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RÉSURRECTION DE LA CHAIR

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son suffisante de son existence ; et l’on n’aura vraiment ébaucbé la solution du problème de l’origine de l’ànie, que lorsqu’on aura posé, en dehors de toute la série, une Cause indépendante, qui ait pu lui donner l’être.

Cette Cause première de tout être uni, et particulièrement de l’àme spirituelle, ne peut être que spirituelle elle-même ; intime en puissance et en durée, puisque elle seule ne saurait rien devoir à personne ; elle seule évoque à l’existence tout cet univers et n’a pu s’évoquer elle-même. La reconnaître et lui rendre hommage, est le suprême honneur de la créature raisonnable. Se perdre dans les détails d’organisation de l’œuvre, sans savoir ou sans vouloir élever les regards jusqu’à l’Ouvrier, est assurément un malheur ; et on a le droit d’appeler abjecte la doctrine qui condamne l’homme à ignorer Dieu. ^

Doctrine abjecte ; et doctrine cruelle, car en condamnant l’homme à ignorer pratiquement Dieu, elle supprime ce commerce filial avec la divinité qui seul fait briller, dans les bas-fonds de notre existence terrestre, un rayon de la lumière éternelle ; elle le mutile des meilleures espérances qui peuvent échauffer son cœur et le vivifier.

Tout esprit qui se connaît, en même temps qu’il prend conscience de sa dignité, lit au fond de son être le devoir d’adoration qui doit prosterner tout esprit devant le Père commun. Avec ce devoir d’adoration, première loi de sa vie affective, il connaît le devoir de sympathie qui doit l’incliner vers les autres lils du même Père, à proportion qu’il reconnaît en eux les traits de famille. Toute la création spirituelle prend à ses yeux l’aspect d’une vaste société de frères, où la dépendance du même Père doit maintenir la paix et l’harmonie. Voilà le sommet d’où la vie des âmes et la destinée de l’espèce prennent un sens. A vouloir s’enfermer dans le domaine créé, on peut encore trouver à la vie présente un sens, restreint à la conservation et au bien-être de l’espèce. Tant pis pour qui s’en cou tente. Prescrire à l’homme de s’en contenter, c’est tarir en lui la source de l’adoration et du sentiment filial envers Dieu. Ce malheur est grand, même pour qui ne devrait, par ailleurs, connaître Dieu qu’au seul titre de Créateur.

Mise en présence de Dieu, qui a fait le ciel et la terre demeure de l’humanité, qui a prescrit à lactivité supérieure de 1 homme une loi, l’àme comprend la raison du décret par lequel Dieu borne ici-bas sa course ; elle le comprend, et, en rendant grâces pour le don de la vie, s’incline devant la loi de la mort. La vie lui apparaît bonne, car par delà le jeu des causes secondes, par delà leurs atteintes ou caressantes ou rudes, elle voit le dessein du suprême Ouvrier, qui se poursuit sans faillir. Et la mort lui parait juste, qui limite sa carrière terrestre selon le même bienfaisant dessein. L’instant qui clôt l’ère de l’épreuve, ouvre l’ère des récompenses ; que faut-il de plus pour rendre aimable un dessein conduit par l’amour d’où descend toute paternité ?

Loin de considérer la mort comme la fin de tout, l’âme la salue comme la porte brillante qui donne accès aux biens solides, aux biens éternels. Loin de pleurer ce qu’elle quitte, elle aspire à ce qu’elle va posséder, à la société des âmes qui la précédèrent dans la paix ; car elle pense bien que Dieu se plaît à réunir, en les comblant, ses bons serviteurs. Elle réiablitl’échelledes valeurs en mesurant tout d’après ce dessein éternel qui seul importe ; et au lieu de borner son ambition à procurer, dans sa petite sphère, le bien temporel de ses semblables, elle aspire à entraîner vers le rendez-vous éternel le

plus grand nombre possible de ses amis et de ses proches. Ce monde lui apparaît pénétré d’une pensée aimante, qui dispose à bon escient de la vie. Mais surtout il lui apparaît pénétré d’attractions divines qui, par les sentiers de la vie, acheminent les âmes vers les biens impérissables, placés sous la garde de la mort.

Vain mirage, dira-t-on, et morale servile. Vous réglez votre croyance sur vos rêves, et ces rêves n’ont pas même le mérite du désintéressement. Vous aspirez à des biens chimériques, vous vous forgez d’absurdes épouvantails, et vous ne connaissez le devoir que pour agir en mercenaires. Vous prétextez le vœu de la nature, et vous vous en autorisez pour rééditer les mythes de Platon. Assez parlé des Champs-Elysées et du Tartare. L’humanité a marché depuis ce temps-là.

Reconnaissons qu’elle a marché. Maisnouscroyons qu’elle s’égarerait si elle venait à se détourner des vieux dogmes spiritualistes, si enveloppés fussent-ils de mythes à certaines périodes de leur histoire. Nous ne sommes dupes ni de l’imagination ni du sentiment.

Car nous fondons la croyance à l’immortalité de l’àme, non pas sur un rêve, mais sur la réalité de sa nature spirituelle, prise sur le fait de son opération quotidienne. Nous la fondons encore sur la sagesse de son Auteur, de ce Dieu créateur que l’univers postule, en dépit de tout phénoménisme, et qui ne saurait agir à la légère, tirant aujourd’hui du néant la créature spirituelle et l’y replongeant demain, d’un geste brouillon. Mous la fondons encore sur la justice du même Dieu, qui se doit à lui-même de réprimer le désordre survenant dans son œuvre. Le scandale du vice triomphant, le gémissement de la vertu opprimée appellent un règlement de compte, qui souvent fait défaut ici-bas. Reste, qu’il s’accomplisse au delà de ce monde ; et il s’accommoderait mal d’une existence limitée, car le coupable qui pourrait escompter la fin de sa peine, remporterait sur la justice une sorte d’avantage. Le dernier mot doit rester à Dieu.

Nous n’allons pas chercher dans les sanctions d’outre-tombe le principe générateur de la loi morale ; mais nous croyons au devoir ; et, avertis par la nature même, nous ne sommes pas surpris de reconnaître dans la destinée de l’homme la marque de eette divine Sagesse qui, dans l’ordre établi par elle, a dû faire concorder le devoir et l’intérêt. Si nous invoquons le vœu de la nature, ce n’est pas pour demander à nos désirs le secret d’un mystère qui nous dépasse ; mais c’est, encore une fois, parce que l’on doit s’attendre à retrouver, dans les profondeurs de la nature raisonnable, l’empreinte de cette même pensée créatrice qui a dû orienter son œuvre la plus parfaite vers le but le plus élevé. D’où il est permis de conclure que l’aspiration de l’homme vers un bonheur éternel ne trompe pas.

Il ne s’agit ni de trahir les devoirs présents ni de ressusciter les vieux mythes. Mais nous nous permettons de croire que les vieux mythes n’ont pas à redouter la comparaison avec la morale affranchie de tout dogme, non plus qu’avec les fadaises du spiritisme ; qu’ils peuvent même être pleins d’un sens profond et encore digue de mémoire ; qu’à trop railler les Champs-Elysées ou le Tartare, l’humanité s’exposerait à prendre le change sur des vérités qui n’ont pas vieilli, vérités qui sont le fondement éternel de toute morale, comme de toute religion. Nous croyons qu’il serait cruel de fermer ces horizons qui attirèrent toujours l’élite de l’humanité. Ceux où l’on propose de la murer l’étoufferaient. Pour vivre, elle réclame l’air et la lumière de ce que la