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RELIQUES

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d’huile, I, il ; III, xxiv ; IV, xxxvi ; l’absorption d’un breuvage où l’on avait mêlé de la poussière du tombeau, II, li lu ; III, i.ix-lx ; IV, ix. xxxii. xxxvii. xlvii. Quant aux grâces de guérison ou autres, il y en a de toute sorte. Et l’on nous avertit que le catalogue dressé n’a aucune prétention à être complet : beaucoup de ceux qui voyaient leur, prière exaucée ne songeaient qu’à s’en retourner pleins de joie, et nullement à publier la faveur reçue, III, xlv. Au reste, le grand nombre de grâces temporelles énumérées ne doit pas donner le change sur l’activité du thaumaturge : cette activité s’exerçait beaucoup plus dans le domaine spirituel, et, à travers les corps, atteignait les âmes. Grégoire de Tours le dit expressément, Mirac, 1. IV. prolog. … Cuni sæpe videamus virtutum insignia prodire de tumulis beatorum, non immerito commoncmiir débitant eis honoris reverentiam impendere a quitus non desislimus infirmitatum remédia flagitare. Quorum precibus et ipsam peccaminum remissionem nom dubitamus adipisci ; et non modo hanc mereri, verum ab infernalibus suppliciis eorum interventu salvar.

L’atmosphère des sanctuaires miraculeux était une atmosphère de foi, de pénitence et de prière, non une atmosphère de superstition. Et sans doute Sulpice Sévère et Grégoire de Tours font preuve d’une crédulité souvent excessive ; mais ils n’ont pu inventer tous les faits matériels qu’ils rapportent et beaucoup moins les faits spirituels. Le saint Martin dont ils nous ont conservé l’image est bien un ami de Dieu et un thaumaturge. On regrette de voir cette image si peu comprise dans l’étude, d’ailleurs laborieuse et érudite, de E. C. Babut, Saint Martin de Tours, Paris, 191 1. Voir la juste mise au point du R. P. Delhhayb, Analecta Bollandiana, t. XXXVIII, p. 5-136 (1920). — Sur les Recueils antiques des Miracles des Saints, publication du P. Deleiiayh dans Analecta Bollandiana, t. XLIII, 1926 ; invite à manier avec prudence une littérature aussi spéciale.

C’est une émouvante histoire que celle des Romains de Norique, fuyant, l’an 488, devant l’invasion alamane, et emportant dans leur exode, comme leur plus précieux trésor, le corps de saint Séverin, leur apôtre et leur père. Citons André Baudrili.art, Saint Séverin (collection : les Saints), 1908, p. 191 :

Quand le jour du départ fut proche, toute la communauté se réunit un soir autour du sépulcre. L’abbé l.ucillus… entonne un psaume. Puis, lorsque le chant fut terminé, il donna l’ordre d’ouvrir le tombeau. Dès qu’il le lut, une odeur si suave se répandit que le cœur d s assistants fut pénétré de joie, et plusieurs, incapables de maîtriser leur émotion, se prosternèrent le front cjntro terre. Puis l’on découvrit le corps, et, à la grande surprise des assistants (car on ne l’avait pas embaumé), il se trouva conservé comme au jour de la déposition. La barbe, les cheveux étaient intacts.

Pieusement, on changea les linges qui l’entouraient, puis on referma le cercueil. On le plaça dans une sorte de chapelle portative ou d’oratoire, depuis longtemps préparé à cet effet, et le tout fut disposé sur un ch ; >riot traîné par plusieurs chevaux.

Alors on vit un des sprctacles les plus extraordinaires que l’histoire ait enregistrés, et quo volontiers on attribuerail, à la légende si nous ne possédions le souvenir écrit des témoins oculaires ; tout un peuple « migrant derrière les os de celui qui avait été non pas son roi, non pas même son chef temporel, mais uniquement son père spirituel et son bienfaiteur…

Le cortège s’engagea dans les Alpes, descendit sur le sol d’Italie et lit halte d’abord à Monte Feltre. Une pieuse dame napolitaine olfrit aux restes de Saint Séverin un asile dans son domaine de Lucullanum. Il y demeura quatre siècles, prodiguant les mi racles, en attendant d’être, devant la menace sarrasine, transféré à Naples.

