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RENAISSANCE

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et Pinturicchio, qui semblent d harmonieuses tapisseries suspendues autour des murailles. Après ce grand pape, le progrès fut quelque temps arrêté, peut-être même compromis ; dans la société élégante et corrompue des Borgia, la Renaissance des arts n’est guère qu’un prétexte à la décadence des mœurs. Cependant le faste d’Alexandre VI apparaît intelligent dans le décor des célèbres chambres Borgia, qui demeure aujourd’hui, depuis sa restauration par les soins de Léon XIII, une des régions les plus charmantes à visiter du Vatican ; et c’est sous le règne de ce même pape que Michel-Ange donne à la basilique de Saint-Pierre son premier chef-d'œuvre, le marbre admirable delà Vierge de pitié. Là (en 14yN) s’est accompli dans sa plénitude le miracle d’art qu’exige l’union de la beauté antique et de la pensée chrétienne, l'œuvre de la Renaissance, préparée durant près d’un siècle, depuis Ghiberti et Donalello, par les plus nobles sculpteursde l’Italie.

Le second de ces miracles d’art — mais il fut altéré avant d'être accompli — devait être la basilique de Bramante, le nouveau Saint-Pierre. Miracle d’art, et tout à la fois erreur immense, car la basilique primitive, où toute la vie de l’Eglise, depuis les premiers siècles chrétiens et malgré les pillages. les incendies et les restaurations, avait marqué son empreinte, aurait dû demeurer sacrée et intangible ; en la détruisant, Jules II et Bramante rompaient brusquement les liens de la tradition chrétienne ; ils condamnaient la Renaissance dans son principe. A ce chef-d'œuvre de science et d’harmonie classique, le temple de Bramante, Michel-Ange devait donner son achèvement religieux, la coupole, dont les lignes idéalement pures emportent l'àme, dans une ascension sans angoisse, vers l’iniini.

Faut-il dire que la voûte de la chapelle Sixtine, peinte par Michel-Ange sur l’ordre de Jules II, est Ja troisième merveille de cette Renaissance que dirige la Papauté? Trop d'étrangetés peut-être y apparaissent d’abord, et l’intrusion, au long des cadres des grands tableaux, de ces figures nues aux attitudes sculpturales, qui semblent exprimer symboliquement la force et la beauté du corps humain, déroute l’esprit au seuil de la grande Bible ouverte à sa méditation. Mais rien n’est plus puissant, dans l’art universel, que les premiers tableaux de cette Bible, où la figure du Créateur anime tout de son souille ; et rien n’est plus poignant que les images des Prophètes et des Sibylles, et celles des Précurseurs du Christ qui relient, dans cette même chapelle, l’Ancien Testament au Nouveau.

La quatrième merveille de la Renaissance romaine, celle qui, la résumant pleinement, marque le sommet enfin gravi, d’où elle ne pourra plus que descendre, c’est le chef-d'œuvre de Raphaël et de la peinture italienne, la Chambre de la Signature, dans l’appartement de Jules II, au Vatican. L'œuvre de l’antiquité y est glorifiée dans la fresque de YEcole d’Athènes, en face de laquelle la Dispute du saint Sacrement présente le triomphe de l’Eglise ; aux philosophes, aux savants, aux artistes groupes autour d’Aristote et de Platon, s’opposent les saints du ciel et les docteurs de la terre, entourant l’ostensoir qui repose sur l’autel. Aux deux autres parois, la Jurisprudence, avec ses légistes, au-dessus desquels trônent, en aimable allégorie, 1û Force, la Justice et la Tempérance, répond à la Poésie, qui réunit autour d’Apollon, sous les ombrages du Parnasse, les Muses et les Poètes : H Hante, déjà présent parmi les théologiens de la Dupât », reparaît ici, en précurseur de la Renaissance, auprès de Virgile et d’Horace, et des poètes amis de Jules II. Les gures idéales peintes aux médaillons de la voûte,

Silence. Théologie, Justice, Poésie, résument les grands décors des parois, et de menus tableaux ingénieux les complètent de leur commentaire.

