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RESPONSABILITÉ


encore Dieu lui-même, considéré suivant l’une de ses perfections.

L’exercice du respect est d’ailleurs spécifié. Dieu créant notre nature avec l’harmonieuse complexité de ses facultés, de se ; tendances, de ses relations, c’est Dieu voulant l’ordre naturel, et dès lors aussi l’ordrenioral, quin’est que laconformitéde noslibres déterminations avec la nature adéquate.

Le devoir absolu de respecter cet ordre, c’est l’obligation parfaite.

Sans doute, le raisonnement spontané dont tout homme est capable est un raccourci. Cela n’empêche que la première idée que l’on se fait naturellement de Dieu, est celle de l’Auteur du monde, Maître Souverain auquel est dû tout respect, dès lors aussi le respect de son œuvre, manifestation de son vouloir 1.

Une considération attentive permettra de répondre à cette objection souvent présentée, qu’une fois la volonté de Dieu connue, il faudrait prouver la nécessité de lui obéir. L’argument précédent est précisément la réponse. Nous avons noté comme deux exigences subordonnées. L’exigence d’absolu respect qui constitue l’une des perfections de Dieu, est, avant de regarder son vouloir, ontologique et éloignée seulement ; elle me montre que s’il a une volonté sur moi, je dois lui obéir ; ce n’est pas encore l’obligation actuelle. Mais sachant cette volonté, la condition de mon devoir m’apparalt réalisée ; la nécessité hypothétique d’obéir est devenue l’obligation actuelle 2.

CAS DR LAllIhE

Objection : Il semblerait suivre de notre thèse qu’un athte n’est pas obligé, an moins actuellement. Or, sans parler de la proposition condamnée par l’Eglise, au sujet du péché philosophique 3, une telle conséquence répugne comme contraire aux exigences de la Sagesse et de la Providence de Dieu, et de plus contredit le témoignagede nombreux athées, qui affirment se sentir obligés. — On pourrait même corroborer subtilement l’objection, du chef que, la certitude de l’existence de Dieu étant physiquement libre, celui à qui il plairait de la rejeter se libérerait, par le fait même, de tout principe d’obligation non seulementactuellemais/z/< « ; e. Il se dirait que, l’existence du législateur étant tout au plus probable, il peut mépriser la loi naturelle comme douteuse : lex dubia non obligat. Même le devoir de l’enquête serait rejeté pour la même raison. La conséquence de notre thèse serait donc énorme, inadmissible.

Réponse : Pour ce qui est du péché philosophique, la cou lamnation ne semble pas trancher les cas d’exception, ni peut-être menue ie cas de l’athée pris en général (Cf. Viva, qui pourtant rejette tout péché philosophique : Trutina théologies thés, damnât. , in prop. 2 am ab Alex. "VIII proscriptam, n. 22 sq. ; — item Lacroix : Theol. moi :, t. II, n. 49 et sq).

Nous en tenant aux lumières de la raison, il nous parait invraisemblable qu’un homme dont les facultés ont pu se développernormalement, demeure toute 62 vie dans l’ignorance complète de Dieu. La divine Sagesse l’aurait fait pour une fin qu’il n’arrive pas à

1. Voir le » références données plus bas, en note.

2. … Reuerentia direile respicit personam excellenlern ; et ideo secundum dweisam rationrm excellentiæ diversas species lialirl., Piopter 1 eterenliam personæ obedU ntia debetur ejus j læitpto (II » II", q. jo^ a. 2, ad 4 U "<).

3. Il g agit d’un détordre morte grave, qui ne serait ni péché mortel, ni cause de damnation, parce qu’il n’ofleneeiait pat Dieu, qu on suppose ignoré ou tout au moins oublié. — Décret du S. Office sont Aleandre Mil, 24 août 1690, D.B., 1290 (1157).

soupçonner. Elle se doit d’intervenir par sa Providence pour qu’il en soit ainsi. D’ailleurs les argui ments de l’existence de Dieu se présentent si spontanément à l’esprit, on se demande si naturellement comment l’univers existe et d’où vient l’homme surtout avec son organisme délient, avec les ressources de sa vie physique, intellectuelle, morale 1 Enlin nous vivons en société, enveloppés par les traditions, formés et éduqués par autrui. Par quel concours d’obstacles les sources de la connaissance de Dieu seraient-elles empêchées « tout jamais de rien transmettre à un esprit humain ? 1

Pour les mêmes raisons, nous excluons l’hypothèse d’une certitude durable, et innocente — même dans son principe, — de la non-existence de Dieu 2.