Aussi bien que la Gaule et l’Italie, l’Asie mineure avait ses évêques vénérés.

Saint Nicolas, évêque de Myreen Lycie, personnage obscur au iv* siècle, devint, au cours des siècles suivants, l’un des patrons et des thaumaturges les plus populaires de l’Orient et de l’Occident. De Constantinople, où elle était établie dès le vr-’siècle, sa renommée s’étendit par terre et par mer, dans les Balkans et en Asie mineure, en Sicile, en Egypte, en Palestine. En même temps que la France et l’Allemagne, évangélisées par Rome, la Russie et les pays slaves, évangélisés par Byzance, lui dédiaient des sanctuaires. Aucun ne pouvait rivaliser avec la basilique de Myre, qui possédait le corps du saint évêque. Une liqueur miraculeuse (manne) découlait du tombeau, et les récits de miracles opérés par saint Nicolas se répandirent dans le monde entier. Mais dès le vu* siècle, et de plus en plus jusqu’au xie, l’invasion sarrasine avait fait le vide sur la côte de Lycie et en rendait l’accès difficile aux pèlerins. D’autre part, l’Italie convoitait le trésor presque abandonné. En avril 1087, trois vaisseaux italiens, revenant de négocier en Syrie, jetaient l’ancre inopinément devant Myre, débarquaient des pèlerins d’abord, et puis des hommes d’armes. On allégua aux gardiens du sanctuaire une vision du Pape : saint Nicolas luiétait apparu et avait exprimé sa volonté de reposer désormais sur la côte italienne. Le caveau du saint est défoncé, malgré les hauts cris des moines, le corps chargé sur les épaules de robustes matelots et transporté sur un navire, qui le débarquait (9 mai) à Bari, ville toute cosmopolite, latine par les souvenirs, normande par la conquête, byzantine de culture. La vertu miraculeuse du saint corps n’était pas épuisée : dès la première nuit, on compta quarante-sept guérisons ; beaucoup d’autres suivirent.

— Nous ne discutons pas le droit que les gens de Bari purent invoquer pour posséder saint Nicolas, ni celui que les gens de Myre leur opposèrent, nous constatons l’intensité du sentiment religieux qui éclate dans cette histoire. Voir Abbé Marin, Saint Nicolas évêque de Myre, Paris, 1917 (Collection Les Saints) ; B. Leib, Rome, Kiev et Byzance, p. 517^, Paris, 1924.

La dévotion du Moyen-Age se révèle en divers lieux et sous des formes multiples. Les Croisades ont importé en Occident une foule de prétendues reliques : beaucoup d’entre elles n offrent aucune garantie, si respectable qu’ait pu être la foi naïve qui d’abord les accrédita.

L’histoire primitive des reliques de saint Thomas d’Aquin vient d’être esquissée par le R. P. Mandonnbt, O. P. Nous ne saurions invoquer meilleur garant. La canonisation de saint Thomas, p. 12-xj, Paris, igs3.

Le Docteur angélique était mort le 7 mars 1274 chez les Cisterciens de Fossanova. Dès le 2 mai, l’Université de Paris écrivait au chapitre général d s Dominicains, réuni à Lyon, pour obtenir le corps du Maître qui l’avait tant illustrée. Mais l’abbaye cistercienne, à qui la Providence en avait conlié le dépôt, ne montrait nul empressement à se dessaisir. Quant aux Frères Prêcheurs, en possession d’un droit certain, par deux fois l’oii put croire qu’ils allaient le revendiquer, quand furent élevés successivement au souverain Pontilicat deux lils de saint Dominique, Pierre de Tarentaise en 1276, sous le nom d’Innocent V, et Nicolas Boccassini en 1303, sous le nom de Benoit XI.

Cependant Pierre de Monte San Giovanni, cistercien, devenu en 1281 abbé de Fossanova, montrait