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RELIGION : THÉORIES PSYCHOLOGIQUES

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logie religieuse. Sans celles-ci, elles demeureront inintelligibles.

a) Elle affirme l’irréductibilité des faits de conscience - et de l’expérience religieuse. — Même si les faits de conscience sont conditionnés par des données biologiques et des antécédents nerveux, théorie du chevet acceptée par James, et qui est, on le sait, la donnée du composé humain dans la scolastique, ces faits ne peuvent se ramener à ces antécédents. Même si l’expérience religieuse s’accompagne de phénomènes de névrose, oude manifestations pathologiques, en son fond elle garde sa réalité et sa valeur. Y. James a énergiquement repoussé et ridiculisé les théories du matérialisme médical, qui ramène la conversion, dans l’adolescence, à une crise de l’instinct sexuel, la conversion de saint Paul, o à une décharge épileptiforme dans l’écorce occipitale », et la mélancolie de Carlyle à un « catarrhe gastroduodénal « Contre ces fantaisies matérialistes, la réfutation pleine de verve de V. James gardera toute sa valeur.

3) Elle reconnaît les variété » de l’expérience religieuse. — Dans les théories sociologiques, l’individu n’est que le résultat du milieu social ; son individualité n’existe pas, ou demeure inexplicable, ou du moins ne peut s’expliquer que par l’entrecroisement des facteurs sociaux, qui nient cette illusion de personnalité, toute factice on le voit ; ici James insiste sur ces variétés, sur ses aspects strictement individuels, sur cette coloration personnelle des idées, des sentiments religieux. Cette expérience se réalise dans la personne, et elle partage son inimitable originalité ; les expériences ne se révèlent jamais entièrement les mêmes. Pas de conformisme religieux, ni de pure imitation, ni d’écho inerte, mais la vie, la vie individuelle, avec les marques de cette individualité.

4) Elle s’attache surtout aux expéricncesreligieuses originales, plus complètes, plus élevées. — Par là, cette méthode nous débarrasse de ce privilège ridicule, de cet engouement des thèses évolutionnistes pour le primitif. Elle rappelle la science des religions au respect des méthodes scientifiques : étudier d’abord ce qui est le mieux connu, le plus directement observable, le plus près de nous ; expérience qui, scientifiquement, est plus accessible à la fois et plus significative. Elle renverse donc et d’abord tout l’échafaudage évolutionniste, pour se mettre immédiatement en face des faits religieux, sans théorie interposée, comme James se préoccupe d’entrer dans la psychologie, en oubliant toute explication préconçue. Cf. Y. James, Précis de psych., trad. fr., prof., vii, 19.

.">) Elle met su ; le même pied l’expérience religieuse et l’expérience scientifique. — Ede n’entend pas supprimer la religion au nom de la science : la méthode scientifique lui impose de reconnaître des faits religieux d’un autre ordre que les faits matériels, observables du dehors, mais tout aussi réels, qui s’imposent à l’observation, et que la science doit, non pas nier arbitrairement, ou dédaigner de parti-pris, mais s’efforcer d’expliquer. D’ailleurs, cette expérience nous apporte l’atlirmation de nouvelles réalités, plus hautes, plus larges, que les étroites limites où la science prétend nous enfermer.

6) Elle proclame la valeur é m inente de la vie religieuse. — Et ceci, par application du pragmatisme. Les formules significatives abondent, dans l’œuvre de James ; « la religion… est un rouage essentiel » de la vie, une fonction biologique des plus importantes ; la sainteté est un facteur essentiel du bien-être social : lessaintscomptent parmi les grands bienfaiteurs de l’humanité. En face du scientisme

orgueilleux, et du scepticisme qui paralyse les âme- ; , l’œuvre de James exalte la valeur de la vie religieuse source de force, de paix, de joie et d’héroïsme.

B. Les erreurs. — j) Cette théorie rapproche des faits essentiellement différents. — C’est d’abord le résultat d’un excès de richesse : trop de faits, etpuisés à pleines mains, sans discernement suffisant ; c’est aussi la conséquence de la méthode : entre les états rudimentaires et les manifestations aiguës, une sériede cas nombreux qui servent d’intermédiaires et relient les extrêmes. Par là, nous relournonsau procédé cher à l’évolulionnisme, s’efforçant de suivre par étapes le développement qui fait sortir le supérieur de l’inférieur. Ainsi James rapproche les révélations anesthésiques, l’ivresse produite par le chloroforme, la « conscience cosmique » et le mysticisme chrétien, le sentimentde l’irréel, les casd’hallucination et le sentiment de la présence divine, la mélancolie de l’aliéné et la mélancolie religieuse etc. Pêle-mêle de citations, de faits, qui, malgré l’auteur, aboutissent, par ces rapprochements singuliers et tout à fait superficiels, à discréditer le fait religieux.

2) Elle apporte une analyse incomplète de l’expérience religieuse. — Dans cette analyse, les sentiments, les émotions, sont considérés comme les éléments essentiels de la religion ; les croyances, qui suscitent ou modifient ces sentiments, sont passées sous silence, ou traitées de faits secondaires et accidentels. C’est le cœur, nous dit-on, qui est lasource de la vie religieuse ; la spéculation, qui s’y mêle par la suite, dénature cette expérience, demeure sans valeur et sans action. James adopte donc un anti-intellectualisme dont les conséquences s’affirmeront dans son acceptation de la philosophie du pragmatisme. Mais dès l’abord, ce mépris de la spéculation philosophique et théologique, au regard de l’expérience, conforme à l’empirisme du psychologue, s’explique aussi en lui par une survivance de culture protestante. Son expérience religieuse s’apparenteà la piété du cœur, au sentimentalisme — expérience ainsi tronquée et interprétée d’après l’anti-intellectualisme.

3) Elle supprime la caractéristique des faits religieux.

: — Religion signifie pour lui impressions, sentiments

et actes de l’individu pris isolément, pour autant qu’il se considère comme étant en rapport avec ce qui lui apparaît comme divin, — mais sans signifier nécessairement une divinité concrète ; le naturisme d’Emerson, son adoration de l’univers, ainsi entendus, relèvent delà religion. Pour qu’il y ait vie religieuse, il suffit d’entendre par ce divin

« une réalité première, de telle nature que l’individu

se sente obligé de prendre vis-à- vis d’elle unealtilude solennelle et grave ». L’Exp. rel., p. 34. — Mais, at-on justement remarqué, c’est confondre la philosophie et la religion, lemonisme philosophique etl’adoration religieuse. Entre celle-ci et le culte du cosmos, il y a seulement analogie, rapprochement superficiel, vu du dehors. Au dedans, les attitudes apparaissent nettement différentes. La vie religieuse est un rapport avec un être vivant : Dieu connu, aimé, prié. Et toute attitude solennelle envers Diei’n’est pas religieuse : agnosticisme, moralisme, mate ria’isme, doctrines sérieuses et graves, ex| rimen’des philosophies, non des religions. Aussi bien, James a-t-il fait cet aveu : « Le personnalisme est le fond de la pensée religieuse », op. cit., p. ^99 4) Elle ne parvient pas à expliquer par le tubcoi 1 cientm les faits religieux en général, ni la ci ru sion en particulier. — Signalons d’abord les diverses intcrprétatiot.s du subconscient. Dans une étudesu, ce sujet, Dieu et l’agnosticisme contemporain, Ga.