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RELIGION : THÉORIES PSYCHOLOGIQUES

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halda, 4’éd.. 1922, p. 131 sq., nous avons cru qu’il fallait distinguer :

a) La théorie physiologique des faits inconscients, qui, avec Huxley, Maudsley, Carpenler, Ribot, fait de la conscience un reflet, une ombre, un « épiphénoniène », se surajoutant aux phénomènes déjà constitués ;

b) La théorie des phénomènes psychologiques sous-conscients, oudela multiplicité desconsciences, acceptée par Binet. Colsenet, Pierre Janet, etc., le fait de conscience accompagnant chacun des éléments mentaux, affectifs, et pouvant former, avec d’autres éléments de conscience, des moi distincts ;

c) La théorie animiste de faits psychologiques entièrement inconscients, adoptée par Leibniz, Maine de Biran, à laquelle ne répugne pas la philosophie aristotélicienne ; et acceptée explicitement par Leibniz, de Broglie, Mgr Mercier, Domet de Vorges, Farges, Blanc, etc.

Or, il nous semble que la thèse de James se rattache à l’interprétation des phénomènes psychologiques sous-conscients. James se réfère explicitement, on l’a vii, au système de Myers, aux expériences d’automatisme psychologique de Binet et Pierre Janet.

« Notre conscience normale n’est qu’un type

particulier de conscience, séparé par une fine membrane de plusieurs aul res, qui attendent le moment favorable pour entrer en jeu », op. cit., p. 329.

Mais la théoriede Myers est elle même une hypothèse, une interprétation des faits. S’il est exact que nos phénomènes psychologiques tendent à s’associer, à se fusionner, à se grouper en synthèses, ces synthèses ne constituent nullement des consciences distinctes : les scissions ne sont jamais complètes entre ces consciences ; celles-ci s’enveloppent souvent les unes les autres, elles persistent dans la mémoire, elles sont rapportées au même sujet ; elles supposent donc son unité et sa persistance. Rien n’est venu, depuis James, apporter une preuve décisive en faveur de ce sous conscient ou de ce subliminal ainsi compris. — Pour expliquer des faits difficiles, on a inventé, des mots nouveaux : subliminal, automatisme ; mais l’explication n’a pas avancé d’un pas. Ita Wundt, Ilypnot. cl sugg., p. 56. Au point de vue scientifique, l’explication de Myers demeure une hypothèse, et de plus en plusdiscutée.

Même si ce subconscient existait, il serait incapable d’expliquer l’origine de la religion, l’expérience religieuse normale, les faits de conversion soit lente, soit soudaine. Le fait de la conversion lente, avec ses hésitations, ses retours, ses contradictions, est en opposition avec les poussées insurmontables de l’automatisme : le converti se rend compte de ses motifs, même s’il ne les analyse pas ; il se rend à la lumière : rien qui ressemble au caractère fatal, involontaire, de l’adhésion et de l’impulsion. Les conversions soudaines diffèrent des cas pathologiques, ou des manifestations automatiques, par les circonstances dans lesquelles elles se produisent : lumière sur une vérité morale ou religieuse, sur le néant de la vie, l’horreur du péché, la grandeur de Dieu ; par leurs résultats : ici, transformation de l’âme dans le repentir et commencement d’une vie durable de sacrifices, d’héroïsme, de sainteté.

!) Elle ne permet pas de reconnaître l’intervention

de Dieu, — A l’explication psychologique, James superpose une possibilité d’ordre métaphysique. Sans doute, dit-il, les manifestations de l’art ivilé subconsciente ne dépendent que du sujet. Mais la eonscience subliminale pourrait être « un champ plus propice aux expressions spirituelles ». L’action divine pourrait s’exercer plus aisément dans ces

régions plus paisibles. « Une force transcendante pourrait s’exercer directement sur l’individu, à condition qu’il ait un organe récepteur approprié, c’est à-dire une conscience subliminale. » l.’c.rp. relig., p. 206. — Si l’action divine est rendue ainsi possible, comment le croyant connaltra-t-il cette expérience ? Aucun moyen légitime pour atteindre cette certitude. Sur ce qui se passe au delà du subconscient, il ne peut former que des hypothèses. L’expérience religieuse, par elle-même, lui interdit d’aller au delà. Jamais il ne pourra donc affirmer la transcendance de son action.

S’il consent cependant à se risquer dans la métaphysique, James déclare que le moi supérieur de l’individu — le moi subliminal — fait partie de quelque chose de plus grand que lui, mais de même nature— que ce plus grand, c’est sa « surcroyance », n’exige pas, pour vérifier l’expérience religieuse, un Dieu infini et un Dieu unique, qu’il suffit d’admettre une puissance supérieure à l’individu, et intervenant dans son expérience —, que la théodicée de l’Absolu n’est pas nécessaire pour l’âme religieuse ; bien plus, que « la philosophie de la religion devrait accorder plus d’attention qu’elle ne le fait à l’hypothèse pluraliste ». Sur ce pluralisme, James s’est expliqué ailleurs, encore qu’assez confusément, A Pluralistic Univtrse, trad. franc. Philosophie de l’expérience, Flammarion, 1910. Le théisme (philosophie catholique) représente Dieu et la création comme deux entités distinctes, et fait de nous « des êtres étrangers à Dieu et lui restant étrangers ». L’homme étant ainsi un simple sujet, Dieu n’est plus le cœur de notre cœur, mais un souverain. Ce dualisme s’est toujours trouvé en lutte avec le monisme — plus simple, plus logique, plus rationnel, plus radical ; et avec les expériences mystiques des âmes religieuses sur un Dieu intime. Cette intimité du divin et de l’humain écarte tout autant le panthéisme, système spéculatif, issu du besoin d’unité. Le pluralisme nous fait découvrir des zones multiples d’existence, dans le inonde, des régions nouvelles et inexplorées ; l’expérience naturelle n’est qu’un fragment de l’expérience totale ; et le monde du pluralisme ressemble à une république fédérale plutôt qu’à un empire. Il y a, non un univers, mais un multivers. Cet empirisme pluraliste établit pour nous la relation la moins lointaine avec Dieu ; avec Dieu conçu comme fini.., qui n’a plus à expliquer le mystère de la chute, le mystère du mal, le mystère du déterminisme universel : notre conscience humaine, par l’expérience religieuse, s’unit donc à cette « conscience surhumaine », elle-même finie dans l’univers.

Ainsi James retourne à sa définition du début : la religion est un rapport avec Dieu. De ce Dieu, il ne connaît pas les attributs métaphysiques ; ou plutôt il les nie. — Cette métaphysique n’est-elle pas en contradiction formelle avec les données de l’expérience religieuse : l’affirmation d’un Dieu transcendant, personnel et unique ? Les primitifs, en réalité, Cf. Mg. Le Hoy, Itel. des primil., en savent plus que le métaphysicien improvisé qu’est ici James.

5) Elle aboutit enfui à l’élimination de Dieu. — Certains philosophes, à la suite de James, utilisent la subconscicnce et y superposent cette « surcroyance métaphysique » ; quitte à l’interpréter dans un sens plus rapproché du spiritualisme catholique. Ainsi Sr’c.oND, dans son livre sur la Prière, Etude de psychologie religieuse, Alcan, 1911, où tour à tour le recueillement, l’aspiration, le sentiment de présence, l’abandon, les formes diverses de la prière sont étudiées et leur réalité, comme leur efficacité, expliquées par la subconscience : et c’est aussi en