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SACERDOCE CATHOLIQUE

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La tentative de Luther a d’ailleurs été renouvelée maintes fois et sous maintes formes. Ainsi, dans l’anglicanisme, lors des conférences données à Oxford, en 1880, par Edwin Hatcii, et publiées sous ce titre : The organisation of the early Christian Church (5 th ed., London 1895). Mais un nombre oroissant d’Anglicans se détacbe de la conception exclusive d’un sacerdoce au sens large. Un signe non équivoque de cette désaffection croissante est la publication faite en 1918, sous les auspices mêmes du primat anglican de Canterbury, d’un remarquable volume d’essais, auquel il a déjà été fait allusion dans ce Dictionnaire, t. IV, p. 712. Essays on the early Uistory of the Church and the Ministry, by various vriters ; edited by H. B. Swete, London, 1918. Nous ne toucherons ici que le troisième des essais réunis dans ce volume ; il ne le cède à aucun autre, soit par son étendue (12a pages), soit par son importance. Dû à la plume experte de M. Cuthbert Hamilton Tuknbr, il traite la question, délicate entre toutes, de la Succession apostolique.

M. Turner se refuse à reconnaître dans le rite de la consécration épiscopale, séparé de l’attribution à un siège épiseopal distinct, un gage suffisant de la succession apostolique ; il estime que c’est là, pour le pouvoir de l'évêque, une bien pauvre garantie, dont on ne s’avisa jamais avant 1ère de la Réforme ; donc, à tout le moins, une nouveauté, souvent présentée sous une forme qui donne à la conception moderne du sacrement quelque chose de mécanique. Op. cit., p. 196.

On éprouvera sans doute quelque peine à réconcilier cette exigence avec les autres assertions de M. Turner lui-même. Il a donné, p. 181sqq., une adhésion très franche au grand principe augustinien qui domine toute la conception moderne des sacrements : le sacrement est avant tout acte du Christ, Grand-Prêtre de la Loi nouvelle, et devant cette opération souveraine du Christ, les déficiences personnelles du ministre immédiat s’effacent. Il a loué saint Augustin d’avoir appliqué fermement ce principe, non seulement au Baptême, mais encore à la Confirmation et à l’Ordre. Et il n’ose pas nier que la conception moderne du sacrement a quelque titre à être présentée comme une légitime déduction du principe augustinien. Dès lors, n’est-il pas logiquement amené à reconnaître dans le rite de l’ordination le seul critère sur de la transmission du charismeépiscopal, etdonc le vrai eritèredela succession apostolique ? Le geste hiératique de l’imposition des mains, consacré dès le temps des Apôtres pour une œuvre spirituelle, n’a-t-il pas une autre signification et une autre valeur que l’attribution à une chaire locale ? El (}uel rôle appartientaux chaires locales, dans le travail progressifde l'évangélisation, qui se poursuit depuis les Apôtres ? Quand l’Eglise crée des chaires nouvelles — et elle en crée tous les jours dans les pays qu’elle ouvre à la foi, — de quel signe marquera-t-ellc leurs élus, sinon du signe usité dès le temps des Apôtres ? Et si elle peut créer, à plus forte raison doit-elle pouvoir déplacer et disposer. Je n’apprendrai pas à M. Turner que les translations à un nouveau siège n'étaient pas chose inouïe dans l’Eglise du iv « siècle.

Ce que la conception dite « moderne » du sacrement présente de plus caractéristique, c’est assurément la distinction très nette qu’elle établit entre le caractère imprimé par le sacrement et la grâce qu’il confère aux âmes bien préparées. Or, d’après la conception la plus primitive, l’impression du caractère est liée au rite sacramentel. On ne peut pourtant pas dire que la doctrine du caractère sacramentel date de la Réforme ; elle tient une assez

grande place dans la théologie de saint Augustin, pour ne pas descendre jusqu’aux scolastiques. Et ce qui constitue proprement le charisme épiseopal, c’est le caractère. Saint Augustin a le premier enseigné clairement ce que peuvent à cet égard des mains criminelles, et par là porté le coup de mort au schisme donatiste. Il est permis de s'étonner que M. Turner ait pu écrire, sur la succession apostolique, une étude si vaste et si détaillée, sans nommer le caractère sacramentel. Ce charisme épiseopal a pu exister en Judas comme en saint Pierre, car ce n’est pas un don actuellement réservé aux amis de Dieu, une gratia gratum faciens, c’est une puissance active, liée au geste de l’imposition des mains épiscopales. La doctrine du caractère sacramentel aélinie par l’Eglise (Conc. de Trente, S. vii, can. 9, DB., 85? (734) : S fjuis dixerit in tribus sacramentis, Baptismo se, Conftrmatione et Ordine, non imprimi characterem in anima, h. e. signum quoddam spirituale et indélébile, unde ea iterari non possunt ; A..s'.), marque une frontière parfaitement nette entre le sacerdoce au sens large et le sacerdoce au sens strict.

On peut voir sur cette question tous les traités dogmatiques du sacrement de l’Ordre ; de plus, le livre récent de J. Tixbhont, L’Ordre et les Ordinations. Etude de théologie historique, Paris, 1925. — Nous avons donné au (ïregorianum, t. VI, (1925), p. 3- 18, un article : Succession apostolique et ministère ecclésiastique, d’après un ouvrage anglican ; qui expose et prolonge quelques-unes des idées indiquées ci-dessus. — J. Coppens, L’imposition des mains et les rites connexes, dans le N. T. et dans l’Eglise ancienne, Louvain, 1925.

A. d’Alès.

IL — Sacerdoce et Célibat 4

N’a-t-on pas tout dit sur le célibat des prêtres, depuis des siècles que l'Église leur en a fait une loi, et que les docteurs catholiques en développent les convenances ? La cause est entendue, jugée ; elle ne devrait plus être discutée. Et cependant, telle est la force de l’instinct contraire, que des protestations s'élèvent périodiquement contre cette prétendue tyrannie de l'Église. Pib X, dans l’encyclique Pascendi, Pauca demum superant, D. B., 2104, notait déjà ce trait chez quelques modernistes. De fait, une propagande hostile au célibat obligatoire du clergé s’organise en Italie. Cf. Civiltà caltolica, 21 octobre 191 1, // modernismoe la sua lotta contro il celibato ecclesiastico, i>. 21£, et en Allemagne. Cf. Max Bierbaum, Der Kampf uni den Zoelibat, dans Der Katholik, 1910, t. I, p. 62 sqq. Der R’ath. 191 1, 1, p. 79, 317. En France, deux livres que l’Index a condamnés, Décrets du 24 janvier 1912 (Acta Ap. Sed., 1912, p. 56) et du 9 mai 1912 (loc. cit., p. 36g), ont rouvert le débat devant l’opinion publique. Le sujet sera toujours d’actualité, et quoi qu’on ait pu déjà écrire d’excellent à ce propos, peut-être ne sera-t-il pas inutile de rappeler exactement ce que veut l’Eglise en cette matière délicate, de justifier sa conduite et de la défendre contre les préjugés à la mode.

I. La législation canonique. — L’histoire du célibat ecclésiastique a été très étudiée. (Indications

1. Les pages que nous publions ici et qui avaient vu le jour dans les Et idet en octobre 1912, n’ont pas été relues par leur auteur, tombé à son poste sacerdotal, dès les premiers jours de la grande guerre. Mais elles ont conservé toute leur valeur. Docteur en droit et prêtre, le. P. Auffrov avait abordé le sujet avec la hauteur de vues et la conscience qu’il ? portait en toutes choses. Nous recueillons précieusement cette relique. (N. D. L. D.)