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RELIQUES

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éléments superstitieux, pour le lui rendre acceptable. Aussi les premiers chrétiens n’eurent-ils pas à créer de toutes pièces le code de leurs sépultures. Ils marquèrent assez la nouveauté des pensées qui les inspiraient, en substituant au rite vulgaire de la crémation celui de l’inhumation, et en isolant leurs tombes des tombes païennes. Ils s’accoutumèrent d’ailleurs à commémorer, non plus l’anniversaire de la naissance, mais celui de la mort, qui est une naissance au ciel. Les auteurs de ce changement avaient-ils tous conscience d’obéir à une raison mystique ? On peut en douter. Néanmoins la langue de 1 Eglise, dès le milieu du u c siècle, eonsacre le mot de naissance pour désigner le triomphe des martyrs. Les Actes de saint Polycarpe de Smyrne célèbrent déjà

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Il y a lieu de croire que les premiers martyrs ne reçurent d’abord d’autre honneur que celui de la sépulture commune. Mais leur mort glorieuse les désignait aux regards de l’Eglise, et tout le monde prenait part au triomphe. Avec leurs proches, toute la fraternité chrétienne avait voulu les accompagner à leur dernière demeure ; après avoir été le but d’un cortège nombreux, le tombeau vénéré devenait, surtout aux jours d’anniversaire, un but de pèlerinage. On voit déjà les fidèles de Smyrne disputer aux haines juives et païennes les cendres de saint Polycarpe et leur donner une sépulture honorable. Ces démonstrations ne pouvaient échapper aux regards des persécuteurs, qui parfois surent les prévenir et frustrer l’espérance des lidèles. Mais souvent aussi le corps des suppliciés fut rendu à leurs proches, et l’on voyait se dérouler, en pleine persécution, des obsèques triomphales. Telles furent, sous Valérien, à Carthage, celles de saint Cyprien, décapité à la vue de son peuple ; et bien d’autres, où le deuil ht place à l’enthousiasme. Après la paix donnée à l’Eglise, au îv- siècle, le culte des martyrs s’épanouit magnifiquement. Aux anciennes réunions, plus ou moins clandestines, succédèrent des pompes religieuses où les foules accouraient de loin. Les grands évêques y prenaient la parole ; nous avons despanégyriques de saint Basile, de saint Jean Chrysostome et d’autres, à la gloire des martyrs d’Orient ; de saint Augustin à la gloire des martyrs d’Afrique. La poésie était de ces fêtes : saint Paulin de Noie nous montre des pèlerins innombrables prosternés devant le tombeau de saint Félix, et sa petite ville épiscopale devenant, pourun jour, l’émule de Rome. Bientôt il fallut agrandir les sanctuaires : aux cryptes et aux hypogées succédaient les npose-jxTrjpty. à ciel ouvert. Par tout le monde romain, des basiliques sortaient de terre, à côté de Pédicule où l’on avait enfermé le corps d’un martyr.

Le culte local ne devait pa r tarder à rayonner au dehors. Toute Eglise marquée par la persécution, gardait, comme un titre de noblesse, la liste de ses triomphateurs, avec celle de leurs anniveisaires. Une heure viendra où les martyrologes locaux fusionneront, et où l’unité catholique s’affirmera par l’unanimité des hommages rendus à certaines grandes mémoires.

A cet égard, une différence capitale sépare l’Occident de l’Orient. Tandis que l’Occident, pénétré de respect pour l’inviolabilité des tombeaux, veille sur l’intégrité des corps saints, l’Orient s’accoutume beaucoup plus vite à ouvrir les sarcophages et à distribuer des reliques.