Mais alors, deux cas sont à examiner : celui de l’ignorance temporaire, puis celui du doute.

i° L’athée qui ignore Dieu, objectez-vous, se dit

1. On ne peut, hélas ! s’empêcher de reconnaître avec le Caudi.xal Billot [Etudes, déc. 1920) la pernicieuse influence d’une éducation hostile aux vérités religieuses et morales, surtout, il est vrai, à notre époque, chez des peuples par ailleurs cultivés. Pourtant, même là et de la part de la société elle-même, d’innombrables occasions sont offertes, où l’attention est éveillée vert les indices révélateurs de l’existence de Dieu ; ainsi la divine Providence atteint des Ames, qui, en dépit de l’égarement profond où les ont jetées les doctrines perverses, restent pourtant douées de raison et ordonnées à la connaissance du Souverain Bien. Et comme cette finalité n’est pas gratuite, mais strictement due et naturelle, et reliant immédiatement chaque homme à Dieu, il ne semble pas que son efficacité puisse tellement dépendre des conditions sociales. Enfin, puisque le but prochain est de l’ordre moral, — à savoir que l’homme tende consciemment et librement à Dieu, l’aime par dessus tout, se soumette pleinement à Lui, — il ne suffit pas que tous aient de l’Etre Suprême une connaissance confuse, trop rudimentaire pour obliger ; la divine Providence ne saurait permettre que les hommes normalement développés quant à l’intelligence et s’en servant avec loyauté, demeurent sans savoir qu ils ont un Souverain Seigneur, dont la volonté, manifestée par son œuvre, est à respecter par-dessus toute chose. Et ceci est pleinement suffisant ; il est, avons-nous dit, inutile de distinguer ici l’Auteur de la nature, l’Ordonnateur, le Législateur.

2. Voilà pourquoi il est dit au livre de la Sagesse, c. xiii, 1 : « vani sunt omnes bominos in quibus non subest Scient.1 Dei, /i « TK(Si fjvst, vani naiura sua ». Voilà pourquoi S. Paul déclare les païens « inexcusables » dam leur ignorance de Dieu (Rom., 1, 20) ; voirie commentaire de Coi NBLy ; Pkat, La Théologie de S. Paul, Parit, 1908, t. I, p. 266). Quand le Cakdinal Billot veut rettreindre aux seuls philosophes la portée de cette condamnation, il nous semble loin des textes et a contre lui la quasi-unanimité des exégètes catholiques. On admettra pourtant avec Okicène que les philosophes sont surtout visés (Lacrance, 5. Paul, Epîire aux Romains, Paris, 1916, p. 24). — De leur côté, ies SS Pères affirment que la connaissance de Dieu est « quasi innée », et il s’agit d’une connaissance suffisante pour obliger : cf. Franzeli.v De Deo uno, tb. vu ; Roukt DE JOURNPL Enchiridion Patr. (Voir la table, mot Deus). — Voir aussi Mgr Llkoy, Les Primitifs, p. 464 sq. du même, Semaine d’Ethnologie religieuse, ! OTt, p. 312 ; — Huby, S. 3., Recherches de Se. Relig.. 1917, p. 337 sq. ; Hahent. S..)., Dict. de théol. cathol. Vacant-.Mangenot, art. Infidèles [Salut des), spéc. col. 1928 ; — Cih^ai.liek-Cha.ntepie, S. J., Relations de Chine, janv.-avril 1923 ; etc.

Quant au polythéisme, il faut noter que l’histoire ne parle que des pratiques et des manifestations extérieure !  ; plie ne révèle pas les convictions intimes des païens, qui ont pu reconnaître un Etre Supième, soit à l’intérieur, soit surtout en dehors de leur mythologie

La question du plus ou moins grand nombre d’adultes d’âge, demeurant dans l’ignorance complète de Dieu, faute d’une culture suffisante, sera traitée ici même dans un autre article ; nous nous contenterons donc d’avoir donné ces brèves indications.