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RELIQUES

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et d’après M. l’abbé Vacandard, qui l’a considéré mûrement et vient de le résumer en cinquante pages de la Revue des Questions Historiques, avril 1924, p. 25^-305. On comprend bien que nous ne cherchons pas un récit piquant mais une utile leçon de choses. Au vie siècle, Ephèse montrait le tombeau de Marie-Madeleine, l’hôtesse de Notre Seigneur. Fondée ou non, la tradition était communément reçue, même en Occident, où saiut Grégoire db Tours en rend témoignage, De gloria marlyrum, xxx, P. L., LXXI, 731 A : In ea urbe Maria Magdalcne quiesclt. Nous la relrouvons en Orient au viie siècle, sous la plume de Modbste, évêque de Jérusalem ; voir Photius, Bibl., Cod. cclxxv, P. G., CIV, 2^4- L’ile de Chypre, de son côté, montrait à Citium (Larnaca) le tombeau de Lazare, frère de Marie Madeleine, ressuscité par NotreSeigneur. D’après une tradition encore attestée au xii* siècle par ÏIoNORius d’Autujc, P. L., CLXX1I, 917, Lazare fut trente ans évêque en Chypre. En 899, le corps de Marie Madeleine et celui de Lazare furent tirés l’un d’Ephcse, l’autre de Chypre, par les soins de l’empereur Léon VI, et réunis à Conslantinople dans l’église neuve construite au lieu dit Topoi, d’après les récits concordants des chroniqueurs byzantins : Léon le Grammairibn, Chronographia, P. G., CVIII, 1 108 A ; continuateur de Théophane, V, xviii, P. G., CIX. 38 1 B ; Siméon Magistbr, Annales, P. G, CIX, 7653 ; Gborgbs Hamartolos, i/ » ù/., 921 B. etc. La fête de Marie Madeleine figure dans les calendriers grecs à la date du 22 juillet, depuis le Xe siècle ; il y a lieu de croire que cette date est celle de l’ancienne fêteéphésienne.

D’autre part, au milieu du xie siècle, à Vézelayen Bourgogne, un monastère, fondé au ix* siècle par Gérard de Boussillon sous le vocable du Sauveur et de Notre Dame, croit posséder le corps de Marie Madeleine, et en appelle à une vision de l’abbé Geoffroy (installé en 1037), à qui la sainte aurait révélé le lieu de sa sépulture. Une lettre de Léon IX, de l’an io50, montre que le monastère a changé de nom et s’est mis sous le vocable de sainte Marie Madeleine. Mais ses prétentions demeurent invérifiables. Pour les justifier, on commence à affirmer un transfert du corps de Marie Madeleine, apporté des rives de Provence. A cette date, la Provence ne montre encore aucune connaissance d’un séjour de Marie Madeleine sur ses rives. Cependant une charte « le l’année io40 mentionne une relique de saint Lazare, conservée à l’abbaye marseillaise de Saint Victor ; d’autres chartes, pendant les deux siècles suivants, mentionnent les églises de Saint-Maximin el de Sainte Marie de la Baume, sans aucune connexion avec les saints de Bétlianie. Au xin’siècle seulement, on voit poindre l’idée d’un séjour de Marie Madeleine et de Marthe en Provence, et d’un episcopat de Lazare à Marseille ; l’idée que le corps de Marie Madeleine avait pu toucher les rives de Provence sans s’y fixer, parut into’érable. Cependant Vézelay crut se donner gain de cause en faisant authentiquer un corps saint, par l’évêqued’Auxerre. Des fouilles furent accomplies ; une translation solennelle eut lieu, l’an 126^1, en présence du roi saint Louis et du cardinal Simon, légat pontifical, futur pape Martin IV ; on produisit n.ème une charte du « très glorieux Charles » ( ?) attestant que te corps extrait du tombeau était celui de la bienheureuse Marie Madeleine. A leur tour, quatorze ans plus tard, les Provençaux interrogèrent le sol. En 1279, à la grotte de la Sainte-Baume près Saint-Maximin, désignée dès lors comme le séjour de Madeleine et de Marthe, en présence de Charles d’Anjou, prince de Salerne, quatre sarcophages fu rent exhumés ; de l’un on prétendit extraire un document décisif, daté de l’an 710. Aux yeux de juges compétents, ce document fourmille d’anacbronismes naïfs et ne soutient pas l’examen ; la supercherie saute aux yeux. — Il ne rentre pas dans notre cadre de démêler cet imbroglio ; de dire, par exemple, quel rôle purent jouer, dans le développement des croyances provençales, une relique, vraie ou fausse, de saint Lazare, et le souvenir très historique d’un autre Lazare, évêque de Marseille au commencement du v « siècle et bien connu par sa présence au concile de Diospolis en 415. Ce qu’il fallait dégager, pour mettre l’Eglise hors de cause, c’est le caractère privé de telles compétitions. Que le corps de Marie Madeleine, demeuré en Orient d’après une tradition respectable, ait pu, après un silence de mille ans, émerger tout à coup en Bourgogne, et deux cents ans plus tard être également revendiqué en Provence, il peut y avoir là de quoi réjouir certains ironistes. L Eglise n’a pas cru qu’il y eût lieu de se constituer en tribunal historique, pour donner raison aus uns et tort aux autres. Ces diverses traditions locales sont pieuses ; elle ne leur conteste pas le droit de vivre. L’apologiste n’a qu’à prendre acte de sa prudence et de son désintéressement.

