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RESPONSABILITÉ

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seulement invendable, mais illégitime, puisqu’elle énoncerait une dépendance, sans qu’apparaisse de terme dont on dépende, et atliruierait d’emblée nécessaire une fin qui n’a pourtant pas les caractères d’une lin dernière.

a" D’autres s’arrêtent à une nécessité de fait : je dois vouloir, se réduit à : je veux nécessairement, non pas explicitement, mais par inclusion dans le vouloir profond de ma nature. Je m’aime nécessairement ; or, s’ajmer — vraiment, efficacement, comme il convient, — c’est vouloir l’ordre moral. — Mais on ne justifie pas suffisamment cette identité posée entre un amour quelconque de soi et un amour vrai, efficace. Il ne reste, précision faite, qu’une inclination de fait pour l’ordre moral 2. Il y aurait à discuter la valeur de la nature et de ses inclinations. Etre iini et subordonné, suis-je donc une lin absolue, à

1. Nos réfutations rencontreront de lu résistance citez ceux que tentent les thèses subtiles de l’Ecole de Louvain en faveur du caractère synthétique de certains premiers principes, par exemple du principe de raison suffisante. (Voir notamment : Revue Néo-scot., 1912, p. 463, S4.)

a) Nous croyons avoir de bonnes raisons pour rejeter cette doctrine. Le principe de raison suffisante, dont il s’agit surtout, nous semble le résultat d’une analyse ricoureuse, non purement verbale, mais conceptuelle, qui permet de poser successivement les formules suivante » : 1° ce qui est nécessairement, est ; 2° ce qui nécessairement n’est pas, n’est pas ; 3° ou identiquement, ce ce qui ne pout être, n’est pas ; 4° ce qui ne peut être tant X, n’est pas sans X. Or « raison suffisante » d’un être, signifie ce qui est nécessaire pour qu’if soit, ce sans quoi il ne peut être [quelle que soit d’ailleurs l’origine de ce concept) ; d’où 5° ce qui est, n’est pas sans raison suffisante {c’est-à-dire sans ce qui est tequis pour qu’il soit). C’est le principe en question.

Quant a la formule, donnéepar certains, du même principe : tout èlre est intelligible, elic ne diffère de la précédente que par son caractère réflexe : ce qui est, n’est pas sans ce que l’on comprend être requis pour qu’if « oit (c’est-à-dire être sa raison suffisante).

b) Supposons pourtant que la lliéorio de Mgr Laminnf voit susceptible d’une interprétation exacte. Entre elle et ia thèse incriminée au sujet de l’obligation, il y a une différence essentielle. D’aucuns en effet, tout en refusant de reconnaître le principe déraison suffisante comme analytique, en suggèrent des explications qui veulent être soiti’ne toute objectives. Rieu de semblable pour l’obligation où l’on croit constater un fait premier et mystérieux dans l’ordre de la connaissance, ta portée de l’affirmation, première et nécessaire de l’esprit dépassant ici celle des motifs qui se présentent à lui tout d’abord, de telle sorte qu’il est provoqué à chercher plus haut une explication transcendante delà dépendance morale et de son caractère absolu. C’est cette disproportion entre une évidence première et les motifs premiers, que nous affirmons répugner à la nature de notre raison. Nous ne voyons pas sans voir.

2. Tout se réduit a l’intérêt profond que naturellement nous inspire ce qui nous fait vraiment hommes. Il semble clair que l’obligation ainsi conçue n’est plus le devoir. Ce n’est pas la nécessité catégorique de bien agir, dont le motif s’impose par ses propres titres à notre absolu respect, dont la violation constitue formellement une faute, mais une sollicitation impérieuse de noire nature, n’ayant pas par elle-même d’autorité au sens strict, et a laquelle il serait loisible de résister sans commettre une faute de ce seul chef. En conséquence, on perd de vue ici ce qu’en morale il importe le plus d’expliquer et l’on résoud un problème voisin. — Sans doute 1 inclination naturelle a un rôle à jouer pur rapport au devoir, et sans elle celuici serait inintelligible. De même que Dieu ne peut élever une pierre à l’ordre de la grâce et de la vision héatique, il ne saurait imposer l’obligation à une nature incapable d’y répondre. Mais cette capacité requise, cette inclination a se diriger vers sa fin ne sont pas pour autant un élément formel et constitutif du devoir ; elles ne fournissent qu’une condition sine qua non, et sont à l’obligation un peu ce qu’est, a l'âme humaine créée par Dieu, la matière prnchainementdisposée pour la recevoir.

laquelle soit dû un respect sans bornes, un amour par-dessus tout ?

