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SACERDOCE CATHOLIQUE

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le temps que Dieu fait, en tout temps et en tout lieu… Voilà ce qu’on a obtenu, en décrétant qu’il n’aurait pas de femme… »

La confession surtout, et la direction des consciences, exigent une vénération filiale de* pénitents pour le père de leur âme. (Cf. Mgr Pavy, toc. cit., p. 316 sqq.) Pareil sentiment ne peut naître et durer que si le prêtre apparaît au milieu de ses enfants spirituels comme meilleur qu’eux, plus grand qu’eux, plus rapproché de Dieu, dégagé des misères qui les appesantissent. L’expérience en est faite. Dans les pays d’Orient, où résident, à côté d’un clergé indigène marié, des missionnaires voués au célibat, les pénitents préfèrent les confesseurs célibataires, et s’ouvrent moins facilement à ceux qu’ils savent doublés d’une compagne

Le pasteur est tenu de se dévouer au bien de son troupeau. Un curé, dans sa paroisse, doit êtrel’homme de toutle monde, quidépense ton temps, son argent, ses forces, au service de son peuple. Il est même obligé, quand les circonstances l’exigent, de donner sa vie pour ses brebis. Le fera-t-il, s’il prévoit que sa mort mettra en deuil une veuve et des orptie- j lins ? Pendant la guerre de 1890, de nombreux pri- j sonniers français furent internés en Allemagne ; la maladie décimait leurs bataillons. « Nous avions des soldats dans onze hôpitaux et campements établis sur les deux rives du Rhin. Dans certains de ces hôpitaux, où les varioleux étaient en majorité, seuls les aumôniers et les médecins avaient le droit d’entrer. L’aumônier protestant vint un jour trouver M. Debras (l’aumônier catholique) elle pria de se charger de ses varioleux à lui. a Etant père de famille, disait-il, je ne puis m’exposer en.allant les I voir. » M. Debras lui rendit volontiers ce service. » Saint-Sulpice pendant la guerre et la Commune (par un Sulpicien). Paris, 1909, p. 80. Ne taxez pas ce ministre protestant de prudence excessive ; il suivait simplement les conseils d’un de ses plus vénérés confrères, Alexandre Vinbt, dont voici l’enseignement : « Comment le pasteur ne serait-il pas d’abord pasteur de sa famille ?… C’est une grave erreur de croire que la paroisse doive aller avant la famille. Pour le pasteur, comme pour tout autre homme, la famille est le premier intérêt. Si l’on ne veut pas admettre ceci, il est plus simple de ne pas se marier. » Théologie pastorale, ou théorie du ministère évangélique, a » édit., p. 181 et 182. Paris, 1854 Pasteur de sa famille ! Le prêtre marié le serait tous les jours, à toute heure ; le pôle de ses pensées en serait déplacé, elson axe moral dévié. Son souci principal, dominant tous les autres s’il ne les excluait pas, irait à assurer l’entretien de son ménage, l'éducation de ses ûls et l'établissement de ses filles. Quelle tentation, dès lors, de ne plus voir en ses fonctions sacrées qu’un gagne-pain, qu’un métier dont on tire le rendement maximum I Un missionnaire de Syrie, le R. P. Ramier, nous apprend ce qu’est devenu, aux mains d’un clergé marié, le sacrement de pénitence dans les milieux schismatiqnes qu’il a observés : * Si la famille est un peu à l’aise, le curé viendra deux fois par an la confesser dans la maison, pendant l’Avent et pendant le Carême ; quant à la communion, elle se fera huit, quinze, trente jours après la confession : peu importe. Ce qu’il y a de plus clair pour le curé, c’est la piècede quatre ou cinq piastres (1 fr.)qu’iltouche après la prétendue confession ; car de la vraie confession, ni le prêtre ni le pénitent n’en ont idée. Pour ceux qui sont vraiment pauvres, il ne se dérangera pas. Que d’enfants, de jeunes gens, d’hommes faits, ne se sont presque jamais confessés ! » — « Il y a quelques années, me disait l’un des convertis,

