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SACERDOCE CATHOLIQUE

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ia continence est d’une vertu plus haute que contracter mariage. Non que le mariage soit un péché, loin de là ; de soi, c’est un acte bon ; mais, en thèse gêné raie, ce n’est pas le meilleur possible. <i Le père qui marie sa lille fait bien, dit saint Paul (I Cor., vii, 38), celui qui ne la marie pas fait mieux encore. » La palme reste à la virginité.

Cette vérité de loi fui étudiée parles docteurschrétiens, et saint Thomas surtout en a bien dégagé l’explication profonde. (Contra impugnantes Dei cultum et religionem c. i ; De perjectione vitæ spiritualis, c. S sqq. ; C. Génies, L. III, c. 136-138 ; II* II**, q. 2 4, art. 8, y ; q. it>4 sqq. Cf Suxnaz, De virlule et statu religion is, Tr. vii, 1. 9). La perfection consiste à aimer Dieu. L’homme sera d’autant plus parfait que l’amour divin dominera plus complètement son cœur et sa volonté. Ainsi, l’idéal serait de toujours penser, parler ou agir sous l’influence de cette charité céleste : savoir ou cleviner ce qui plaît le plus à Dieu, accomplir par amour ce bon plaisir adorable, la sainteté n’a pas d autre programme. Ici-bas, notre pauvre nature ne le réalisera jamais intégralement ; mais il est permis, conseillé, de s’en inspirer et de tendre vers la perfection, en développant sans cesse en soi le règne de la charité.

Or, ce triomphe de la charité appelle la chasteté, comme préparation ou comme conséquence. Le plus sur moyen d’avancer dans l’amour n’est-il pas d'écarter les obstacles qui retarderaient ce progrès ? Dieu est si bon, si beau, que noire cœur se tixeraitsponlanément en Lui, s’il ne s’en laissait détourner par les biens inférieurs. C’est l’attachement à la créature qui arrête l'élan vers le Créateur. Le chrétien, jaloux de s'élever à une charilé plus pure, rompra done un à un les liens qui le retiendraient en bas. Les plaisirs des sens et du cœur le sollicitent d’abord : il s’en privera. Il y a sans doule des exigences physiologiques avec lesquelles tout le monde doit compter ; il faut manger, dormir et boire, parce que c’est nécessaire à l’existence et que pei sonne n’est autorisé à se détruire. Il y a de même des devoirs de famille auxquels il nous est défendu de nous soustraire, parce que les parents qui nous ont donné le jour oui droit à notre piété, et que le quatrième commandementnecomportepasde dispenses Parcontre, la chair de l’homme éprouve d’autres convoitisesqui tendent, non plus à la conservation de l’individu, mais à la propagation de la race ; son cœur cherche des affections, non plus déterminées par la nature, mais laissées à son libre choix, et qui l’engagent à fonder une nouvelle famille. Ces désirs, sensuels ou sensibles, ne sont pas des ordres de la conscience ; on peut sans crime leur résister. Dans le décalogue, à côté des préceptes connus : Tu n’adoreras pas d’ido’es, tu ne tueras pas…, je cherche vainement l’article qui dirait : tu te marieras. Se marier est un droit pour qui n’a pas déjà volontairement disposé de soi-même ; ce n’est, en principe, un devoir pour personne. Un cœur résolu à s’affranchir renonce à se choisir une épouse ; il réserve sa tendresse à Dieu seul. Saint Paul explique comment les joies et les ; ollicitudes de l’union conjugale, si légitimes qu’elles soient, refroidissent cependant la ferveur de la charilé : « Celui qui n’est pas marié a souci des choses du Seigneur, il cherche à plaire au Seigneur ; celui qui est marié a souci des choses du monde, il cherche à plaire à sa femme, et il est partagé. » I Cor., vii, 3a-33). Les maîtres de la pensée chrétienne, saint Augustin et saint Thomas, n’ont pas reeulé devant les analyses réalistes qui montrent que toute concession, même licite, à la concupiscence, alourdit le vol de l’esprit. II » II*e q. 186, art. / (. in c : ("sus autem carnalis copulæ retrahitanimum ne totaliler

