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SACERDOCE CATHOLIQUE

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II Sacerdoce au sens large et sacerdoce au sens strict. — Le pouvoir réservé du sacerdocechrétien n’est pas exclusif d’une certaine participation de tous lestidèles au culte divin, sans excepter l’acte principal du culte chrétien, qui est l’oblalion du sacrilice eucharistique. Ce n’est pas sans raison que le prêtre dit, après l’Offertoire de la liturgie romaine : Orate, Fratres, ut mcum ac vbstrum sacrificium icceptabile fiât apud Deum Patrcm omnipotrntem. L’offrande eucharistique e-.t l’offrande de tous ; présentée par les mains du prêtre et consacrée par sa parole, elle traduit un hommage collectif. On retrouve cet esprit dans toutes les liturgies primitives, attentives à marquer l’unité ecclésiastique par l’unité de prière.

D’ailleurs le Nouveau Testament, qui exalte si haut le suprême sacerdoce du Christ, et le sacerdoce spécial dérivé de lui, ne laisse pas d’attribuer à tous les ûdèles une certaine part de sacerdoce, au sens large. Saint Paul écrit, Rom., xii, i : « Je vous exhorte, mes Frères, par la miséricorde de Dieu, à offrir vos corps comme une hostie vivante, sainte, agréable à Dieu, par un culte spirituel. » fleb., xiii, 15-16 :

« Offrons sans cesse par Jésus une hostie de louange

à Dieu, c’est-à-dire le fruit de lèvres qui confessent son nom. N’oubliez pas la bienfaisance et l’assistance fraternelle, car c’est par de tels sacrilices qu’on gagne la faveur de Dieu. » Saint Pierre est encore plus précis, l Pt., ii, 5…9 : « (Sur le fondement du Christ) soyez élevés, pierres vivantes, maison spirituelle, pour (l’œuvre du) sacerdoce spirituel qui offre à Dieu des hosties agréables par Jésus-Christ. .. Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, un peuple saint, une nation de choix, pour annoncer les vertus de Celui qui vous appela des ténèbres à son admirable lumière, » Cette race élue, saint Jean la voit à son tour dans les perspectives du ciel, Ap., v, 10 : « Vous nous avez faits pour notre Dieu royaume et prêtres… » xx, 6 : « Bienheureux qui a part à la première résurrection : sur ceux-là, la seconde mort est impuissante, ils seront prêtres de Dieu et du Christ et régneront avec lui pendant mille ans. »

Entre le sacerdoce au sens strict du clergé catholique et le sacerdoce au sens large de tous les fidèles, la tradition chrétienne avait toujours marqué une frontière très nette ; la Réforme entreprit de la supprimer. Luther fut le grand ennemi du sacerdoce chrétien. Dans son écrit De capiivitate babylonica, il avait attaqué le sacrifice et la transsubtantiation. Dans le De abroganda missa privata (1521), c’est à l’idée nierai du sacerdoce qu’il s’en prend, en écrivant :

« De sacerdoce extérieur, visible, il n’en existe

absolument pas ; et celui qui existe présentement est d’origine humaine ou plutôt diabolique. Il n’y a au monde rien de plus fune-te et de plus exécrable que les masques aveuglants, les messes, rites, exercices et pratiques de piété de ce sacerdoce. »

Les théologiens catholiques ne manqueront pas de relever ces attaques. En Allemagne, JoIi.Mrnsino, Von dem Testament Christi unsers Ilerrn itnd Seligmackers, |5>6 ; Von dtm Opffer Christi ynder Messe, 15a6 ; De sacerdolio Ecclesiæ Christi catholicæ Oratio, 1527 ; Examen f.cripturarum a’que argumeniorum qnæ adversus sacerdotium Ecclesiæ libella de abroganda missa p. M. f.utherum sunt adducta, 1529. En France, Jousse Cliciitovr, Jntilutherus, Paris, 1523 ; De sacramento Encharistiac, Paris, 102& ; P 10piignacilitm Ecclesiæ adversus f.ulheranos, ibid. En Angleterre, John Fischer, évêque de Rochester, Sacri sacerdotii defi-nsio contra Lutherum, 15 ; >5. Ce dernier ouvrage, publié pour la première fois à Cologne, vient d’être réédité pour le quatrième cen tenaire de son apparition, par M. Hermann Klein Sciimbink, recteur à Kaldenkirchen. C’est le 9 » volume du Corpus Catholicorum, publié par la librairie Aschendorff, de Munster i.W. Ce volume mérite de trouver encore des lecteurs ; nous croyons bon de le résumer ici.

