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SACERDOCE CATHOLIQUE

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atmosphère terre à lerre, malsaine à l'àme du prêtre, qui doit rester surnaturelle et saturée des pensées de foi. Les paroissiens, amenés à traiter d’intérêts pécuniaires avec leur curé comme avec un égal, oublieraient qu’il est leur pasteur. Son activité profane cacherait à leurs regards son caractère sacré ; son prestige en serait diminué, au détriment des âmes. Indirectes, si l’on veut, ces conséquences du mariage des prêtres n’en seraient pas moins fâcheuses ; elles concourraient à déformer la vraie notion du sacerdoce. La paternité spirituelle s’allie mal à la paternité selon la chair, et il faut que le prêtre soit la père des âmes.

Il faut aussi qu il soit apôtre. L'Église catholique ambitionne d'étendre le règne de Notre Seigneur à l’univers entier : c’est de son essence. Tant qu’il restera un pays où l'Évangile n’est pas prêché, une tribu qui ignore Jésus et Marie, des missionnaires iront vers cette terre et ce peuple, pour leur porter la bonne nouvelle. Le feraient-ils, y mettraient-ils du moins le dévouement qui convertit, si leur cœur se partageait entre ces pauvres païens et leur (lancée ou leur épouse ? si le plus clair de leurs ressources était dû. non aux exigences de l’apostolat, mais aux besoins de leur famille ? Ici encore, la comparaison entre l’Orient et l’Occident est instructive. Depuis le quinzième siècle et la découverte de continents nouveaux, des milliers de missionnaires se sont répandus sur l’Amérique, l’Asie, l’Afrique, pour y planter la foi. Beaucoup sont morts martyrs, ils ont conquis à Jésus-Christ des millions d’infidèles : c'étaient des prêtres latins, voués au célibat. Le clergé oriental n’a rien fait, ou presque rien, dans cette œuvre immense d'évangélisation. Sans doute, à notre époque, les schismatiques et les protestants entretiennent à grands frais, dans des régions lointaines, de nombreux missionnaires ; mais le résultat ne répond qu’imparfaitement à l’effort. Voir l’article : Propagation dr l’Evangilb, col. 384 386 Or, le retard des protestants tient pour partie au mariage de leurs cler^ymen. Un anglican revenu à la foi romaine, le R. P. Beriram Wolfbrstan, a publié une série de témoignages, empruntés à ses anciens coreligionnaires, sur l’apostolat en Chine. The catholic Church in China, from 1860 to 1907. Cf. Etudes du 20 novembre 1910, t. CXXV, p. 558 sqq. De ces textes curieux, deux faits ressortent. D’abord, les missionnaires protestants sont souvent contraints d’abandonner la partie pour des raisons de famille. A chaque instant, les journaux de Tientsin, Pékin, Shanghai sont émaillésde notes comme celles-ci : « La mauvaise santé de Mme W… et de son enfant les ont forcés à quitter leur champ de travail. » Peu après, une autre suit : « La santé de Mme W… ne se rétablissant pas, le Rév. W… a été contraint de retourner en Europe. » Puis, ces apôtres ont besoin d’un traitement très élevé : ni Madame ni Bébé ne peuvent vivre à la chinoise, et il leur fautà 'out prix, en Extrême-Orient, leconfortable de la mère patrie. Aussi certaines sociétés de propagande, entre autres V Universitiex Mission, n’acceptent elles plus que des ouvriers célibataires. Ils coûteront quatre fois moins et feront quatre fois [/lus d’ouvrage. L'Église catholique n’a pas attendu ces expériences pour comprendre que seul le célibat assure la liberté de se donner totalement à Dieu et aux âmes. Sans la chasteté, le prêtre ne peut pas être pleinement ce qu’il doit être, l’intermédiaire entre Dieu et le peuple, médias inter Deum et poputum. Saint Thomas, III, q. 22, art. f u in c.

III. Les objections. — La thèse est belle, tout le monde enconvient. D’aucuns la trouvent même trop

sublime, bonne pour des anges et non pas pour des hommes. La chasteté, dit-on, est impossible ; l’instinct qu’elleprétendcontrarier est irrésistible ; affecter d’en être maître, n’est qu’une hypocrisie.