songeant à revenir à la pratique des sacrements depuis longtemps abandonnée, je priai le curé X… d’entendre ma confession, et comme je voulais la faire sérieusement, elle dura un peu trop, paraît-il, car le curé se fâcha tout de bon quand, après sa prière sur moi, je lui remis la pièce de monnaie ordinaire. — Comment ? c’est là tout ce que tu me donnes ? Eh bien ! sache-le, pour tout autre que pour toi, je ne prierais pas ainsi pour dix piastres (a fr.). Je fus si indigné, ajoutait le converti, que depuis lors je n’ai pas pu supporter la vue de ce prêtre, ni aller à son église, ni me confesser. » Jullien. La Nouvelle Mission di la Compagnie de Jésus en Syrie (1831-1896), t. ii, p. 208, Paris-Lyon, 1899.

L'Église catholique a réussi non sans peine, grâce à une assistance merveilleuse de la Providence, à supprimer les pratiques simoniaques qui furent la honte du moyen âge ; jamais elle n’exposera de gaieté de cœur son clergé à la tentation de renouveler ces crimes ; et le mariage, en multipliant les besoins pécuniaires, risque de provoquer des arrière-pensées mercantiles qui aviliraient l’exercice du plus saint ministère. Cf. saint Pibrrb Damikn, Contra intempérantes clericos, cap. 4 ; P. L., t. CXLV, 3g3 : « … Ubi angustiora sunt alimenta, ibi minor est alenda familia ; et mensa quæ non grnvatur eduliis, non est pluribus obeunda convivis, Unde necesse est ut paupertas indiga solitudinis fe.minarum doceat abdicare consortium, et grèges inhianter edentium prohibeat gignere parvulorum. »

Il est vrai qu’on suggère actuellement une autre solution : le prêtre demanderait sa subsistance à la science, à l’art, peut-être à l’industrie ; il se ferait avocat, médecin, vétérinaire… pour gagner de quoi vivre et élever une famille. Voir la Nouvelle Revue, 191 1, t. VI, p. /|48 sqq. La Condition du prêtre à notre époque. Mémoire attribué au cardinal Mathieu ; il est manifeste que cette pièce est un faux. Ce n’est pas ici le lieu d'étudier sous toutes ses formes le problème complexe des professions accessibles ou interdites au clergé ; quelques brèves remarque » suffiront à nous fixer sur la valeur de l’expédient proposé.

Si l'Église admet, en certaines circonstances, que ses ministres s’acquittent de quelque emploi profane, elle n’approuve pas que cette activité exUa-sacerdotale devienne pour eux une nécessité de fait ; elle ne prendra pas l’initiative de leur ouvrir une situation où ils seraient pratiquement forcés de se chercher un gagne-pain en dehors de leurs fonctions religieuses. « Qu’aucun de ceux qui sont engagés dans la milice sacrée, dit saint Paul, II Tim., Il, 4, ne s’embarrasse d’affaires séculières. » Les conciles et les papes se sont constamment efforcés, par des lois multipliées, de faire observer cette recommandation, dont la sagesse est manifeste. Un curé n’a pas le temps, il ne doit pas l’avoir, de mener de front deux vies parallèles, la vie sacerdotale et la vie d’avocat ou d’employé de bureau. Son rôle, c’est de catéchiser les enfants, de préparer des sermons et de les prêcher, de visiter ses paroissiens à domicile, de diriger des patronages, de lancer les œuvres sociales. Il ne lui reste guère de loisirs, s’il prend vraiment sa tâche à cœur. Tous ne le font pas ? Tous ne se laissent pas absorber à ce point par leur ministère ? Eh bien I les négligents ont tort ; mais ce n’est pas en les invitant à se choisir un emploi lucratif qu’on obtiendra d’eux plus de zèle pastoral. En outre et surtout, l'Église, après saint Paul, s’inquiète de la mentalité que supposent ou que créent les entreprises temporelles, incompatibles avec l’esprit sacerdotal. La pratique habituelle des

« affaires » maintient ceux qui s’y livrent dans une