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pire forment une autre période de nos annales. Mais ce serait une grave erreur de croire qu’à cette date la Révolution est close. Elle va continuer à tracer son fatal sillon en Europe et dans le monde, à étendre le champ de ses ravages, et cela d’autant plus aisément que les principes dont elle procède seront inscrits dans les lois et dans les traités internationaux.

En substituant à l’ordre politique et social voulu par Dieu, conforme à la Tradition, un ordre nouveau fondé sur la philosophie athée et le Contrat social, la Révolution déclanchait, suivant l’expression de Joseph de Maistre, « une convulsion générale du iiiunde. » Et, après 136ans écoulés, cette convulsion est loin d’être calmée. On put croire à certains moments qu’une réaction énergique viendrait à bout de cette terrible maladie. Quand le Concordat fut négocié, l’on crut à une sincère pacilication religic. ise, mais les articles organiques, rédigés sans aucun accord avec le Saint-Siège, n’avaient d’autre objet que d’enlever à l’Eglise une part de sa liberté el de son autorité légitime. Les armées de la République et de l’Empire avaient répandu dans toute l’Europe les théories révolutionnaires. L’émancipation des Juifs, dont l’action sur les sociétés secrètes et la Franc-maçonnerie était patente, amplilia cette propagande. Quant à Napoléon, Thiers l’a justement qualifié en écrivant qu’il allait, « sous les formes monarchiques, continuer la Révolution dans le monde. »

La Restauration, la Sainte- Alliance marquèrent des temps d’arrêt de courte durée dans cette course à l’abîme. La Révolution de 1848 lui donna un nouvel essor.

On peut dire que les persécutions religieuses, la loi du divorce, le principe des nationalités (créateur de l’unité italienne et de l’unité allemande), l’axiome bismarckien : « la force prime le droit », la laïcité, les théories socialistes et communistes, le droit des peuples à vivre à leur guise leur vie, la dictature du prolétariat avec ses horribles hécatombes…, tout cela procède à divers titres et avec des modalités distinctes delà Révolution française.

Il n’est pas possible de donner ici une bibliographie, même sommaire, de l’histoire delà Révolution. Mentionnons toutefois les publications spéciales qui ont assumé cette lâche : M. Tournbux : i° Les Sources bibliographiques de l’histoire de la Révolution française (Paris, années 1898 et suiv.) ; 2" Bibliographie de l histoire de Paris pendant la Révolution t (Paris, îSyo et suiv.) — A. Tubtby, Répertoire des sources manuscrites de l’histoire de Paris, pendant la Révolution (Paris, 18<jo et suiv.). — H. Hui’fkr, Quellenztir Gesehiekte der franz. Révolution. (Leipzig. 1901 et suiv.). — A. Lumbroso, Bibliographies ragionata dell’Epoca Napoleonica (Home, 18g5 et suiv). Et signalons encore, parmi les plus récentes publications : Bernard Fay. /.’esprit révolutionnaire en France et aux Etats-Unis à la fin du xviu 1’siècle.

— The Cambridge Modem Ilistory, planned by lord Acton. Vol. VIII. The French Révolution (Cambridge ; . — D" CaBANÈS et Nass, La Névrose révolutionnaire . (Paris 1906). — Nesta H. Wobster, The French Révolution (London, 1930), — J. Bainvillk, Le Dix-huit brumaire (Paris, 192 r >).

Roger LaMBBXJN.

II. L’Esprit de la Révolution. — A. Le mut Révolution. — B. Ambitions révolutionnaires. — C. Objections en faveur de la Révolution contre l’Eglise.

A. Le mot : révolution. — Ce mot signilie : i° le changement des alfaires publiques, de la politique

humaine : en ce sens général, la révolution peut être bonne ou mauvaise, légitime ou illégitime ; et nous n’avons pas à nous en occuper ; a l’ensemble des faits survenus en France de 1789 à 1801 ; c’est ce qu’on appelle la Révolution française, et ce n’est pas d’elle seulement, quoique ce soit d’elle principalement, que nous devons traiter ici ; 3° le vaste système, théorique et pratique, de vie individuelle, familiale, sociale et internationale, qu’un grand nombre d’écrivains et d’hommes d’action s’efforcent, depuis environ un siècle, de substituer au système antérieur qui s’inspirait, dans une large mesure, des principes chrétiens : c’est là, croyons-nous, la véritable définition de la Révolution, telle que l’Eglise et la théologie doivent la considérer ; et c’est dans ce sens que nous allons nous-iuême l’examiner.

B. Ambitions révolutionnaires. — La Révolution essaie : i° de ramener l’homme individuel au pur rationalisme. C’était le rêve de Rousseau. L’Église ne saurait transiger sur ce point, sans se nier elle-même et sans détruire le christianisme. Tous les Papes depuis cent ans, et le concile du Vatican de 1870, ont donc condamné hautement cette forme de la Révolution, et il est aussi superflu de citer leurs témoignages que de les justifier. 2 La Révolution essaie de déchristianiser la famille, en lui ôtant son caractère religieux, son lien sacramentel, son indissolubilité, voire même son unité et jusqu’à son existence, puisque beaucoup de révolutionnaires la remplacent en théorie, el parfois en fait, par le concubinage, le phalanstère et l’amour libre. L’Église ne saurait non plus transiger sur ce point, et Pie IX, Léon XIII surtout, ont affirmé plus fortement que leurs prédécesseurs les lois et les droits sacrés de la famille. (Voir les art. Divohcb, Mariage) 3° La Révolution essaie de mettre l’Église et son influence, Jésus-Christ et sa religion, Dieu et enfin tout principe spirituel, en dehors du fonctionnement social : c’est ce qu’elle avait tenté en France à partir de 1793, ce qu’elle tenta de nouveau à Paris en 1870, ce qu’elle voudrait recommencer partout où le matérialisme et le nihilisme peuvent s’introduire. La destruction de tous les liens qui rattachent l’État à l’Église, la négatif n du pouvoir civil, la ruine du pouvoir temporel des Papes, l’exagération de toutes les libertés politiques poussée jusqu’à la licence complète, sont les principales manifestations de cette action révolutionnaire, contre laquelle il est évident que l’Église ne peut que réagir de toutes ses forces. (Voyez les art. Églisb, Liberté, Papauté, Pouvoir Politique, Pouvoir temporel, etc.) ! ° La Révolution essaie de remplacer dans les rapports internationaux le droit par la force et la conscience par l’intérêt, jusqu’à la destruction, s’il est possible, de toute distinction et de toute barrière entre les peuples qui ne feraient plus qu’une immense société sans Dieu et sans âme. Comment supposer que l’Église puisse jamais s’associer à de pareils crimes sociaux et à de pareils songes ?

Il y a divers degrés assui émentdans laRévolution, et tous les révolutionnaires ne vont pas jusqu’aux extrémités que nous avons signalées. Mais, l’on peut et l’on doit le constater, la logique rattache toutes ces conséquences aux principes du naturalisme et du rationalisme. Le diable est logicien, disait Dante. Aussi le concile du Vatican (dans le PrologMO de sa première Constitution dogmatique), a-t-il en raison de rattacher la Révolution contemporaine, dont les excès nous font frémir, à la révolte religieuse et souvent déjà politique et sociale duxvi* siècle. Quel en sera le terme ? Nous l’ignorons ; mais l’Église nous affirma (fbid. et S. S. Léon XIII, passim) que, si la société humaine doitéchapper aux catastrophes don