L’objection n’est pas jeune (bien réfutée par Bikrbatjm dans Der Katholik, 1910, I, p. 68). Les clercs incontinents du moyen âge s’en faisaient déjà une excuse (Cf. Lambkrti Hbrsfkldbnsis Annales, a. 107/1, Mon. Germ., Scriptnrum, t. V, p. 217). Luthbr I exprime crûment et la répète à satiété. « De même, ditil, qu’il n’est pas en mon pouvoir de ne pas être homme, ainsi il ne dépend pas de moi de vivre sans femme. « (Sermon de i. r)22, Vont ehelichen Leben. Ed. Weimar, t. X, P. 11, p. 276. Voir aussi les textes cités par Dbniflf, Luther et le luthéranisme, trad. Paquier, t. I, p. 163 sqq., 173 ; t. II, p. 92 sqq ; et par Ghisar, Luther, t. II, p 200 ; cf. t. I, p. 423 sqq. ; t. Il p. 498 sqq.) De nos jours encore, c’est l'éternel refrain des défroqués.

Mais aucun catholique n’a le droit de souscrire à une pareille erreur, condamnée par le concile de Trente : « Si quelqu’un soutient qu’on peut contracter mariage, quand on ne se sent pas le don de la chasteté, même si on en a fait le vœu, que celui-là soit anathème ; car Dieu ne refuse pas cela à qui l’en prie comme il faut, et il ne souffre pasquenous soyons tentés au delà de nos forces. » Sess. xxiv, De sacrum, matrim., can 9. D. B., n. 979.

Ce qui peut faire illusion, c’est que, pour certains individus, la chasteté a des difficultés qui frisent l’impossibilité. Il s’agit de tempéraments profondément viciés, héritiers d’une tare atavique ou esclaves d’habitudes invétérées. Chez eux, l’appéiit sensuel e-.t si surexcité que ne pas le satisfaire leur serait un supplice ; la volonté a pris le pli de lui céder si docilement qu à moins d’un miracle elle continuera de lui obéir. Peut-être même en arrivent-ils à n’avoir plus conscience d’actes qu’ils multiplient machinalement ; ou bien le troublede leurs facultés mentales paralyse quelquefois leur libre arbitre et supprime leur responsabilité Mais ce sont là des cas anormaux de déséquilibre morbide. De tels sujets ne sont évidemment pas aptes au sacerdoce. Si, d’aventure, ils essayaient de s’y présenter, confesseurs ou directeurs seraient tenus de les en écarter. Saint Alphonse (Theol. Mor., 1 VI, tract. I n. 63 sqq.) enseigne, et c’est la doctrine commune, qu’il faut refuser l’absolution au jeune homme qui voudrait recevoir le sous-diaconat malgré des habitudes vicieuses, si secrète.s qu’on les suppose. Le prêtre à qui il en fait l’aveu lui interdira d’avancer aux Ordres sacrés tant qu’il n’aura pas donné des gages sérieux de conversion Comme le dit le Concile de Trente (Sess. xxiii, Pe réf., c. 13), la vie cléricale ne convient qu à ceux « qui espèrent, avec la grâce de Dieu, pouvoir garder la continence ». Pratiquement, les aspirants au sacerdoce demandent conseil longtemps d’avance au directeur de leur conscience ; celui-ci doit leur indiquer prudemment, en temps opportun, qu’ils vont au-devant de luttes pénibles et s’engagent dans la voie du sacrilice. Il s’assurera de leur générosité, , de leur piété, de leur constance ; il n’approuvera ou n’encouragera leur vocation que si leur énergie et leur esprit de foi lui donnent confiance que, même exposés à des dangers réels, ils sauront se vaincre et rester (idèles.

Ainsi, le clergé ne doit se recruter que parmi les candidats dont le chaste passé garantit l’avenir. Même pour ceux-là, personne ne prétend qu’ils éviteront les chutes sans prendre' de précautions,

« Veillez et priez, dit Notre-Seigneur (Malt., xxvi, 

/Ji), afin de ne pas entrer en tentation ; l’esprit est prompt, mais la chair est faible. 1 Aussi l’Eglise