3° Et dès lors apparaissent aussi jugés, ceux qui réclament dès d’abord une nécessité de droit, — ce qui est bien l’objet du problème, — mais croient trouver le motif suffisant du jugement qui l’accepte, soit danslanature raisonnable de l’agent(VAsuuisz), soit dans l’ordre objectif (Gkhdil), soit dans le bien moral (du Roussaux, Ethique, Bruxelles, iyo8) '. Ainsi les uns laissent de côté le vrai problème, l’explication — dans l’ordre de la connaissance — d’un jugement porté non seulement de fait, mais valablement sur l’obligation. D’autres ne donnent aucune solution ou se contentent d’une réponse inadéquate. 4° Nous disons : si tout bien est aimable suivant son degré et son caractère, le Bien souverain et absolu est aimable souverainement et absolument 2. C’est même une de ses perfections, d’exiger de la part de Dieu qu’il se subordonne toute créature, de notre part que nous respections cette subordination. Par cette double exigence, il fonde en dernière analyse la nécessité de droit et catégorique. Pour que cette nécessité soit actuelle ou de fait, il suffit d’une considération de la raison, par laquelle nous reconnaissons i° que Dieu se constitue notre fin et veut être glorifié par l’observation de l’ordre moral ; 2° que dès lors nous dépendons actuellement, que nous dévoua respect et obéissance, que nous sommes absolument astreints à la subordination touchant l’exercice concret de notre liberté.

5° C’est bien la même solution que nous avons étendue au cas de doute sur l’existence de Dieu. Cette extension n'était peut-être pas d’ailleurs absolument requise. Des raisons exposées plus haut permettent en efTet de considérer, non seulement l’ignorance complète ou la certitude dans la négation, mais aussi le doute au sujet de l’existence de Dieu, comme des exceptions temporaires. Même si, au début des deux derniers états, il n’y avait pas eu péché contre la lumière, il faut, nous semble-t-il affirmer que tôt ou tard une intervention de la Providence, exigée déjà dans l’ordre purement naturel, met l’homme en demeure de se prononcer avec une lumière suffisante sur l’orientation suprême qu’il prétend donner à son activité.

Conséquences pour l’apologétique. — Qu’on ne nous reproche pas de faire perdre à l’apologétique un des arguments les plus populaires (?) de l’existence de Dieu. Nous prétendons en garder, sinon le formel, au moins tout le bénéfice pratique. Peu importe que le jugement concernant Dieu soit, relativement à celui de l’obligation, une prémisse nécessaire ou une

1. Ceux qui s’inspirent de Cijktan (iu Iam Uæ t q. go, , a. 6, et Uam J|ao), |. 10, a. 1), insinuent ou même proposent explicitement une voie moyenne. Ainsi Pallavicim, du Pakmtk.n 1 ia, cap. x, et tout récemment le K P. Bn’ivinr dans un remarquable exposé (Nouvelle Revue thcologique, avril 1921). Il a voulu « montrer et que l’homme, ayant la notion du bien moral, a la uotion du bien absolu, et que cette notion s’identifie, au moins confusément, avec celle de Dieu, législateur transcendant personnel » |loc cit., p. 179 en noie). ScHIFFIMI disait à peu près la même chose. — Nous avons déjà exprimé notre sentiment au sujet de l’insuffisance d’une connaissance implicite de Dieu pour obliger parfaitement, reconnaissant, d’ailleurs la possibilité d’une obligation imparfaite chez l’athée (coll. '.'14et 951). Nous ne voyons pas non plus cette identité confuse entre l’idée abstraite de bien et l’idée d’un Etre personnel, conscientet libre, digne alors seulement d'être respecté pour lui-même, capable de plaisir et de déplaisir, pouvant dès lors Aire offensé. « Le respect s’adresse à la personne. i> (ll a ||æ) q. 104, a. 2 ad 4 « m). Cf. notre Ethiea, thés 21, resp. ad inst. obj. 3.

2. C’est comme cela que nous expliquons le paisage de l’obligation imparfaite à l’obligation parfaite.