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RELIQUES

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philosophie déduit, à bon droit, de la croyance universelle, une preuve de l’existence de Dieu. Mais la vérité religieuse n’est pas, certes, décidée par le suffrage uiiversel. C’est que la croyance initiale est produit de la nature, qui sort des mains de Dieu. Tandis que le suffrage est un produit complexe de l’esprit humain, qui subit, outre l’ignorance, fruit amer du péché, tant d’influences mauvaises, que la résultante ne saurait être une norme de vérité. Nul ne peut croire sans connaître ; personne ne croit s’il ne veut croire ; on ne veut guère croire ce que l’on ne veut plus pratiquer : autant de raisons graves qui disqualiûent le suffrage universel, en matière de vérité religieuse.

Dans l’ordre pratique, quel merveilleux stimulant pour tout catholique de cœur qu’une si douloureuse découverte ! « Près des cinq sixièmes des hommes, mes frères, manquent encore à l’appel du Christ » : voilà ce que tout baptisé doit se dire et se répéter, afin d’aviver son zèle. Que puis-je, moi, pour aider l'œuvre de rédemption dans l’univers, pour contribuer à avancer la tâche immense ? Ma conscience m’approuve telle dans le passé, ou me reprochet-eile d’avoir agi trop peu ?

Si tel est l’effet du document présent, l’apologiste aura atteint son but.

G. Gibbrt, S. J.

Missionnaire.


RELIQUES. — Le mot relique appartient à la plus ancienne langue latine ; il sert à désigner toute sorte de restes. Débris d’un naufrage, Plautb, Rud us, I, iii, 17 :

Isnavem atque omnia perdidit in mari ; Hæc bonorum cius surit reliquiae.

Reliefs d’un repas, Ciciaoïf, 4c/ Fam., XII, îv : Vellem idibus martiis me ad cænam invitasses : relimuiarum nihil fuisset. — Certains exemples mettent 6ur la voie de l’acception proprement chrétienne. Description de funérailles, chez Virgile, Aen., VI, 336-7 :

Poslquam collapsi cintres et /lamina quievit, Reliquias vino et Libulam lavere favillam.

Le grec disait : /sifoax (mot étranger aux Septante). — Platon, Phédon, 80 C : Ta Utyauix « 0 -.

Dans la langue chrétienne, le mot Reliques désigne les restes mortels des saints, et par extension des objets consacrés par le contact plus ou moins immédiat de leurs corps. L’Eglise a toujours honoré les reliques des saints ; mais le sentiment qui l’inspire a été souvent méconnu et travesti. Pour le justifier, il suffira d’exposer les faits.


I — Origines du culte des reliques.
II — Développement du culte.
III — Développement delà doctrine.
IV — Les ennemis des reliques.
V — Législation canonique moderne.
VI. — Conclusion.

I Origine du culte des reliques.

Les héros du christianisme n’ont point d'égaux dans l’histoire, soit pour l'élévation de l’idéal poursuivi, soit pour la générosité des efforts dépensés, soit pour la simple grandeur d’une vertu qui souvent s’ignore, et qui toujours trouve dans le don de soi-même à Dieu sa joie et sa récompense. Entre tous, les martyrs, par l’héroïsme de leur sacrifice, conquirent dans la pensée des premières généralions chrétiennes une place éminente. Devant le spectacle de ces immolations, consommées avec tant de simplicité, la nature lie impression des foules dut être faite de stupeur et d’angoisse : l’exaltation sainte d’un Etienne contemplant le ciel ouvert sur la tête et le Christ qui l’attend, ou d’un Ignace d’Antioche aspirant à être moulu par la dent des fauves pour devenir le pur pain duChrist, n'étaitpas immédiatement contagieuse. Mais déjà la lettre de l’Evangile béatifiait les victimes, et le voyant de Patmos avait salué dans le ciel leur troupe glorifiée (Ap., vii, 1 4)- L'âme des fidèles ne pouvait tarder à se ressaisir, devant cette leçon que les persécuteurs remettaient fréquemment sous leurs yeux, et ce fut souvent avec des trans ; orts de joie que des troupes de martyrs descendaient dans la prison ou dans l’arène. La mort pour le Christ était devenue la suprême ambition des élites ferventes. C’est que les témoins du Christ avaient conscience de ne pas souffrir seuls. La forte parole de Tbrtullibn, De Pudicitia, xxn : Chris tut in martyre est, traduit la conviction ardente qui soutenait ces héros et les désignait à la vénération de leurs frères. — Voir l’article Martyre.

Cette considération du Christ présent dans le martyr met en lumière la suprême originalité du culte chrétien des reliques. Le dogme de la communion des saints, qui montre dans tous les fidèles les membres d’un même corps mystique, marque la transcendance du point de vue chrétien, mais ne supprime pas le fonds commun à toute nature humaine. Platon, après Hésiode, voit dans les héros morts pour la patrie des génies tutélaires et toujours dignes d’hommage. Res public., V, xv, p. /|Gy. Ce fonds a une valeur universelle, et Eusèbb a le droit de s’appuyer sur Platon, Præp. £V., XI1I, xi, P. G., XXI, 1096. A l’exception de l’Inde brahmanique, tous les peuples, même les plus sauvages, se rencontrent dans le culte des reliques. Voir VEncyclo* pædia of Religion and Ethics (Hastings), vol. X, p. 650 A-G(J2 B (1918). Notamment p. 650 A : « The supernaturul virtues of relies, originating in such belicfs as hive been referred to, may be traced through a séries of examples in ail religions and in ail degrees of civilization, beginning vith the lowest savages ».

C’est donc un sentiment profondément humain qui inspira, de bonne heure, le culte rendu aux restes des corps sacrés par la vertu et par la mort endurée pour Dieu. Les origines de cette histoire ont été retracées naguère, avec une science à qui rien n'échappe, par le R. P. Delehaye, Bollandiste, Les Origine » du Culte des martyrs, Bruxelles, 1912. Nous ne saurions choisir un meilleur guide.

Une question préalable se pose, qu’on ne peut ici ni écarter simplement ni résoudre a priori : le culte des martyrs s’est-il constitué en dehors de toute influence des croyances et des mœurs païennes ? Avant tout, il faut faire deux parts dans les hommages que l’antiquité rendait à ses morts. A certains morts illustres, plus ou moins entrés dans la légende et mis par la poésie ou par l’adulation populaire dans un rang voisin des dieux de l’Olympe, allait un culte national, tout-à-fait païen, auquel la piété chrétienne ne pouvait demander aucune sorte d’inspiration. Aux ancêtres de la famille allait un culte domestique, beaucoup plus discret, sorte de prolongement des relations familiales, fait de pieux souvenirs et de rites souvent respectables. Si le devoir de la sépulture est partout tenu pour sacré ; si l’on continue de fêter le mort en son anniversaire de naissance (appelé dès lors genesia), si des lois rigoureuses protègent le tombeau contre toute profanation, la vraie religion n’en saurait prendre ombrage ; il suffira de purifier le rituel funéraire de certains