Dans une série d’articles consacrés à la Justification archéologique des reliques de sainte Cécile conservées autrefois et maintenant à la cathédrale d’AIbi (Revue de l’Art chrétien, 1894-5), Mgr Bariîimde Montault célébrait avec quelque enthousiasme les conquêtes de la « lipsanographie ». « Arrivée à l’état de science précise, après une pratique et une expérience, de plusieurs siècles, elle a ses principes fixes, ses règles certaines, sa méthode rigoureuse. Grâce à elle, l’étude de la dépouille sacrée de ceux que l’Eglise honore d’un culte public devient aussi prompte que facile ; car l’arbitraire n’y entre pour rien, et pour s’orienter, il suffit de jeter les yeux sur ce qui a été fait et décidé antérieurement. » Tout le monde ne partage pas cet optimisme ; cf. Analect.i Bolland., t. XV, p. 335 (1896) ; et l’Eglise ne prétend pas l’imposer.

III. Développement de la doctiine. — Le culte des reliques n’était pas entièrement dépourvu d’attaches dans l’Ancien Testament. Rappelons le enractère religieux des sépultures bibliques : Sar ; >, l’épouse d’Abraham, Grn., xxiii, 19 ; Abraham, ib., xxv, 9. 10 ; Rachel. ib., xxxv, 19. 20, cf. I Rg., x, 2 ; Isaac, Gen., xlix, 31 ; Jacob, l, 12. 13 ; Joseph, L, 24. 25 ; Ex., xi », 19 ; /os., xxiv, 3a ; David. II ! Rg., ii, 10, cf. 1, 21 ; Neb., xui, 16 ; Jet., 11, 29 ; xni, 36. Les Livres des Rois et les Paralipomènes fou ; souvent allusion au sépulcre des rois ; trois rois ci furent exclus à cause de leur impiété : Joram, II Pur., xxi, 20 ; Joas, xxiv, j.5 ; Achaz, xxviii, 27. Rappelons encore le respect qui s’attachait au contenu de l’arche d’alliance, III Rg., viii, 9 ; cf. Heb., ix, 4 ; la vertu miraculeuse du manteau d’Elie, IV Rg., iv, 8, et des ossements d’Elisée, ib., xiii, 21, cf. Eccli., XLviii, 14 : Et mortuum prophetavit corpus cius.

La vénération des reliques devait prendre sous la Loi nouvelle un caractère plus défini et une plus grande extension. Le Seigneur avait loué cette femme qui versait sur sa tête un parfum pour l’ensevelir par avance. Mat., xxvi, ia.

Saint Jean Chuysostomb montre dans les reliques des martyrs des sources vives de grâces, — grâces de lumière et de force, — ouvertes par Dieu dans l’humanité. ElogedeS. Bustathe d’.'ntioche, 2, P. G., L, 600. Homélie sur les martyrs, 2, ib., 648.9 ; Eloge de S, Julien martyr, 3. 4, ib., 670-2. Il montre les