’une violation du droit, contre laquelle les Pontifes romains protestent formellement ;

— la condition politique et juridique faite au Saint-Siège, depuis 1870, ne donne pas les garanties nécessaires à l’indépendance et à la liberté du Pape dans l’exercice de son ministère spirituel ;

— les Pontifes romains déclarent indispensable un statut nouveau (quelle qu’en soit un jour la formule ) qui consacre authentiquement et visiblement