La Renaissance a fait son œuvre en Italie ; son épanouissement a été aussi bref que splendide. Déjà, suus les chefs-d'œuvre hâtivement éclos, les germes de mort sont mal dissimulés. A peine organisé, l'équilibre se rompt entre le sentiment de la nature et l'élude dt l’antiquité. Les dernières frasques de Raphaël montrent l’abus des formules antiques ; et ces froides règles, vivifiées un instant, ne seront bientôt plus qu’un instrument facile aux mains d’artistes spirituels et sans conscience. Sous Léon X, le paganisme des Médicis, qu’avaient frappé à Florence les foudres de Savonarole, s'épanouit librement à Rome ; les dieux antiques semblaient régner au Vatiean. et les signes de leur corruption y devenaient visibles. D'étranges images se glissent parmi les arabesques des Loges ; la chambre de bains du cardinal Bibbiena, au Vatican, celle de Clément VII, au Château Saint-Ange, pourraient avoir appartenu à quelque Romain du siècle de Titus.

Le châtiment d’une oisiveté voluptueuse, où s’abolissait le sens religieux, fut terrible. Le sac de Rome parles Impériaux, en 1027, fut regardé par les sectaires de la Réforme comme une vengeance du ciel : les prophéties luthériennes condamnaient « la Ninive papale » à expier ses péchés par le fer et par le sang. On aime à interpréter ce sentiment d’une expiation dans l'énorme fresque du Jugement Dernier Aonl Michel-Ange achève de décorer, en 1541, la chapelle Sixtine ; et bientôt, commencé en bfr, le Concile de Trente intervient pour arrêter définitivement l'œuvre devenue malsaine de la Renaissance.

VI. La Renaissance eu Angleterre et en Allemagne. — En Angleterre, Renaissance et Réforme sont presque simultanées. « L’Oxford de lyi, avec

« Grocyn et Linacre, était pour tous les Anglais la
« ville du grec. Un moine de Cantorbéry, Sellyng, 
« de retour de Bologne où il s'était fait recevoir
« docteur, avait ouvert une classe de grec près de
« l’abbaye, puis, prenantaveclui son meilleur élève, 
« Thomas Linacre, il l’avait conduit en Halie et
« laissé entre les mains de Politien. Linacre fut le

1 professeur de Thomas More, et il fait bon voir ce

« (lambeau de la Renaissance qui passe ainsi de
« mains en mains, du maître de Jean de Médicis
« jusqu’au maître de Thomas More.
« Mais il y a loin des jardins de Laurent le Magni « lique aux pauvres chambres d’Oxford. Si l’ar « deur au travail est identique, ici du moins la vie
« reste grave et presque monacale. Aucune frivot lité, aucun renouveau de paganisme n’a marqué

1 les débuts de la Renaissance en Angleterre » (Hknri Brrmond, Le Bienheureux Thomas Mort, p. 10-1 1). C’est à Oxford que Thomas More, biographe de Pic de la Mirandole, rencontre en 1/197 Erasme ; en 150. r >, il lui oflre l’hospitalité, et l’introduit plus intimement au cénacle des hellénistes, où Colet et Lilly ont rejoint Grocyn et Linacre. En 1511, Erasme publie (à Paris) son Eloge de la Folie ; deux ans plus tard, il est nommé professeur à Cambridge. A son tour, en l5l6, More publie son Utopie, et Henri VIII l’accable de ses faveurs, jusqu'à l'élire, à la place de Wolsey, lord grand chancelier. On sait comment cette vie glorieuse se termina, en 153/j, par le martyre ; la rupture entre Rome et le royaume anglais était brusquement survenue, et la Réforme protestante, avec le schisme, avait succédé à la Renaissance.

On a souvent accusé ces deux grands amis, Erasme et More, d’avoir pactisé avec l’hérésie.mais,