feratur in Dei servitium, dupliciter : uno modopropter veuementiam delectationis, ex cujus fréquent ! experientia augetur concupiscentia.ut etiam Philosophus dicit [Etkic., lib. III, cap. ult. ad med.). Et inde est quod usus venereorum retrahit animum ab illa perfecta intentione tendendi in Deum. Et hoc est quod Augustinus dicit (Soliloquior., ih A, cap. x ante med.) : « Nihil esse sentio quod magis ex arce dejiciat animum virilem quam blandimenta feminea, corporumque ille contactus, sir.e quo uxor haberi non potest. » Alio modo propter sollicitudinem quam ingerit hominide gubernalione uxoris, etiiliorum, et rerum temporalium, quæ ad eorum sustentationem sufficiant. Unde Apostolus dicit (I Cor., vii, 32, quod qui sine uxore est, sollicitas e.t quæ sunt Do mini, qumnodo placeal Deo ; qui autem cum uxore est, sollicitus est quæ surit mundi, quomodo placeat uxori.) Les voluptés des sens sont intenses et séductrices ; plus on en a goûté, plus on en est avide ; elles laissent des souvenirs, elles excitent des désirs qui n’ont rien de céleste et qui occupent la place d’aspirations plus hautes. L'âme n’a qu une puissance limitée ; l’attention qu’elle accorde à la chair et au monde, même légitimement, est refusée aux choses surnaturelles. « Recherchons encore, dit Bossubt…, 1 Sermon pour une profession, 14 septembre 1660, (édit. Lebarq, t. 111, p. 53 1), d’où vient que le Fils de Dieu fait ses plus chères délices d’un cœur virginal, et ne trouve rien de plus digne de ses chastes embrassements. C’est à cause qu’un cœur virginal se donne à lui sans aucun partage, qu il ne brûle point d’autres flammes, et qu’il n’est point occupé par d’autres affections. Qui pourrait assez exprimer quelle grande place y tient un époux, et combien ilaltired’amour après soi ? Ensuite naissent les enfants, dont chacun emporte sa part, qui lui est mieux due et plus assurée que celle de son héritage. Parmi tant de désirs divers, à combien de sortes d’objets le cœur est-il contraint de s’ouvrir ? L’esprit, dit l’Apôtre, en est divisé : Sollicitus…et divisas est ; et dans ce fâcheux partage, nous pouvons dire avec lepsalmiste : Sic ut aqua effusus sum : « Je suis répandu comme de l’eau » ; et cette vive source d’amour, qui devait tendre tout entière au ciel, multipliée et divisée en tant de ruisseaux, se va perdre deçà delà dans la terre. Pour empêcher ce partage, la sainte virginité vient fermer le cœur : Ut signaculum super cor luum ; elle y appose comme un sceau sacré, qui empêche d’en ouvrir l’entrée, si bien que Jésus-Christ y règne tout seul : et c’est pourquoi il aime ce cœur virginal, parce qu’il possède en repos, sans distraction, toute l’intégrité de son amour. » Aliment de la charilé, la chasteté en est aussi le fruit. Ici-bas, l’amour vit de sacrifices ; il méprise pour l’objet aimé tous les biens qui ne sont pas lui. Un cœur qu’anime l’amour divin en vient vite au désir, et je dirais presque au besoin, de dévouer à son Dieu tout ce qu’il a et tout ce qu’il est. L’histoire de la sainteté chrétienne se résume en une série de sacrifices que des âmes généreuses ont consentis pour le Christ, qui, le premier, s'était livré pour elles. Or, la chasteté est un holocauste ; elle nous prive des émotions les plus passionnées que comporte notre nature : c’est par là qu’elle est sainte. Les amis de Dieu la choisissent, parce qu’elle les immole à leur unique Ami. Dès qu’un souffle de grâce soulève une âme fervente au-dessus de la vulgarité, presque toujours il la porte d’abord aux renoncements de la chasteté. Il y eut, je le sais, des saints mariés, mais leur vertu, à mesure qu’elle grandissait, cherchait à se dégager des joies nuptiales : combien d'époux et d'épouses, épris de perfection, firent vœu de se respecter l’un l’autre