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RÉSURRECTION DE LA CHAIR

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bre infini, qui répondent ou pourraient répondre au même concept. Il n’appartient qu'à l’homme de concevoir L’immatériel ; — pourquoi ? sinon parce qu’il en porte en lui-même la réalité. Il n’appartient qu'à l’homme de s’orienter dans le domaine des biens finis, matériels ou immatériels, non par impulsion fatale, mais par libre choix, appréciant celui-ci et celui-là, les comparant, et linalement se déterminant lui-même par un mouvement dont il prend l’initiative et garde la responsabilité. Il n’appartient qu'à l’homme de varier à L’infini ses expériences, de développer son industrie en mille directions, de progresser par la science, par l’art, par la vertu, donnant à ses propres forces et aux applications de ces forces des développements toujours nouveaux. Il n’appartient qu'à l’homme de dépasser tout le sensible et tout le lini, et de poursuivre le beau idéal, le bien idéal, par une ascension intellectuelle et morale que rien ici-bas ne limite ; de sacrilier tout ce qui passe et de sacrifier son être même pour l’objet de son amour désintéressé, de son abnégation héroïque.

Tel est le fait qui, d’abord, s’impose à l’attention et ne permet pas de raisonner sur l’homme simplement comme on raisonne sur 1 animal. Car, à moins de voir partout des effets sans cause, on doit reconnaître dans le fond de la nature humaine un foyer d'énergie, disons le mot, une substance, irréductible à ia commune mesure de l’univers matériel. S’il a plu à l’Esprit-Saiut de constater la parité de l’homme et Je l’animal devant la mort [Eccle., iii, kj), e’a été pour souligner l’universelle vanité de tout ce qui ji isse, non pour affirmer que l’homme passe tout entier. Assez d’autres pages, dans l’Ancien Testament, affirment en l’homme l’existence d’un principe supérieur qui échappe aux prises de la mort.

La pensée, avec la pensée le vouloir, irréductible aux forces de la matière et attribut propre de l’esprit, tel est le fait d’observation constante.

Comme l’opération ne saurait dépasser la perfection

« lu principe d’où elle procède, il faut reconnaître

l’eminence de ce principe. Toutes les observations limitées aux apparences sensibles, toutes les déductions qu’on y appuie sont en défaut, dès qu’on s’imagine avoir atteint par là le tout de l’homme. Les réponses de mort qu’il porte en lui n’ont aucun sens quant à cette partie de lui-même qui habite dans le corps sans être du corps.

Et l'àme spirituelle est devant nous, impalpable et invisible, insaisissable à tous les procédés matériels d’investigation, mais indéniable quant à son existence, incoercible dans son activité, indestructible aux attaques du temps. A cette constatation, le matérialisme pourra bien opposer des négations, mais il ne saurait opposer des raisons. Car, pour raisonner.il faut, à chaque instant, faire appel au principe de cause. Et le principe de cause dépose en faveur de l'àme, avec une évidence que nulle accumulation de faits matériels n’obscurcira.

Ame spirituelle, et donc immortelle. Les deux propriétés se tiennent. En vain l’on dira : « Rien n’est plus naturel à l'être uni, que de finir. » L'âme spirituelle n’est pas simplement finie. Bornée dans son être et dans ses facultés, elle a néanmoins sur l’infini des ouvertures qui témoignent de sa haute destinée. On aura beau insister sur la limitation manifeste de l'être humain, sur sa déchéance au cours des années sur la crise finale qui l’emporte : on ne Opprimera pas cette vie supérieure qui se transmet dans l’humanité, vie étrangère à l’organisme, et dont le principe survit à la ruine de l’organisme. C’est le témoignage de la nature.

Et qu’on ne dise pas : t II doit suffire à la nature,

à l’espèce, de subsister dans la chaîne indéfinie des individus qui se transmettent le flambeau de la vie. » Non, c’est l’individu lui-même qui s’affirme comme titulaire exclusif d’une énergie spirituelle, non pas simplement diffuse dans l’espèce, mais réellement propre à cet individu, énergie intéressée sans doute aux opérations de l’organisme, mais supérieure à l’organisme, et donc capable de lui survivre. Celui-là seuldoit pouvoir le replonger au néant, qui seul a pu l’en tirer. De soi, l'àme est indestructible.

Ainsi, le raisonnement qui condamne l’homme à périr tout entier, apparaît-il faux dès son point de départ.

Dans son aboutissement, il apparaît abject et cruel.

Abject, car il coupe l’homme de toute relation avec ce qui ennoblit le plus sa nature.

Cruel, car il mutile l’homme de ses meilleures espérances.

Rien n’ennoblit tant la nature humaine que son appartenance à la société des esprits. Ce n’est pas là un vain mot, mais le titre d’une libation naturelle, qui oblige à chercher par delà ce monde matériel l’Auteur de son exislence.

Avoir reconnu la dignité de son àme spirituelle, est assurément pour l’homme un bienfait. Ce bienfait n’acquiert tout son prix que le jour où l’homme connaît encore d’où il vient et où il va.

Dira-t-on qu’il lui importe assez peu d'être ici-bas comme un enfant trouvé de l’universelle Nature, ou bien comme le fils privilégié d’un Dieu créateur qui a marqué le but de son existence ? Ce serait avoir trop peu d'égards à ces facultés spirituelles qu’on a reconnues en lui et qui ne peuvent se reposer sans découvrir le pourquoi des choses, surtout le pourquoi de l’homme. Le même principe de causalité, qui décèle dans l’homme la présence d’une àme intelligente et libre, décèle aussi dans l’homme, et surtout dans l'àme, des attaches essentielles avec une Cause première. Ni l’espèce humaine, ni l’universelle Nature n’est cette Cause première. Les virtualités mystérieuses des êtres vivants livrent bien à notre regard inquisiteur la loi de propagation des espèces ; elles ne livrent pas l’origine de l’espèce, beaucoup moins celle de notre espèce. L’origine de l’espèce demeure une énigme insoluble ; et non seulement l’origine de l’espèce, mais encore, dans l’espèce, la raison d'être de l’individu.

Etre apparu un jour au rivage de la vie avec ces facultés indépendantes de la matière, non pas sans doute quant à leur éducation ni quant aux conditions de leur exercice, mais quant à leur fond et à leur acte propre ; facultés dont il est impossible de signaler le germe dans l’ascendance paternelle ou maternelle, car le (lambeau de l’intelligence ne s’allume pas en vertu d’un processus organique ; voilà qui met aux abois, depuis des siècles, toute métaphysique, et oblige de chercher une réponse dans le recours direct au suprême Artisan de l'être humain. Rien ne sert, en effet, de dire : « La loi de l’hérédité veut que cet enfant reproduise le type ancestral, qu’il soit mis, comme ses parents, en possession d’une intelligence et d’une volonté libre. » A cette loi de l’hérédité, il faudrait d’abord assigner une raison suflisante : c’est ce qu’on ne fera jamais sans dépasser le domaine des causes organiques, sans recourir à un Ouvrier intelligent, d’où procède tout le dessein de l’espèce et qui continue de s’intéressera son œuvre. Remonter indéfiniment de génération en génération, c’est reculer la difficulté sans faire un pas vers la solution. Aucun être fini

— soit matériel, soit à plus forte raison spirituel,

— ni aucune série d'êtres ne possède en soi la rai-