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RELIGION : THEORIES PSYCHOLOGIQUES

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D’autres retournent à un naturisme, plus ou inoins mystique : saisie de la nature, et adoration de sa force et de ses phénomènes anormaux, ou vague peiceplion d’une unité du monde, conçu comme vivant ; panthéisme, résultant tardivement d’une élaboration philosophique que l’on attribue à la pensée du primitif. Le primitif percevrait quelque chose qui ressemble sans doute au cvntinuiim de Bergson.

, /)Mais au point de vue de la psychologie, la magie apparaît comme la déviation de la religion, l’effort de l’homme pour arriver à contraindre la natu re sans passer par Dieu.

b) Historiquement, les religions de l’Inde, de l’Egypte, ne connaissent pas cette « nébuleuse magicoreligieuse indifférenciée », mais l’aflirmation d'êtres supérieurs.

c) L’ethnologie, de son côté, incline à poser cette loi, qui est le renversement de l’hypothèse prémagiste : plus est dcvejoppé, dans une société inférieure, le culte de l'Être suprême, moins il y a de magie. Cf. F. Bouvier, Sein. Ethn. rai., 19 1 3, p.i^o 14 « j. — Cf. art. Magismr

d) Il n’y a religion, en fait, que s’il y a sentiment de dépendance, et celui-ci n’existe que par l’aflirmation d’Etres personnels et supérieurs. En dehors de la reconnaissance de cette personalité et de cette supériorité, il peut y avoir une philosophie, élaboration abstraite, pour quelques-uns, non une religion concrète, spontanée, vivante, eflicace.

7) Existence d’un monothéisme primitif. Affirmation il Etres suprêmes, chez les peuples de la plus basse civilisation, cl de la plus lointaine ancienneté. — C’est là, de beaucoup, , le plus intéressant résultat de l’ethnographie contemporaine et par où, d’une façon surprenante, elle vient compléter les arguments du philosophe spirilualiste, — peut-être aussi la thèse de la théologie catholique. Par l’aflirmation de cette priorité du monothéisme, « l’animisme, qui veut le regarder comme le produit iinal d une longue évolution, est frappé mortellement dans une de ses principales thèses ». Schmidt, op. cit., p. 67.

Cette priorité du monothéisme primitif, la philosophie spiritualiste la tenait pour possible et pour ré'lle. En distinguant entre connaissance spontanée et connaissance réfléchie ou métaphysique de Dieu, entre ailirmation de son existence et connaissance explicite et systématique de sa nature, le spiritualisme soutenaitque l’application du principe de causalité, et par lui l'élan naturel et spontané de l’intelligence, aboutit à l’aflirmation d’une Première Cause, d’un Auteur du monde… Il ne s’agit pas là d’une abstraction savante, mais du mouvement vivant et spontané de l’esprit, et de sa métaphysique naturelle. Aussi bien, ce passage par l’homme de sa causalité propre et de l’expérience de ses limites à une causalité universelle, transcendante, est-il un simple prolongement ou une interprétation priruesaulièt c de son expérience — à rencontre de LévyBruhl, La mentalité primitive, 1922, écartant du primitif actuel l’interprétation des causes, et la pensée discursive, pour le réduire à un pur intuitif, et de ceux qui, accordant la connaissance de la causalité, refusent d’admettre cet élan de l’esprit, raisonnement, non-intuition, jusqu'à la causalité première. Aux objections de l’animisme ou du sociologisme, sur l’impossibilité philosophique d’un monothéisme primitif, Lagrange répond justement : a Nous ne supposons aucune civilisation chez l’homme primitif, mais il faut lui reconnaître des facultés rationnelles, si peu exercées qu’elles soient. Nous deman B seulement pour l’homme primitif une certaine solidité de l’esprit et ces quelques idées simples que

Renan abrite sous la tente du nomade et qui ne sont l>as la civilisation », op. cit., p. a3.

Les théologiens à leur tour insistaient, après le Concile du Vatican, Const. Dei Ftlius, c. ii, sur la capacité radicale de cette connaissance ; — sur larcalité de cette connaissance chez les païens, Hom., i, 20 ; — sur le fait de la connaissance deDieu, résultat delarévélation primitive ; — sur le fait delà dégénérescence progressive de ce monothéisme. Et ce sont j là mérites éminents et services signalés rendus à la science des religions, comme le reconnaît W. Schmidt. Mais cet auteur reprochait aussi, et non sans vivacité, aux théologiens et aux apologistes, leur méconi naissance trop grande du mouvement scientilique I actuel, en particulier des conclusions actuelles de l’ethnologie religieuse, leur insuflisante préparation sur ce point, leur effort perdu à réfuter des théories religieuses anciennes et abandonnées ; par contre, leur ignorance des travaux de l'école anthropologique, des objections tirées de la diffusion de l’animisme chez les peuples primitifs. — Et il leur reproche aussi de méconnaître les services que la méthode ethnologique historique (celle des cycles culturels) a déjà rendus en utilisant contre l'évolutionnisme les recherches ethnologiques étudiées plus scientifiquement.

En particulier, il leur reproche de ne pas avoir utilisé contre l’animisme évolutionniste les arguments surprenants et décisifs fournis récemment par l’ethnologie sur la réalité et la persistance de l’idée d’Etre suprême chez les peuples de plus basse civilisation et de plus grande ancienneté.

Ces arguments nouveaux — confirmant des témo’gnages anciens qu’on avait récusés de parti-pris ou passés sous silence (ainsi pour Tylor, A. Réville, etc), ou dénaturés —.apportés par A. Lan gaufrefois le plus brillant défenseur de l'école anthropologique, devenu maintenant (f 1912) devant la loyale observation de ces faits, l’intrépide défenseur du monothéisme primitif et, dit-il, lui-même « un paria » de l’Egliseanthoropologiqueontprovoqué à la lettre

« une véritable révolution dans la science des religions », suivant le mot juste de W. Schmidt. — Depuis lors, les enquêtes se sont multipliées, les arguments nouveaux se sont accumulés ; et devant cette

masse d’oservations sur les non-civilisés, dans les diverses parties du monde, si la thèse du monothéisme primitif, en contradiction totale avec le système de l’animisme primitif, n’est pas encore définitivement victorieuse, du moins s’impose-t-elle à l’attention, à la critique, gagne-t-elle tous les jours de nouveaux adhérents, en attendant d'être, et sous peu, en science des religions, la vérité définitivement acquise. Cf. sur ces résultats progressifs, en dehors du livre capital de A. Lang, The making of religion. 1898, du même auteur : article « Dieu » dans Encrclopédia of religion, de Haslings ; La Roy, liel. prim., Chriitus, c. 11, Sein. Eth. relig. c. xiii « Culte de l'Être suprême chez les non-civilisés », les travaux déjà cités de W. Schmidt, prolongeant avec une grande pénétration critique la démonstration de A. Lang, les nouveaux témoignages recueillis et ordonnés par Huby, S. J. liée se. rel., 1917. « La croyance à l’Etre suprême chez les non-civilisés », p. 3a8-35a. Résumons les conclusions qui paraissent se dégager nettement de la masse de ces faits.

a) Chez les non-evilisés, derrière l’animisme, le naturisme, le totémisme, les fétiches, les tabous, etc., à l’arrière-plan, réelle, mais vague et imprécise, domine à peu près partout l’idée de Dieu, d’un Etre suprême. Sous les noms divers qui lui sont donnés, les attributs qui lui sont reconnus sont des attributs propres à la Divinité. — Le vocabulaire lui-même