Dans un premier chapitre, l’auteur fait appel à l’argument de prescription théologique, en opposant à Luther la tradition constante des Pères touchant le pouvoir réservé du sacerdoce.

Dans un deuxième chapitre, il énonce et motive solidement dix propositions, qui constituent une démonstration en règle de la thèse catholique :

1. Il est raisonnable que les choses intéressant le salut des àmes, soient confiées à de certains hommes, charges du soin de toute la multitude.

2. Le Christ, vivant sur terre, a établi des pasteurs pour avoir soin de ses brebis et remplir près d’elles un rôle de pasteurs, de chefs, de docteurs.

3. Il convient que les pasteurs appelés à remplir ce rôle près du peuple chrétien, reçoivent à cet effet le don d’une grâce plus abondante.

4. Non seulement cela convient, mais de fait, le Christ a départi aux pasteurs de son Eglise une telle grâce et un tel pouvoir, pour qu’ils puissent mieux s’acquitter de leurs fonctions.

5. Non seulement à l’origine de l’Eglise l’institution de tels pasteurs fut nécessaire, mais elle doit durer toujours, jusqu’à ce que l’édifice de l’Eglise soit complet.

6. Nul n’exerce légitimement les fonctions pastorales, s’il n’a été appelé parles chefs de l’Eglise, régulièrement ordonné et envoyé.

7. Tous ceux qui sont ainsi légitimement établis par les pasteurs de l’Eglise pour les fonctions pastorales, doivent être tenus pour également appelés par l’Esprit saint.

8. Les mêmes pasteurs reçoivent du même Esprit dans leurs ordinations le don de la grâce, qui les rend plus capables de remplir saintement le devoir de leur ministère.

9. Néanmoins l’Esprit saint veut que cette grâce soit liée à l’apparition d’un signe sensible, dont l’accomplissement exact nous sera un gage que la grâce est actuellement donnée.

10. Ceux qui ont été ainsi légitimement ordonnés pasteurs des Egliseset prêtres, sont justement tenus pour investis du sacerdoce divin et le sont certainement.

Dans un troisième chapitre, l’auteur réfute les arguments scripturaires par lesquels Luther prétendait ruiner le pouvoir du sacerdoce chrétien proprement dit, et ne montrer partout qu’un sacerdoce au sens large.

On sait qu’après avoir vengé contre les attaques de Luther les droits du sacerdoce, le B x John Fisher en pratiqua les devoirs jusqu’à l’effusion du sang, durant la persécution d’Henry VIII.

Les Fglisesnéesdela Réforme s’accordaient toutes à nier la réalité du sacrifice eucharistique. Elles s’accordaient aussi à saccager le système sacramentel de l’Eglise catholique. Ces Eglises étaient logiques en niant le pouvoir d’Ordre. Celles qui, par égard pour des habitudes séculaires, maintinrent lVpiscopat historique, à savoir l’Eglise luthérienne de Suède et l’Eglise anglicane, pouvaient difficilement conserver une illusion sur la valeur d’un sacerdoce qu’elles avaient délibérément vidé de toute sa vertu. Si, de nos jours surtout, des réactions se sont produites en faveur du sacrifice eucharistique et en faveur du sacrement de l’Ordre, ces réactions procèdent d’une inconséquence et démentent le principe de la Réforme .