A la base de cette diversité d’usage, on trouve une ancienne diversitéde législation. La loi romaine protégeait les sépultures : les martyrs devaient bénéficier de cette disposition jusque vers le début de vu" siècle. L’an 5rj/|, l’impératrice Constantine, épouse

de Maurice, avait écrit au pape saint Grégoire pour solliciter l’envoi de reliques destinées à la chapelle impériale ; et elle précisait : avant tout, quelque relique insigne de l’apôtre saint Paul : capul… saneti Pauli a ut aliud quid de corpore ipsius. Le pape refusa : la coutume ne permettait pas de porter la main sur le corps vénérable ; d’ailleurs certains exemplesrécents et terriblesétaienl faits pour décourager les profanateurs. L’impératrice dut se contenter de quelques parcellesde limaille prélevées sur les chaînes de l’Apôtre. Begistrum Epistolarum Gregoriil Papae, IV, xxx, M. G. //., t. I, p. 2 65-6. En 5 1 9, le pape Hormisdas n’avait pas mieuxaccueilli une requête de Justinien. Hormisdæ lip. s lxvi, ap. Thiel, r.pistulue Pontificum Iîomanorum, p. 8t3-5. Dès lors se répandait l’usage de ces reliques représentatives appelées à Rome sanctuaria, brandea, palliola : objets divers, notamment fleurs ou étoffes, déposés sur le tombeau des martyrs pour s’imprégner de la vertu qui s’en exhalait. Avec le temps, Rome devait se relâcher de cette rigueur ; et l’afflux des « saints cataconibaires », au moyen-àge, engendra plus d’une confusion regrettable.

Cependant les Grecs n’y regardaient pas de si près. Les législations municipales d’Asie rendirent bientôt possibles les translations, puis les divisions decorpssaints. La première en date des translations connuesest celledesaintBabylas, évêque d’Antioche déposé dans l’église neuve de Daphné par le césar Olallus (351-4) ; voir saint Grégoire ds Nazianzb, C. Iuiiunum, I, xxv, P. G., XXXV, 55a ; Sozo.mi : nb H E., V, xix, P. G., LXVIl, 1275. Diverses translations se firent, les années suivantes, au bénéfice de Constanlinople. Dans l’église des Apôlies, Constantin avait érigé des cénotaphes ; Constance voulut posséder de vrais tombeaux. Dès 356 on vit arriver les reliques de saint Tiniothée ; en 357, celles de saint André et de saint Luc ; beaucoup d’autres suivirent. Antioche revendiqua, en divers temps, les corps de ses grands évêques ; s’il faut en croire saint Jérôme, De vir. ili., xvi, on y vénérait, de son temps, le corps de saint Ignace, martyrisé à Rome sous Trajan. Saint Babylas, l’évêque martyr du m’siècle, fut plus d’une fois troublé dans son repos : de Daphné, où nous l’avons vu transféré sous Gallus, il fut éloigné par ordre de Julien, en 36a, au bénéfice d’Apollon : toute la population chrétienne d’Antioche lui fit cortège. Antioche récupéra ces restes précieux en 38 1, du temps de l’évêque Mélèce. Mélèce, mort à Constantinople, fit reiour à son Eglise et reposa près de saint Babylas ; il fut rejoint ; vers 482, par l’évêque Eustathe, autre confesseur de la foi, mort en exil à Trajanopolis. Dklkhayb, op. cit., p. 69-1.).">.

Un peu partout, en pays grec et syriaque, les corps sont dans un état d’instabilité qui contraste avec l’immobilité hiératique des tombes latines. La chronique d’Edesse signale, en date du 22 août 3^4* l’arrivée du sarcophage de saint Thomas apôtre, dans la grande basilique. Quand Nisibe tomba au pouvoir des Perses, les fidèles emportèrent dans leur exode le corps de saint Jacques, défenseur de la cité. Au commencement de son épiscopat, saint Cyrille d’Alexandrie déposait dans l’église des évfingélistes, à Menuthi, près Canope, les restes de saints Cyr et Jean.

Une fois le principe des translations accepté, on devait en venir au partage et à l’émiettement des restes sacrés, objet d’ardentes compétitions. Des sentiments divers entrent ici en jeu : empressemeiit à res-aNh, dans un gage matériel, la persenae disparue ; piété envers le martyr ; confiance dans la vertu du thaumaturge. Quand Saturus, en